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s'occupant pas affez de la gravité des circonstances actuelles; comme s'ils pouvoient détacher l'avenir du préfent, comme s'il suffisoit d'appliquer toute la puiffance de leur efprit à former un édifice nouveau, & qu'il ne fallût pas en même temps examiner fi la maifon qu'on habite encore, n'eft pas prête à tomber en ruines & à nous enfevelir fous fes débris! Pardonnez, Meffieurs, fi je vous parle ainfi il n'eft rien fans doute de fi impofant que le refpect dû à une Affemblée telle que la vôtre; mais il y a peut-être quelque chofe de plus grand encore: c'eft l'indépendance & la dignité d'un fel homme, animé par la feule idée de fes devoirs, & fièrement foutenu par pureté de ses intentions & l'approbation de fa conscience: vous ne vous blesserez point d'un pareil fentiment, puifchacun de vous, Meffieurs, peut également y pré

que tendre.

la

Je vous demande, Meffieurs, au nom du Roi, je vous follicite au nom du vœu général de la Nation, je vous conjure au nom de la tranquillité publique, au nom du falut de cet Empire, de fufpendre toute espèce de difcuffion, pour vous livrer fans interruption aux délibérations néceffaires, inftantes, indifpenfables qu'exige la circonftance préfente.

Il n'y a pas un moment à perdre pour calmer les efprits fur la fituation des affaires, & je récapitulerai ici que pour y parvenir, pour fauver le vaiffeau du naufrage, il eft à defirer:

1o. Que vous délibériez fur le vœu presque général

d'une contribution paffagère, capable, par capable, par fon importance, de fubvenir à l'étendue des befoins extraordinaires

de l'Etat.

2o. Que pour favorifer le fuccès de cette difpofition, vous adoptiez quelques vues principales, propres à convaincre que l'équilibre entre les revenus & les dépenfes fixes fera sûrement établi, & qu'on ne doit conferver aucun doute fur l'existence prochaine d'un ordre à jamais durable.

3°. Que vous approuviez, & l'échange contre des récépiffés à terme, & l'admiffion dans l'Emprunt, de la vaiffelle d'argent à un prix déterminé, ou que vous laiffiez à l'Adminiftration des finances toute liberté à cet égard.

4°. Que vous autorifiez la Caiffe d'efcompte à nous aider de tout fon pouvoir, fauf à difcuter les idées propres à convertir, avec la convenance & le gré des intéreffés, cet utile établissement dans un plus utile encore, fous le nom de Banque Nationale.

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5°. Que vous rendiez fans délai les Décrets nécessaires pour arrêter, par tous les moyens en votre pouvoir, le dépériffement des revenus, & que vous examiniez avec foin les circonftances qui s'oppofent à l'action des loix & à l'exercice du pouvoir exécutif, afin d'y porter de toutes vos forces le remède le plus immédiat.

Voilà, Meffieurs, entre beaucoup de difpofitions intéreffantes pour les finances, celles qui font les plus inftantes; & il me femble qu'après vous en être occupés

efficacement, vous pourriez revenir à vos autres difcuf fions importantes avec plus de repos & de fécurité. Vos travaux fur la Conftitution font avancés, & tout femble déjà préparé pour affurer à la Nation les difpofitions qui forment l'objet de fes vœux; vous ne pouvez plus craindre de vous écarter de l'efprit de vos inftructions en vous occupant efficacement des moyens propres à fonder la confiance fur des bafes durables, & en déterminant la mefure & le genre des fecours qui feront néceffaires au rétabliffement de l'ordre. D'ailleurs, eft-il befoin de le dire? font-ce des confidérations perfonnelles ou particulières qui engagent le Roi à vous folliciter d'adopter fans retard les difpofitions auxquelles il vous invite; & la Nation qui vous a choifis pour Repréfenn'a-t-elle pas l'intérêt le plus éminent à prévenir le défordre & la fubverfion des fortunes? Qui peut en prévoir les effets, qui peut en calculer les fuites? Examinez-les au-dedans du Royaume, confidérez-les audehors; voyez leurs rapports immenfes avec tout, avec la tranquillité publique, avec les fubfiftances, avec le bonheur, avec la force, avec les diverfes circonstances générales & particulières auxquelles l'argent aboutit & vous me difpenferez, fans doute, de vous faire le trifte & déplorable tableau des malheurs qui feroient inévitables, fi par des mefures grandes & vigoureufes vous ne venez pas nous prêter fecours, fi vous ne venez foutenir ce rocher chancelant, dont le Roi feul, depuis fi long-temps, retient & fufpend la chûte, mais dont l'inclinaison journalière touche à fon dernier terme

tans,

pas

& nous menace tous. Certes, Meffieurs, c'eft enfin votre affaire & votre grande affaire ; ce n'eft pas, je ne puis trop le dire, ce n'eft pas fur des décombres & au milieu des cla meurs de tous les Citoyens, que vous éleverez folidement l'édifice de notre bonheur : la vie eft trop courte, les pensées des hommes font trop circonfcrites pour qu'on puiffe leur offrir, , en dédommagement de leurs maux, la fatisfaction incertaine des générations suivantes. Il faut donc unir tour enfemble, l'avenir & le préfent, les fpéculations & les réalités, la libéralité des principes & la juftice pratique & pofitive, le ménagement des efpérances & la garantie de ce qu'on pofsède, enfin l'eftime de la liberté, & le foin continuel de l'ordre public.

Je dois mettre au rang des difpofitions importantes pour le crédit, la recherche inftante & la détermination des moyens propres à mettre une fin à toutes ces terreurs, qui chaque jour éloignent de la France un nombre étonnant de citoyens; émigration qui diminue notre numéraire, & qui fera bientôt de la capitale du Royaume un lieu de réunion d'ouvriers fans falaires, & d'hommes industrieux fans occupation..

Je me fuis réfervé de finir par une obfervation importante: il me femble que vous devez être offenfés pou l'honneur de la France, qu'après avoir fait, il y a a fi peu de temps, une déclaration authentique de la protection que vous accordiez aux créanciers de l'Etat, & de la réfolution où vous étiez de ne foumettre jamais à aucune retenue le payement des intérêts, le crédit n'ait pris aucun accroiffement, & fe foit même affoibli davantage.

Vous ne devez pas fupporter plus long-temps que de fi juftes & de figénéreufes intentions n'ayent pas l'afcendant qu'elles méritent. C'est vous, Meffieurs, c'est vous les Repréfentans de la plus grande Nation, qui vous êtes expliqués; il faut enfin qu'on vous croye: mais pour procurer à vos paroles le refpect qui leur appartient, il faut, comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le repréfenter avec force il faut que ces promeiles foient accompagnées de délibérations & de difpofitions propres à démontrer réellement & pofitivement, que par vos foins l'équilibre entre les revenus & les dépenfes sera rétabli; il ne faut pas qu'on entende parler. fans ceffe d'abolitions ou de diminutions de droits, d'accroiffemens, de rembourfemens, de dédommagemens néceffaires, & que l'indemnité de ces facrifices, la balance de ces pertes foient affignées fur des idées générales, fur des resources vagues, fur le produit confus d'impofitions ou d'améliorations dont la mefure & la fofibilité reftent inconnues. Vous n'empêcherez jamais que l'inquiétude de tous les citoyens fur leur argent, leurs revenus, fur leur fortune, n'environne vos travaux, & ne vous fuive pas à pas. Répandez donc une tranquillité devenue fi preffante & fi néceffaire. Ah! qu'il vous fera beau de relever par un grand effort la confiance abattue, de garantir l'Etat d'un défordre qui paroît inévitable à tous les yeux, & de rendre à la France cette vigueur intérieure dont on commence à perdre l'efpérance, & cette confidération politique aù dehors, seule capable de la préferver de dangers, qui, au milieu de

fur

nos

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