ART. qui concerne la demande en renvoi pour cause de suspicion légitime. On peut dire que les lois antérieures avaient spécialement prévu cette hypothèse, et que la juridiction de la cour de cassation n'a subi pour ce cas aucune atteinte par les dispositions des lois nouvelles. Mais il faut remarquer que ces mots renvoi pour suspicion légitime n'avaient pas dans la législation intermédiaire le sens restreint que nous leur donnerions aujourd'hui. Cette expression comprenait dans sa généralité, même le renvoi pour parenté et alliance qui repose sur une sorte de suspicion. On ne doit donc pas attacher une importance décisive à cette attribution de compétence, puisqu'elle n'avait rien de spécial. Dans ses observations sur le projet du code, la cour de cassation proposait d'ajouter un article ainsi conçu : « Lorsqu'il y a cause de suspicion légitime, une des parties pourra demander à la cour de cassation le renvoi à un autre tribunal (1). » Cette disposition additionnelle n'a pas trouvé place dans notre code. C'est donc le droit commun qui doit régir cette hypothèse; et comme le premier (1) Art. 78 des Observations; l'art. 79 proposait la même attribution à la cour de cassation si le renvoi était demandé pour cause de sûreté publique. degré de juridiction ne peut pas s'exercer, ART. parce que le renvoi est motivé sur des faits personnels aux juges, il faut recourir au tribunal immédiatement supérieur (1). L'article 472 de notre code n'est-il pas d'ailleurs une des applications du droit pour les cours royales d'indiquer, omisso medio, d'autres juges appelés à remplacer les juges naturels que frappe une cause de suspicion? Un tribunal a statué sur une contestation, sa sentence est réformée. Il est possible que des difficultés s'élèvent sur l'exécution de l'arrêt infirmatif; mais ces difficultés ne pourraient sans danger être portées au tribunal dont la sentence a été mise à néant. Non-seulement la dignité des premiers juges se trouverait compromise, mais on pourrait craindre que leur amour-propre blessé ne les dirigeât dans une voie préjudiciable aux parties; ils sont donc frappés d'une sorte de suspicion qui, sauf des cas exceptionnels, peut rendre nécessaire un renvoi devant un autre tribunal : c'est la cour royale qui le prononce. 0 (1) V. Dictionnaire d'Arınand Dalloz, vo renvoi, no 63. - En matière criminelle, au contraire, le renvoi pour suspicion légitime est toujours porté devant la cour de cassation, art. 545 du code d'instruct. crim. ART. : On pourrait appuyer encore cette solution sur la disposition de l'article 509. C'est en effet la cour royale qui doit statuer sur la prise à partie contre les tribunaux de première instance. La prise à partie se fonde sur le dol, la fraude, la concussion qu'on prétendrait avoir été commis par les juges soit dans le cours de l'instance, soit lors des jugements. C'est une suspicion légitime avec un caractère plus tranché, des faits plus directement accusateurs. Comme la suspicion légitime, la prise à partie, lorsqu'elle est accueillie, met obstacle à la juridiction du tribunal qui a méconnu ses dėvoirs. Il serait difficile d'admettre que la cour ne pût prononcer le renvoi, basé sur une simple suspicion, lorsqu'il lui appartient d'apprécier une véritable accusation. La prise à partie n'est qu'une suspicion réalisée (1). Ces principes doivent également s'appliquer lorsqu'il s'agit du renvoi pour cause de sûreté publique. Remarquez cependant que si les causes de (1) Un point important à signaler, c'est que les lois qui attribuaient à la cour de cassation la connaissance des renvois pour cause de suspicion légitime, lui donnaient en même temps le droit de statuer sur la prise à partie contre un tribunal entier, 1 suspicion légitime s'appliquaient à tous les tri- ART. bunaux du ressort d'une même cour royale, ou si la sûreté publique exigeait que le renvoi eût lieu dans le ressort d'une autre cour, il faudrait former la demande en renvoi devant la cour de cassation, et non devant la cour royale qui n'aurait pas qualité pour indiquer un tribunal de première instance étranger à son ressort (1). Enfin si les mêmes obstacles à l'exercice de sa juridiction se présentaient devant une cour royale, il faudrait naturellement porter la demande en renvoi et en indication d'autres juges, devant la cour de cassation, pouvoir immédiatement supérieur à celui des cours. i Mais quelle procédure faudra-t-il suivre lorsque la demande en renvoi sera portée de plano devant le tribunal supérieur? Régulièrement, il faudrait appliquer à cette hypothèse les dispositions des articles 370, 371 (1) Argument des articles 363 et 373. - V. en ce sens arrêt de la cour de cassation du 21 mars 1821, Dalloz, vo renvoi, p. 589. - Toutefois remarquez qu'une cour royale qui statue sur la demande en renvoi tendant à la dessaisir elle-même, peut indiquer une autre cour royale pour connaître du fond. ART. et 372, au titre des renvois. Du moins cette marche devrait-elle être suivie toutes les fois que la demande serait basée sur des faits qui peuvent compromettre le caractère des membres du tribunal. On devrait par conséquent déposer au greffe de la cour un acte contenant les moyens de renvoi : sur l'expédition de cet acte présentée à la cour, elle rendra son arrêt portant que la communication sera faite aux juges à raison desquels le renvoi est demandé. A cet effet, on déposera au greffe de leur tribunal l'expédition de l'acte avec l'arrêt de la cour. Ils feront leur déclaration au bas de l'expédition de l'arrêt, et le tout sera transmis par le greffier du tribunal au greffier de la cour. On appliquera également les autres règles relatives à la communication au ministère public, à l'indication d'un jour pour faire le rapport, à la signification qui doit être faite aux parties intéressées (1). Cependant, la loi n'ayant pas prévu spécialement le cas qui nous occupe, il serait difficile, alors même que la demande en renvoi serait fondée sur la suspicion légitime, d'en faire prononcer la nullité par le motif qu'elle aurait été (1) V. arrêt de Nancy du 27 mars 1841; Dalloz, 41, |