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cipalités, devaient intéresser toute l'Europe, tandis, comme on l'a déjà observé, qu'avec un peu de bienveillance ces sortes d'événemens se terminent toujours à l'amiable.

2o On a été extrêmement frappé de ces expressions: oes souverains réunis en concert pour le maintien de la tranquillité publique, et pour la sûreté et l'honneur des couronnes. On a cru voir l'indice d'une ligue formée à l'insu de la France, et peut-être contre elle. On a été étonné que l'Empereur, beau-frère et allié du Roi, ne lui ait point fait part de ce concert formé entre les souverains de l'Europe, et à la tête duquel Sa Majesté impériale paraît être placée. Cette observation, Monsieur, me conduit naturellement à vous parler d'une inquiétude qui occupait déjà les esprits, et à laquelle les paroles que je viens de vous citer ont donné beaucoup de force. On craint qu'il n'existe, en effet, une espèce de ligue formée entre les principales puissances de l'Europe, dans la vue d'apporter quelque changement dans la constitution française. On prétend que ces puissances ont dessein de provoquer l'établissement d'un congrès où cet objet serait traité entre elles; enfin, on suppose que réunissant leurs forces et leurs moyens, elles voudraient contraindre le Roi et la nation à accepter les lois qu'elles auraient faites.

Je ne doute pas que les émigrés n'aient souvent présenté ce projet comme la chose du monde la plus pacifique et la plus facile à exécuter; mais je ne saurais me persuader qu'il ait été si facilement accepté. Je ne peux croire surtout que l'Empereur, animé comme il l'est par des vues de sagesse et de justice, ait pu se prêter

à de semblables idées. Ce serait vainement que l'on entreprendrait de changer par la force des armes notre nouvelle constitution; elle est devenue, pour la grande majorité de la nation, une espèce de religion qu'elle a embrassée avec enthousiasme, et qu'elle défendrait avec l'énergie qui appartient aux sentimens les plus exaltés.

Ceux qui voudraient entraîner les puissances étrangères à des mesures violentes, ne cessent de répéter que la France est pleine de mécontens, qui n'attendent que l'occasion pour se déclarer.

Il y a beaucoup de gens qui souffrent et qui se plaignent; mais ce que je crois fermement, et ce qu'attesteront avec moi tous ceux qui connaissent les dispositions actuelles des esprits, c'est qu'au premier moment où la constitution serait attaquée, il n'y aurait plus qu'un seul parti, qu'un seul sentiment, qu'un seul intérêt, et la plupart des mécontens se réunissant à la cause commune, en deviendraient les plus ardens défenseurs.

En même temps qu'on parle des mécontens, on exagère l'indiscipline de notre armée, la pénurie de nos finances, nos troubles intérieurs; en un mot, on nous représente comme étant dans une impuissance absolue. Je ne dissimule pas que nos embarras ne soient grands; mais le fussent-ils davantage, on se tromperait beaucoup, si on croyait pouvoir dédaigner la France et la menacer sans inconvéniens.

Vous m'avez mandé plusieurs fois, Monsieur, qu'on était extrêmement frappé à Vienne du désordre apparent de notre administration, de l'insubordination des pouvoirs, du peu de respect que l'on témoignait quelque

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fois pour le Roi. Il faut considérer que nous sortons à
peine d'une des plus grandes révolutions qui se soient
jamais opérées; que cette révolution, dans ce qui la
caractérise essentiellement, s'étant d'abord faite avec
une extrême rapidité, s'est ensuite prolongée par les
divisions qui sont nées dans les différens partis, et par
la lutte qui s'est établie entre les passions et les intérêts
divers. Il était impossible que tant d'oppositions et tant
d'effets, tant d'innovations et tant de secousses
ne lais-
sassent pas après elles de longues agitations, et l'on a
bien dû s'attendre que le retour de l'ordre ne pouvait
être que le fruit du temps.

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Quelle est au surplus la cause de cette fermentation intérieure dont la cour de Vienne paraît si blessée ? c'est la consistance qu'ont pris les émigrés, ce sont leurs préparatifs, leurs projets, leurs menaces; c'est l'appui plus ou moins considérable qu'ils ont trouvé dans la plupart des cours de l'Europe. Il a été une époque sans doute, où leur cause qui paraissait liée à celle du Roi, a pu exciter l'intérêt des souverains, et plus particulièrement celui de l'Empereur; mais une fois que le Roi, par l'acceptation de la constitution, s'est mis à la tête du nouveau gouvernement, les émigrés n'ont plus dû intéresser que par leurs malheurs, et il a été facile de juger que leurs prétentions et leurs mouvemens, en donnant des espérances aux uns et des inquiétudes aux autres, entretiendraient le trouble dans le royaume, et finiraient peut-être par le répandre dans une grande partie de l'Europe. Voilà pourquoi l'office du 21 décembre, qui semblait annoncer l'intention de les protéger, a produit une sorte d'explosion, et a donné lieu

à tant de soupçons et de reproches : et sur qui tout cela retombe-t-il ? sur le Roi, parce que la malveillance cherche à persuader qu'il existe entre Sa Majesté impériale et le Roi une intimité parfaite; que toutes les démarches sont concertées, et qu'ainsi c'est le Roi qui protége les émigrés et guide la coalition de toutes les puissances de l'Europe. Ce serait donc un grand moyen de calmer les esprits et de ramener l'ordre et la tranquillité dans le royaume, que de faire cesser partout le scandale de ces rassemblemens d'émigrés, qui, sans titre et sans territoire, cherchent à s'ériger en puissance, et ne pensent qu'à venger leurs injures particulières, et à faire triompher leurs prétentions.

Il paraît, Monsieur, qu'une des choses dont le ministre autrichien est le plus choqué, est la licence des discours et des écrits, et qu'il prétend qu'un gouver. nement où de pareils excès sont tolérés, est lui-même intolérable.

Sur cet objet, nous avons posé des principes sages et établi des lois justes; mais il faut considérer que notre organisation ne fait que de naître, que les ressorts de notre nouveau gouvernement ne sont pas tous encore en activité, qu'au milieu des inquiétudes qui nous viennent en partie du dehors, il est impossible que les lois exercent au dedans tout leur empire. Que l'on cesse de nous inquiéter, de nous menacer, de fournir des prétextes à ceux qui ne veulent que le désordre, et bientôt l'ordre renaîtra.

Au reste, ce déluge de libelles dont nous avons été si complètement inondés, est considérablement diminué et diminue encore tous les jours; l'indifférence et le

mépris sont les armes avec lesquelles il convient de combattre cette espèce de fléau. L'Europe pourrait-elle s'égarer et s'en prendre à la nation française, parce qu'elle recèle dans son sein quelques déclamateurs et quelques folliculaires, et voudrait-on leur faire l'honneur de leur répondre à coups de canon?

Je dirai plus; s'il était possible qu'une si misérable cause entraînât les puissances étrangères dans une mesure aussi terrible que la guerre, cette guerre, quel que fût l'événement, ne détruirait point la cause pour laquelle elle aurait été entreprise; elle ne ferait au contraire que l'accroître et lui donner plus d'activité.

Je viens, Monsieur, de prononcer un grand mot, un mot qui occupe actuellement tous les esprits, un mot qui est l'objet des inquiétudes des uns et du désir des autres; ce mot est la guerre. Vous croyez bien que le Roi est à la tête de ceux qui y répugnent; son excellent esprit, d'accord avec son cœur, cherche à en repousser l'idée. Je la regarde, dût-elle être heureuse, comme une calamité pour le royaume, et comme un fléau pour l'humanité. Mais en même temps je peux vous l'assurer, le Roi a été vivement affecté de l'office du 21 décembre; tout ce qu'on a appris depuis, soit de Bruxelles, soit de Coblentz, l'a rassuré sur les véritables dispositions de l'Empereur, et Sa Majesté désirant faire partager ce sentiment à l'assemblée nationale, m'a chargé successivement de lui communiquer tout ce qui pouvait tendre à ce but. Mais cet ordre donné si brusquement à M. le maréchal de Bender, cette apparente intention de secourir l'électeur de Trèves, tandis que ce prince tenait à notre égard la conduite la plus hostile,

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