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Notice sur l'institution et l'office

DES

HÉRAUTS D'ARMES AUX PAYS-BAS.

par

M. le baron Isidore de STEIN d'ALTENSTEIN,

membre correspondant de l'Acaḍlémie d' Archéologie de Belgique; de la
Société royale des Sciences, Lettres et Arts d'Anvers, etc.

L'institution des hérauts d'armes remonte aux premiers temps de cette chevalerie dont elle forme le complément obligé. Réunie à ces trois individualités corrélatives, le chevalier, le page et la dame, longtemps elle personnifia le moyen âge poëtique. Les fonctions des hérauts primitivement assez vagues, s'exerçant dans un cercle qui s'élargissait ou se rétrécissait selon les lieux, les circonstances et les hommes, devinrent plus tard des charges d'état. Le premier acte officiel dans lequel elles sont exactement définies, est l'ordonnance du 10 janvier 1429, par laquelle Philippe-le-Bon institua l'ordre de la Toison d'Or. Après avoir déterminé les attributions du cheancelier, du trésorier et du greffier du nouvel ordre, l'ordonnance poursuit en ces termes : «< item un aultre officier aura au dict ordre » c'est à scavoir ung Roi d'Armes appelé Thoison d'or, prudent, de >> bon renom, habil et suffisant à l'office. Le dict Roy d'armes

>> aura charge de porter les lettres du souverain aux frères de l'or» dre. Il enquerra diligemment des prouesses, haults faits et >> honnorables comportements du souverain et des chevaliers de » l'ordre pour estre mis en escript comme faire se debvra. »

C'est en vertu de ces dispositions que le héraut de l'ordre eut dès lors la prééminence sur les autres hérauts qui remplissaient les cours des souverains à cette époque. Charles-le-Téméraire en fit le principal officier domestique de son hôtel, lui conféra un grand nombre de priviléges, et plaça sous sa direction les autres officiers d'armes, attachés à l'hôtel. Les chroniques du temps nous ont conservé de curieux renseignements sur cenx-ci; ils formaient une véritable corporation ayant ses aspirants, les poursuivants, ses compagnons, les Hérauts, et ses maîtres, les Rois, tous soumis à certaines épreuves et ne pouvant passer d'un grade à un autre sans l'observation de cérémonies particulières. Charles attachait tant d'importance à ce corps, qu'il voulut que les usages, les règles et les prérogatives conservés par la tradition, fussent réunis dans une sorte de code; il chargea de ce travail quelques-uns de ses familiers les plus instruits, parmi lesquels on cite Messire Olivier de la Marche, chevalier, premier et Grand Maître d'Hôtel; Messire Jean, Seigneur de Trazegnies ; Messire Claude de Thoulonjon, Seigneur de la Bastie, et Messire Louis de Wauldrey, capitaine des gardes. Le recueil rédigé par ces personnages dont les noms brillent à différents titres dans l'histoire du temps, nous a été conservé. On y lit1:

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» Primes aux sacres des Roys, les Hérauts s'y trouvent les premiers: ils y font encor leurs cris et proclamations ordinaires, comme aussi en leurs couronnement; aussy tous les vestemens royaux leur appartenoient comme de même le hanap. L'esguiere et le bassin d'or ou d'argent doré et, que plus est, les treize pièces d'or qu'ils donnent alors à l'offrande, touchent aux Roys d'armes

Nous pensons que ce fragment est inédit.

qui les precedent. Les Hérauts font le même aux autres Royaumes, et Etats.

>> Item aux nopces des Roys et Princes ils y tenaient aussy rang honorable car c'estaient les messagers qui en portaient d'ordinaire les premières paroles; aussy marchoient-ils les premiers devant les Roys, Roynes, Princes, ou Princesses et leurs manteaux royaux où de mariages leur appartenoient.

>> Item aux baptesmes des enfans des Roys ils crioient par trois fois Largesse au peuple. Ils déployoient leurs cottes d'armes et jettoient or et argent et obtenoient des grands présens et spécialement les pots, esguierre, saliere, hanaps, manteaux, linges, oreillers ou coussins, bassinoires et autres choses servans aux dittes cérémonies, après quoy les Parains et Marines des dits enfans leur faisaient aussy des grands présens.

>> Item aux convocations ou assemblées des Estats généraux des Royaumes ou Provinces pour la paix ou pour la guerre, pour demander finances, pour soulager les subjets, pour corriger les abus et desordres, les Hérauts d'Armes y assistoient afin d'y garder bon ordre et silence et donner à un chacun son rang; et le Royaume ou la Province où telle assemblée se faisait leur donnait un Marcq d'or et traitement de bouche.

>> Item les villes ou les Hérauts d'Armes publioient la paix leur debvait à chacun d'eux un marcq d'or; et tous les assortemens de draps de soye et de laine du Théatre leur appartenoient, ou pour leur rachapt on les donnoit un autre Marcq d'or et par dessus ce le traitement de bouche.

>> Item aux cérémonies joyeuses ou Inaugurations des Roys et Princes, aux prestations des serments des foy et hommages de leurs subjets en leurs Royaumes et Provinces, les Hérauts faisoient les proclamations et distributions des pièces d'or et d'argent en les jettant partout où ils passoient et ceux qui y assistoient étoient vestus aux dépens des dits Royaumes et Provinces et par dessus ce leur donnoit on à chacun d'eux encor un Marcq d'or, outre les draps de soye et de laine du Théatre et le poisle que les Eschevins

et Jurats des villes portent sur les dits Roys ou Princes ou pour leur rachapt une autre marcq d'or par dessus le traitement de

bouche.

» Item à la célébration des Ordres de Chevalerie, les Hérauts en publioient la feste ou solennité et assistoient à la création des Chevaliers revestus de leurs cottes d'armes et des marques de l'Ordre qu'on leur conférait; Ils faisoient et justifioient leurs preuves et en donnoient leurs certifications, à raison de quoi on leur debvoit une Marcq d'argent et le Chevalier qui joustoit ou entroit en lice ou tournoy pour la premiere fois, leur debvoit le rachapt de son nouvel heaume qui portoit aussi un marcq d'argent et pour le prix d'armes qu'il avoit, luy debvoit donner une des meilleures pieces d'or forgée en la marche où la jouste se faisoit.

>> Item tous nouveaux jousteurs, tournoyeurs et escoliers d'armes, soit en lices, champ-clos, bataille, assauts ou en autres faits d'armes doibvent donner au Héraut une demie once d'argent pour le soubre teste et cloux de son heaume.

» Item aux nouvelles erections des Duchez, Marquisats et Comtez, aux actes d'investiture et d'hommage, où le Roy ou Prince se trouvoit ou son Lieutenant ou Régent représentant sa personne, les Hérauts étoient aussi revestus de leurs cottes d'armes, lesquels ayans fait leur debvoirs ils avoient toutes. les dépouilles de la solennité et des riches habits et des présens.

» Item tous les ans aux festes de Pacques, le Roy ou Prince ou son Régent ou Lieutenant qui le représentoit en son Royaume ou Province, leur donnoit un habit nouveau avec la médaille.

>> Item aux Processions Générales ordonnancées pour la prospérité des Roys ou Princes et pour l'heureux succès de leurs armes, les Hérauts marchoient devant eux avec la chandelle en main qu'on leur fournissoit.

>> Item si étoient-ils toujours comptez par des escrois chez les Roys et Princes et jouissent de tous privilèges de court nuls

reservez.

>> Item quand ils alloient faire leurs visites et chevauchées, par diverses Provinces desquelles ils portoient le nom, pour s'enquérir des antiquitez des Maisons, dresser leurs généalogies, lignes et quartiers et tenir note des armoiries et titres des Gentilshommes dans leurs registres et cartulaires de Noblesse, iceux leur donnoient un marcq d'argent pour leur droit avec leurs salaires; et quand ils alloient redresser les excès commis contre les ordonnances souveraines au fait des dites armoiries et titres, les Roys ou Princes leur en faisoient donner à charge des transgresseurs d'icelles.

>> Finablement aux obsèques et funerailles des Roys et Princes les Herauts y assistoient et, à raison de ce, leurs chapelles ardentes leur appartenoient avec leurs assortements de draps de soye et de laine, les Blasons d'armoiries et les Cottes d'armes dont ils étoient revestus comme aussy toutes celles qu'ils avoient mises et avoient été déployées en quelques autres solemnitez joyeuses ou comme dessus. D

Dès lors, il n'y avait plus qu'un héraut particulier pour chaque province ou seigneurie, dont le prince était propriétaire ou titulaire, et chacun s'était accoutumé à porter le nom de la province et de la seigneurie qu'il représentait, usage qui s'est perpétué jusqu'à la suppression de la chambre héraldique. Plusieurs des articles que nous venons de citer furent confirmés au chapitre de la Toison d'Or, tenu par Charles-Quint à Utrecht le 29 décembre 1545, et de nouvelles règles ajoutées à ces premières dispositions constituèrent enfin d'une manière définitive l'office du principal roi d'armes et celui de ses subordonnés. Au héraut de l'ordre, ou Toison d'or, fut adjoint un lieutenant auquel on donna le nom de Fusil 1. Indépendamment des attributions générales déjà mentionnées, le roi d'armes reçut des pouvoirs spéciaux et acquit certains droits qui augmentèrent notablement son importance. Il fut appelé à exercer un contrôle effectif sur la noblesse: « quand

On sait que le collier de la toison d'or figure des fusils, ou briquets d'acier alternant avec des pierres d'où partent des étincelles ardentes.

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