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ART. une cause de récusation. Elle devrait alors être 378. repoussée; il en serait autrement si le procès avait été dirigé par le juge, ses parents ou ses alliés, contre la partie qui plaide devant lui.

Ces prévisions étaient inutiles dans l'hypothèse d'un procès criminel; les dommagesintérêts auxquels s'exposerait le plaideur sont une barrière suffisante pour arrêter ses téméraires combinaisons: d'ailleurs une attaque de cette nature, quel que fût son but caché, jetterait dans le cœur du juge un levain de ressentiment qui ne lui laisserait pas une impartialité entière.

Les causes de récusation fondées sur la haine ou l'animosité ne peuvent être invoquées que par celui qui aurait à craindre qu'elles n'élevassent contre lui une dangereuse prévention.

4° L'AMOUR-PROPRE du juge se trouve engagé :

§ 8.

<< S'il a donné conseil, plaidé ou écrit sur le différend; s'il en a précédemment connu comme juge ou comme arbitre; s'il a sollicité, recommandé ou fourni aux frais du procès; s'il a déposé comme témoin. »

« Les jurés en nul plait ne doivent estre avocas ce est avantparlier et juges, et seluy ART. qui le fereit, si deit estre ostes de la compaignie 578. des autres jurés et a perdu respons de cort. Car la lei coumande et desfent: Ut in unâ eâdemque causâ nullus esse debeat advocatus et judex (1). »

Telle était la disposition de l'Assise des bourgeois, ou de la baisse court, en parlant de ces jurés qui, chargés de servir de conseils aux parties et de juger les procès, ne devaient jamais cumuler cette double fonction dans une même affaire. On la trouverait reproduite par les ordonnances (2). Le juge, en s'identifiant avec la cause qu'il protége de sa parole ou de sa plume, aliène la liberté de son jugement et devient récusable. Toutefois il ne faut pas exagérer l'application du principe. C'est le juge qui a écrit sur le différend actuel que la loi permet de récuser. Que les doctrines du juge se soient déjà manifestées sur une question identique, son impartialité n'en sera pas moins entière. La magistrature s'est de tout temps honorée en

(1) Assises de la baisse court, vm.

(2) V. ordonnance de 1535, chap. 12, art. 16; et de 1667, titre 24, art. 6. - V. aussi Beaumanoir, chap. 66.

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ART. consacrant ses veilles à l'œuvre de la science; une opinion théorique consignée dans un livre n'est qu'un effort tenté pour dégager la vérité des ombres qui l'entourent. Le but que se propose le jurisconsulte est trop noble pour compromettre l'indépendance du magistrat.

On comprend que si le juge avait déjà connu du procès en qualité de juge ou d'arbitre, il pourrait être considéré comme lié par la décision qu'il a précédemment rendue. Cette cause de récusation s'appliquera lorsque parmi les juges d'appel se trouverait un de ceux qui ont statué en première instance, ou lorsque le tribunal auquel le procès aurait été renvoyé après cassation compterait parmi ses membres un des juges qui ont concouru à la décision cassée. La disposition de l'article 472 du code n'est qu'une application de ce principe.

Mais le juge peut connaître de la tierce opposition ou de la requête civile (1) dirigées contre le jugement auquel il a pris part. La tierce opposition met en jeu des intérêts nouveaux sur lesquels le juge n'a pas prononcé,

(1) Le code de procédure, par son article 490, abroge la disposition de l'article 2 du décret du 18 février 1791, qui défendait de porter la requête civile devant le tribunal qui avait rendu le jugement attaqué.

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parce qu'ils ne lui avaient pas encore été 3Rf. soumis. Quant à la rétractation du juge- 578. ment demandée par voie de requête civile, la nature des moyens sur lesquels elle se fonde ne peut impliquer l'amour-propre du juge, car ces moyens supposent que le juge a été trompe, mais non pas qu'il se soit trompe.

A plus forte raison le juge qui a prononcé le jugement par défaut peut-il statuer sur l'opposition, puisqu'elle n'est qu'une continuation de l'instance; et le juge qui a pris part au jugement interlocutoire, concourir par le même motif au jugement définitif. De même il pourra connaître du fond après avoir statué sur un déclinatoire; car l'exception soulève une question distincte de la contestation au fond. On devrait même appliquer cette solution dans le cas où, le juge s'étant déclaré incompétent, sa décision aurait été réformée. Rien ne s'opposerait à ce qu'il connût du fond, soit que l'affaire eût été renvoyée devant son tribunal, soit qu'elle l'eût été à un autre tribunal dans lequel le juge exercerait actuellement ses fonctions (1).

Sous l'empire de l'ordonnance, le juge était

(1) Arrêt de cassation du 2 février 1809.

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ART. récusable non-seulement lorsqu'il avait connu judiciairement du procès, mais encore dans le cas où il avait ouvert son avis, hors la visitation et jugement (1). Maynard rapporte que de son temps il y avait au parlement de Toulouse un conseiller qui, pour déterminer les plaideurs à se concilier, ne manquait jamais de dire à l'un qu'il n'avait pas bonne cause, à l'autre qu'il perdrait son procès, et ordinairement à tous les deux qu'ils n'étaient que des brouilleurs et chicaneurs; comme cette habitude était connue de la cour, on admettait toujours la récusation proposée contre lui sur ce motif, sans même prendre la peine de vérifier le fait (2). Une opinion manifestée extrajudiciairement, lorsque d'ailleurs le juge n'agirait pas en qualité de conseil de l'une des parties, ne serait pas aujourd'hui une cause de récusation. La section du tribunat avait proposé de reproduire sur ce point le texte de l'ordonnance. Cet amendement à l'article 378 ne fut pas accueilli (3). Une opinion légèrement exprimée, et souvent sur des notions incomplètes, ne peut enchaîner la liberté du magistrat.

(1) Ordonnance de 1667, tit. 24, art. 6.

(2) Maynard, liv. 1, ch. 94.

(3) Locré, Esprit du Code de procédure, t. 2, p. 52.

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