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fa fortune, c'eft une crainte de la faire connoître; mais comme chacun devroit être encouragé par votre Décret, à donner plus que cette proportion fi fa fituation le lui permettoit, tous ceux dont le facrifice excéderoit, dans une mefure quelconque, la taxe déterminée, pourroient, en l'annonçant vaguement dans leur déclaration, voiler de cette manière le rapport de leur contribution avec leur

revenu.

Je confidérerois comme une facilité générale & néceffaire, de permettre à tout le monde indiftinctement, d'acquitter fa taxe en vaiffelle ou en bijoux d'or & d'argent, reçus à un prix favorable pour les contribuables. La femme d'un fimple payfan donnera, s'il le faut, fon anneau ou fa croix d'or; elle n'en fera pas moins heureuse, & il lui fera permis d'en être fiere.

On demandera peut-être quel feroit le produit vraifemblable des contributions dont on vient de vous entretenir. I eft impoffible de s'en faire une jufte idée; mais je crois qu'on fe livre à beaucoup d'exagération à cet égard. Elle feroit toutefois affez importante pour que vous duffiez nommer des Commiffaires qui, de concert avec le Miniftre des Finances, veilleroient fur la rentrée de ces contributions, & fur l'emploi qui en feroit fait conformément à vos difpofitions.

Au refte, quoique dans l'indication d'une taxe extraor dinaire relative aux circonftances préfentes, je donne fimplement une forme aux propofitions qui ont été fignées de toutes parts dans la Capitale, il n'eft pas moins douloureux pour moi d'avoir à mettre en avant une idée

momentanément à charge à la Nation: toute mon adminiftration paffée prouve affez ce qu'il m'en coûte, & je range l'obligation où je me trouve en cet inftant, au nombre des grands facrifices auxquels je me fuis expofé en revenant prendre le timon des affaires de finance; & cependant je ne puis pas dire que pour mon bonheur j'euffe fait mieux en paffant le refte de mes jours dans l'éloignement & dans la retraite, puisqu'un feul des maux de la France que j'euffe présumé, que j'euffe imaginé d'avoir eu le pouvoir ou l'occafion d'adoucir, auroir troublé le repos de ma vie : il faut donc fe foumettre avec résignation à fa destinée.

TROISIÈME PARTIE.

Le moment préfent.

Si vous ne perdez pas un inftant, Meffients, pour décréter la contribution extraordinaire qu'on vient d'indiquer, & fi ce décret eft accompagné d'une délibération propre à infpirer une pleine confiance dans le rétablissement général de l'ordre, on pourra confidérer la taxe extraordinaire comme le dernier facrifice, comme le complément de tour; & il y aura, je crois, de l'empres fement à la payer; cet empreffement donnera des fecours prochains, & fur-tout il influera d'une manière univerfelle fur la circulation. Il faut cependant quelque chofe de plus pour le moment, afin de réunir toutes fes

reffources contre un mal imminent, & qui nous ferte

de fi près.

C'est dans une pareille vue que le Roi a autorifé les Directeurs des Monnoies à recevoir, de la part de ceux qui voudront fuivre l'exemple de Sa Majefté, la vaiflelle & les bijoux d'or & d'argent, en échange defquels il leur fera délivré des récépiffés; & l'époque du remboursement de ces récépiffés, l'intérêt à payer en attendant, ainsi que la fixation du prix de la vaiffelle, font des difpofitions réfervées par le Roi à votre délibération; & je vous propoferois que l'on pût donner cinquante-cinq francs de la vaiffelle contre des récépiffés rembourfables à fix mois de date, fans intérêt, ou cinquante-huit francs, fi l'on remettoit ces récépiffés dans l'emprunt national de quatre-vingt millions, à condition néanmoins qu'en payant la mife de cette manière, on ne jouiroit pas de la faculté d'en fournir la moitié en effets royaux.

Il n'eft pas douteux qu'en portant aujourd'hui fa. vaisselle à la Monnoie, on rendra un grand & véritable fervice à la chofe publique, puifque la rareté extrême & fans égale du numéraire effectif, nous met dans le plus pénible embarras. Nous avons, par cette raifon, un grand intérêt à ménager la Caiffe d'Efcompte, qui, au milieu des difficultés générales, fait pour nous tout ce qu'elle peut raisonnablement; & fes fervices dont nous ne pouvons pas nous paffer en ce moment, feront plus décififs fi vous approuvez, fi vous encouragez fon zèle. Il faut fur-tout, Meffieurs, vous garder de mal juger

de fes Adminiftrateurs fans les entendre; ils ne demandent pas mieux que de mettre leur conduite au grand jour. Vous verrez qu'en cédant quelquefois aux circonftances, pour donner à la finance des fecours indifpenfables, ils n'ont jamais perdu de vue leurs devoirs particuliers d'Adminiftrateurs; mais, dans les grandes révolutions amenées par le trouble & le difcrédit, toutes les Cailles publiques ont un intérêt qui les unit enfemble, & elles fe reffentent en même-temps de l'empire des circonstances.

La Caiffe d'Efcompte cependant, ayant reçu à des époques différentes un échec dans l'opinion par le contrecoup du difcrédit général, il y auroit peut-être de la convenance à lui propofer de fe fondre & fe transformer par quelque coalition dans un établiffement nouveau, fous le titre de Banque Nationale, & de former ainfi l'une des portions intégrantes d'un grand établisfement, auquel vous donneriez, Meffieurs, une appro bation immédiate & décifive; mais une condition indifpenfable de tout établissement de ce genre, c'est de réunir une fomme de numéraire effectif, fuffifante pour affurer à tout moment l'échange des billets circulans contre de l'argent, comptant. Ce qui fe paffe aujourd'hui à l'égard des billets de la Caiffe d'Efcompte, eft une fuite de la crife actuelle & des temps précédens; & il feroit impolitique & déraifonnable de vouloir, dans ce moment, la ramener par force à une marché différente.

Enfin, Meffieurs, & pour l'inftant préfent, & pour toute l'année, & pour tous les temps, ce qui devient

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chaque jour, chaque moment plus indifpenfable, c'eft que vous rendiez les deux décrets que je follicite de vous avec tant d'inftances: l'un pour prêter de la force au recouvrement des droits fur les confommations, & l'on m'a dit que vous veniez de le déterminer ; l'autre, plus preffant encore, pour foutenir de même le recouvrement des impofitions foncières, en expliquant ceux de vos Décrets qui font mal interprétés par les contribuables, & qui les engagent en plufieurs lieux à refufer le payement de la taille, des vingtièmes & de la capitation. Je me réfère à tout ce qui vous a été représenté à cet égard par les douze Membres du Comité que vous avez nommés pour conférer avec moi, & qui font informés dans les détails de la néceflité abfolue de ces deux Décrets. Rien n'ira, Meffieurs, rien ne pourra s'améliorer, fi le paiement des impofitions eft interrompu, fi les recouvremens ne font pas protégés par la publicité de vos intentions & par l'expreffion forte de de votre volonté, fi les recouvremens n'ont pas l'appui des loix, fi les loix ne font pas foutenues par le pouvoir exécutif, & fi ce pouvoir éprouve des réfistances au desfus de fes forces. Il arriveroit alors que les fubfides & les reffources extraordinaires ne ferviroient qu'à remplir le vide occafionné par la diminution des recettes, au-lieu de contribuer efficacement au rétabliffement de l'ordre. Mon courage, mes forces s'épuifent à repréfenter ces importantes vérités ; & je ne puis voir fans une mortelle peine que les meilleurs amis de la liberté publique com promettent le fuccès de la plus noble entreprise, en ne

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