datent sa possession légale et le droit d'exercer ART. les actions protectrices de la propriété. Il faut donc exiger d'abord du légataire se présentant pour reprendre l'instance qu'il ait obtenu la délivrance, puisque ses droits ne peuvent s'exercer qu'à cette condition. Mais, en supposant cette condition remplie, quelques auteurs modernes, s'appuyant de l'autorité de Pothier, refusent encore au légataire particulier la faculté de reprendre l'instance (1). M. Chauveau propose deux raisons pour soutenir cette opinion : - la première, c'est que, s'il s'agit de la propriété même de l'objet légué, les héritiers devront, dans leur intérêt, se refuser à la délivrance; - la seconde, que la délivrance n'investit point le légataire particulier des actions du défunt. : Cet auteur suppose apparemment que les héritiers sont responsables de l'éviction qui menace le légataire, et c'est à ce point de vue sans doute qu'il les croit intéressés à refuser la délivrance de l'objet litigieux. Ce serait une erreur : l'héritier grevé du legs d'un corps certain remplit son obligation, ainsi que l'en (1) MM. Chauveau, Lois de la procédure, question 1288 bis; Demiau, p. 262; Rodière, t. 2, p. 241. ART. seigne Pothier lui-même, en introduisant le légataire in vacuam rei possessionem, et n'est point obligé de le défendre des évictions qui pourraient survenir, à moins que le testateur n'eût manifesté une volonté contraire (1). D'un autre côté, si l'on suppose le légataire reprenant l'instance comme défendeur à l'action en revendication, qu'importera l'application de ce principe, contestable d'ailleurs dans sa généralité, que la délivrance n'investit pas le légataire des actions ou des exceptions du testateur? Ce n'est pas comme subrogé aux actions, mais comme succédant à la possession du défunt, que le légataire est légitime contradicteur à l'action en revendication; c'est comme détenteur, et non comme obligé, qu'il est soumis à ses conséquences; c'est contre lui qu'il faudrait reprendre l'instance, elle peut donc être par lui volontairement reprise. Furgole, en son Traité des Testaments, a posé la question, et voici comment il la résout : «Que si la chose léguée était litigieuse sur la tête du testateur contre lequel la demande en vendication avait été intentéé en jugement, et qu'elle eût été livrée au légataire, comme, sui ال (1) Pothier, Traité des donationis testamentaires, ch. 5, section 8, § 4. vant la novelle 112, ch. 1, le legs de la chose ART. litigieuse ne comprend que ce qui peut en revenir par l'événement du procès: quoniam sciens testator rem litigiosam esse, litis eventum legatario dereliquit, il est clair que le procès peut être repris et continue contre le légataire par celui qui avait intenté l'action rei vindicationis contre le défunt, parce que la chose ne peut avoir passé sur la tête du légataire qu'avec la charge du procès, à raison duquel le légataire possesseur actuel est légitime contradicteur,.. , et tenu d'ailleurs de l'action réelle, qui ne peut être intentée que contre le possesseur. L. 25, ff. de obligat. et actionib.; 1. 9, ff. de rei vindicatione; 1. unic., Cod. de alien. jud. mutand. causa; et 1. 1, Cod. ubi in rem actio. Et si l'action était intentée contre les héritiers du testateur, ils devraient être absous, comme n'étant plus possesseurs, suivant la loi 42 et la loi 52, ff. de rei vindicatione (1). » Mais la question se présente sous un autre aspect, si l'on suppose la demande en revendication primitivement intentée par le testateur; alors, avant d'attribuer au légataire le droit de reprendre l'instance, il importe d'examiner s'il (1) Traité des testaments, chap. 10, no 56. ART est investi des droits et actions de son auteur. Le légataire puise dans le testament des actions qui lui sont propres et personnelles ; c'est ainsi qu'il a le droit de former la demande en délivrance, et que, saisi de la propriété de la chose léguée, il peut diriger de son chef l'action en revendication. Faut-il cependant lui refuser les actions nées et engagées avant l'ouverture de son droit, et n'accorder qu'aux héritiers la faculté de les reprendre, bien qu'elles aient pour objet la chose léguée? Il est difficile d'admettre ce principe. Si c'était une condition nécessaire pour reprendre les actions du défunt, d'être le continuateur de sa personne, il faudrait appliquer cette règle non-seulement au légataire particulier, mais au légataire à titre universel, au légataire universel quand il n'a pas la saisine, au curateur à la succession vacante et à tous les successeurs irréguliers.. Mais si l'on est forcé de reconnaître que les successeurs universels, même lorsqu'ils ne continuent pas la personne, ont qualité pour reprendre l'instance considérée comme une partie du patrimoine du défunt, il y a même raison pour accorder aux légataires particuliers la même prérogative, lorsque l'instance concerne l'objet déterminé qui leur a été transmis. Les uns et les autres ne sont que des suc- ART. cesseurs aux biens; il n'y a de différence entre eux que relativement à l'extension que leurs droits respectifs comportent; il n'en existe aucune quant à la nature même de ce droit. Cette solution ne s'appliquera pas seulement au cas où la chose litigieuse est un immeuble; le légataire aurait également le droit de reprendre l'instance déjà engagée à l'époque du décès du testateur, si elle avait pour objet le corps certain mobilier qui lui a été légué, ou bien une créance sur un tiers, léguée avec assignat limitatif. Le testateur est censé avoir légué l'action ou le procès lui-même; le légataire peût encore, de son propre chef, reprendre dans cecas l'instance interrompue. - Du'reste, en reconnaissant au légataire le droit de reprendre l'instance, je n'entends pas exclure son adversaire du droit d'appeler dans la cause le successeur universel du défunt pour obtenir contre lui des condamnations en restitution de fruits, ou les dépens faits du vivant de son auteur; car c'est la succession entière qui les doit, et non pas le légataire (1). (1) C'est l'observation que fait M. Pigeau, Procédure civile, t. 1, p. 488. |