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tableau eut été un chef-d'œuvre, surtout par sa touche hardie, la force de l'expression et l'ingénieuse disposition des figures.

Contre la paroi gauche de cette chapelle était un tableau, haut de six pieds et large de quatre, représentant une sainte famille qu'on attribuait à Camillo Procacieni. Cette composition pleine de naïveté et de charme, était toute prise dans la nature, et rendue avec toute la science de l'art, et la grande manière de l'école lombarde. La paroi de droite était occupée par une croix et deux pyramides en bois recouvertes de velours noir et sur laquelle on fixait les ex-voto en argent et en vermeil donnés à cet autel, dont le tabernacle en cuivre doré renfermait le reliquaire de la Ste-Croix.

Cette précieuse relique qui était loin d'être aussi considérable que celle donnée par le Pape au 13. siècle, était un présent fait en 1555 par Gérard de Zuilré, abbé de S'-Laurent 1 au prince évêque et cardinal Georges archiduc d'Autriche. Ce prince en orna cette chapelle qui depuis longtemps était dédiée à la Sainte Croix.

Ce reliquaire fait en forme de croix cercelée, était en vermeil, ayant environ un pied d'élévation; elle était ornée de ciselures en rinceaux, en culots, en entrelas avec coquilles; on attribuait cet ouvrage à Janus Lutma, orfèvre ciseleur d'Amsterdam qui l'avait fait en 1632, et l'avait orné de turquoises, d'hyacinthes et de

1 La majeure partie de cette belle et précieuse relique était conservée dans l'église de l'Abbaye de S.-Laurent de l'ordre de S.-Benoit. Vers l'an 1340, Adam, 25me abbé de S.-Laurent, la reçut en cadeau de Blanche de France, fille de Philippe-le-Long, religieuse à Longchamps. Voici la lettre que cette princesse écrivait à ce sujet à l'abbé Adam :

«De par Suer Blanche de Franche.

>> Chiers peres en Dieu, savoir vous fai, ke le fust de la sainte vraie Crois ke je » vous envoyay par maistre Gautier nostre confessour, est dou fust ke nostres >>> tres chiers signour et peres Monsignour le roi Phelippe que Dieu a souille nous » donnat, et le prist en la sainte vrai Crois, ki est à Paris en la chapelle, nostres » signour les rois de France et cil en a point de vrai ou monde, nous tenous ke » celle de ladite chapelle le soit. Car cest choze moult esprouvée, si comme cha>> cun scet, Chiers peres nostre Sire soit garde de vous.

DON MARTENE, Ampliss. Collect, t. If. 1452.

saphirs donnés par Marie Ernestine de Berlo, chanoinesse de Nivelles et Nicolas de Plenevaux ancien bourgmestre de Liége. 1

A la droite de la chapelle de la Sainte Croix était un escalier en pierre, conduisant aux combles du temple. Au pied de cet escalier était une grande porte à deux battants qui donnait accès dans les cloitres; en avançant à droite, on montait quelques marches et on arrivait dans une petite chapelle très-retirée dite de Notre-Damede-bon-Secours-et-de-tous-les-Saints: le fond en était occupé par un autel orné de sculptures en bois de chène en partie dorées. La statue de la St Vierge posée sur l'autel, était d'un intérêt médiocre sous le rapport de la sculpture, mais remarquable par la richesse des ornements dont elle était quelquefois revêtuc. L'argenterie qui appartenait à cet autel était d'une grande valeur : elle était due à la munificence des comtes de Horion et particulièrement à Maximilien Henri de Horion ancien ambassadeur du prince Jean Théodore de Bavière. 2 On attribuait au ciseleur Hutois

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Issu de cette illustre famille de Plenevaux, si influente jadis à Liége, et qui durant le cours du 17me siècle eut dix fois de ses membres honorés des fonctions de bourgmestre de Liége, et particulièrement un Nicolas de Plenevaux en 1676 et 1684 qui fut élu bourgmestre quoiqu'engagé dans l'état ecclésiastique, qualité qui excluait de la magistrature selon les lois du pays.

Le tréfoncier Maximilien-Henri, comte de Horion fut le dernier de ce nom; il s'était acquis les faveurs des princes évêques Georges-Louis de Berghes et JeanTheodore de Bavière par les services éminents qu'il leur avait rendus dans les diverses fonctions diplomatiques dont il fut honoré, et particulièrement en 1740 lorsqu'il contribua puissamment à faire désister Frédéric II, roi de Prusse, des pretentions que ce monarque avait sur la baronnie de Herstal pour laquelle il devait rendre hommage au prince de Liége. A ce sujet voici une anecdote que je dois à l'extrême obligeance de M. le professeur Devreux, qui la tient de feu M. le docteur Bovy. On sait qu'une intime amitié avait uni ces deux écrivains que les qualités du cœur et de l'esprit out toujours distingués. Voici cette anecdote où le comte de Horion fut le principal acteur :

Les Etats de Liége pour terminer un différent qui pouvait amener les suites les plus funestes pour le pays, députèrent le Tréfoncier comte de Horion vers le roi de Prusse qui, apprenant son arrivée, se promit de s'égayer aux dépens de l'ambassadeur de l'évêque de Liége; mais bientôt il fut détourné de ce dessein à l'aspect du noble maintien du comte de Horion, et surtout par son langage à la

En sortant de cette chapelle, à l'est, s'étendait un espace cintré de hautes murailles, formant un carré long d'environ vingt-cinq pieds dit le Sacraire ou chambre où étaient déposés les ornements sacerdotaux les plus riches. La porte d'entrée se trouvait dans le bas du transept de droite. Cette porte toute bardée de fer et de bronze, en cachait deux autres en bois, recouvertes des mêmes métaux.

Cette grande précaution qui semble, de prime-abord, être superflue, n'était qu'une mesure de prudence bien louable lorsqu'on verra plus loin quelles étaient les richesses que renfermait ce sacraire, dont la bâtisse était mise à l'abri du feu et de toute tentative d'effraction. Le mur de ce bâtiment, qui était du côté de la nef, était clos par une belle balustrade en cuivre battu et renfermant trois petits autels portatifs, dont les gradins du premier étaient ornés de camaïeux couleur d'azur sur un fonds d'or. Les deux autres, et particulièrement le troisième, étaient enrichis de petites peintures sur cuivre et bois représentant des fleurs, parmi lesquelles semblaient dominer le lis blanc, les fleurs d'orangers et les roses. Ces fleurs étaient rendues avec un art merveilleux ; la facilité, la légèreté de la touche, la vérité unie à l'intelligence du clair-obscur, semblaient dénoter que l'auteur de ces jolies productions devait être le célèbre Daniel Seghers, ou quelques-uns de ses meilleurs imitateurs 1.

Le transept qui va être décrit, n'avait que 40 pieds de large sur 55 de long. Il était donc moins spacieux que celui de gauche : il avait la même architecture que celui-ci. En y entrant, il s'offrait à la vue une chapelle dite du bas-côté droit, adossée contre une autre chapelle qui a été décrite, dans le transept gauche, séparant le grand chœur des Tréfonciers du chœur supérieur. Cette chapelle du bas-côté droit était spécialement dédiée à la Ste-Croix : elle était digne de remarque par une magnifique verrière représentant

1 Martin Bouhon, peintre du chapitre, 1775. Acta per R. R. P. P. Decan. Leod.

l'adoration des mages 1. Cet ouvrage terminé en 1520, était attribué à Thiry de Leumont. C'était un présent fait par le grand chancelier Gérard de Militis, des comtes de Marotte 2, qui reposait au pied de l'autel sous une dalle de marbre noir incrustée de cuivre.

Les gradins de l'autel étaient d'un fond rouge émaillé, tout recouvert par un réseau ou espèce de treillage de bosquets en filigranes d'argent. Ce magnifique ouvrage remontant à l'an 1608 était attribué à deux ouvriers vénitiens qui l'avaient fait sur l'ordre de Udalrich, baron de Hoensbroech, grand archidiacre de Hesbaye et grand trésorier de la cathédrale 3.

Vers l'an 1630, Arnould baron de Hoensbroech, grand prévôt d'Hildesheim, et parent d'Udalrich fit faire aussi en filigrane d'argent le devant de cet autel 4, et cette fois l'œuvre des Vénitiens, fut parfaitement imitée par Jean Taulier, qu'on peut regarder comme étant de Liége par le long séjour qu'il fit dans cette ville. Jean Taulier, non content d'imiter l'oeuvre d'artistes étrangers, voulut encore la surpasser en ornant ce devant d'autel de petits médaillons représentant divers sujets se rapportant à la découverte du bois de la Ste-Croix. Ces médaillons en bois, étaient peints dans le genre de Martin de Vos, dont il avait surtout atteint le coloris agréable, le dessin libre et la judicieuse ordonnance. Au commencement du 17° siècle, cet autel fut décoré d'un tableau donné par le grand prévôt Jean de Elderen-Gnoels, représentant l'élévation de la Ste-Croix, par Gérard Douffet 3. Sans un coloris un peu brun, ce

1 Cette verrière fut gravée par Wierix en 1600 et de nouveau en 1604 par Jean Valdor, qui dédia cette gravure à Jean de Curtius de Soumagne.

* Manuscrit du comte J. de Fallais, fol. 10. Id. Recez. de la cathéd. testam. 1558.

3 Le portrait de ce Tréfoncier a été pour Jean Valdor en 1628, le sujet d'une jolie petite gravure.

Litterae convocatoriales.

Id. Relatio notary et secretary etc.

Les tableaux parlants du peintre, in-12. Namur 1660, p. 40, 41.

Id. Decrets et ordonnances de la cathé. sede vacante.

Vierge, était un ouvrage qu'on considérait comme ayant du mérite malgré sa détérioration.

Charles François comte de Horion de Colonster, grand-mayeur et souverain-officier du prince de Velbruch, avait donné en 1772, les deux piédestaux en marbre blanc et noir taillés à retours, qui se trouvaient aux côtés de l'autel, de même que les deux vases en porcelaine de Chine posés sur ces piédestaux.

Ces vases posés en forme d'urne à huit pans, haut d'environ cinq pieds, étaient en porcelaine blanche, ornés de peintures représentant des animaux fabuleux et de grands ramages courants, blea et or; les anses de ces vases et leurs couvercles ornés de mascarons et de griffons en bronze doré, étaient attribués au célè bre Duplessis 1.

On considérait les vitraux de cette chapelle comme étant le dernier ouvrage de peinture sur verre fait à Liége. Ces vitraux qui devaient dater de 1693, étaient dûs à N. Groulard. 2 Il y avait représenté St.-Hubert revêtu de ses habits épiscopaux ; à ses côtés, on voyait les quatorze échevins de Liége agenouillés; les grands mayeurs aussi les genoux en terre, étaient en face du saint et lui

4 Ces vases furent achetés le 22 décembre 1777, à Paris, lors de la vente du cabinet de tableaux et de porcelaines anciennes du comte du Luc. Note de M. le chanoine H. Hamal,

2 Selon la quittance délivrée par cet artiste aux donateurs de cette verrière, les noms de ces derniers étaient ceux des échevins:

Théodore Ernest, baron d'Eynatten-Heukelum, grand-mayeur; Pierre, chevalier de Becx de Flesloux; Arnold, baron de Ville de Wille; Berthold de Haxhe, écuyer; Charles, baron de Méan; François Diffuit de Vivario, écuyer; Wathieu de Sélys de Wihogne, écuyer; François Antoine Ernest, baron de Fléron de Cawemberg; Lambert Amand baron van den Steen de Jehay; René François, baron de Sluze d'Hoperthingen; Henry, chevalier de Goër de Herve de Jehanster; François, chevalier de Hiunisdael de Betho; Michel Henry Jean, baron de Rosen; Louis Hyacinthe de Charneux-Messencourt, écuyer; Ernest Conrad, chevalier van der Heyden de Blizia.

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