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On ignore le nom de l'architecte qui dirigea les travaux de reconstruction de l'église; mais tout fait présumer qu'on doit ce bel édifice à une de ces corporations de francs-maçons qui nous ont laissés de si magnifiques monuments de leur savoir faire et de leur patience.

La tradition populaire prétend que cent ouvriers étaient occupés à la bâtisse, et que chaque samedi quatre-vingt dix-neuf venaient chercher leur salaire, mais que le centième manquait toujours à l'appel. Nos naïfs ayeux conclurent de là qu'un être céleste avait aidé à reconstruire leur cathédrale. Il était pourtant plus naturel de penser que ce centième ouvrier était un pénitent condamné à participer gratis à la réédification de l'église en expiation de ses péchés. Cette espèce de pénitence était souvent imposée pendant le moyen âge, surtout à ceux qui avaient endommagé un édifice religieux. Nous trouvons même dans l'histoire de notre patrie que Godefroid, duc de Lorraine, se soumit à cette pénitence, en servant comme manœuvre lors de la reconstruction de l'église de Verdun, qui avait été brûlée par ses ordres en 1046.

Les travaux furent souvent entravés, surtout au début de l'ouvrage, par les démêlés que le chapitre de Tongres eut avec l'évêque de Liége. Ces démêlés ne furent terminés que par la bulle que le chapitre obtint en 1254 du pape Innocent IV, qui exempta ce chapitre de la juridiction épiscopale, et déclara qu'il relevait directement du saint siége. Ces exemptions de la juridiction épiscopale furent introduites par le pape Grégoire VII qui, voulant créer une monarchie absolue dans l'Église, minait par ces mesures l'influence féodale des évêques sur leur clergé, et augmentait à leurs dépens la puissance papale. Les troubles qui ne cessèrent d'agiter le pays de Liége, pendant plusieurs siècles, portèrent également obstacle à l'achèvement de la collégiale aussi les travaux s'exécutèrent si lentement que ce ne fut que le neuf mai 1440 que l'on commença la construction de la tour 1. Cette tour ne fut achevée qu'en 1502.

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↑ Cette date est constatée par l'inscription suivante qui se trouve sur la Tour : † Anno Domini MCCCCXL nona mai opus constructionis hujus turis incep

lum est.

Les troubles religieux des Pays-Bas et la fureur des Iconoclastes modernes occasionnèrent de nombreuses dégradations à la cathédrale de Tongres; mais le plus grand danger que courut cet édifice, élevé avec tant de peines et de dépenses, ce fut en 1677. Le comte Calvo, commandant la garnison française de Maestricht, avait frappé une contribution de guerre sur la ville de Tongres. Les habitants épuisés par les fournitures de toute espèce, mirent quelque retard à s'acquitter, et attirèrent ainsi sur leur ville une horrible catastrophe.

Le 28 août de cette année, vers minuit, les troupes françaises se rendirent à Tongres pour punir cette ville par une exécution militaire; après avoir pillé les habitants, ces troupes mirent le feu à la ville, et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine, que l'on parvint à sauver des flammes, la grande église, dont la tour fut brûlée en partie.

Cet événement est le dernier épisode de l'histoire de la cathédrale de Tongres. Dans la deuxième partie de cette notice, je m'occuperai de la description de ce beau monument et des objets remarquables qu'il renferme.

NOTICE

HISTORIQUE ET GÉNÉALOGIQUE

SUR LES SEIGNEURS

D'ITTRE ET DE THIBERMONT,

PAR

M. l'abbé CORNEILLE STROOBANT,

membre effectif de l'Académie.

ITTRE.

Ayant pour armes de sinople au lion d'argent, couronné, langué et onglé d'or, l'écu surmonté d'une couronne à cinq fleurs d'or.

ITTRE, anciennement ITTERNE. Cette seigneurie ne devraitelle pas son nom à Itte, femme de Pépin I, duc de Brabant, mère de Ste.-Gertrude et de Ste.-Begge? N'est-ce pas comme si l'on disait Terre d'Itte? Je laisse la solution à de plus savants que moi.

Le village, ou pour parler avec les anciennes chartres, la ville d'Ittre, était une des plus anciennes et des plus étendues du Roman Pays de Brabant, au quartier de Nivelles. Une histoire abrégée de Notre-Dame d'Ittre rapporte que l'église fut fondée par Sigebert,

roi d'Austrasie, vers 640. Plus tard son territoire fut divisé en Haut-Ittre, qui était du comté de Hainaut, et en Bas-Ittre, ou simplement Ittre, qui était du duché de Brabant.

Plusieurs seigneuries étaient enclavées dans la terre d'Ittre, entre autres Faucuwez, Baudeumont, Thibermont, Samme, le Sart, la Marlière, la Motte, etc., etc. La seigneurie d'Ittre consistait en trois pleins fiefs relevant de la cour féodale de Brabant: 1.° le marquisat d'Ittre; 2.o la haute justice du village d'Ittre et du hameau de Thibermont; 3.o la moyenne et la basse justice du dit Ittre. Elle relevait quelques arrière-fiefs des seigneurs d'Oostkurche, Faucuwez, de la princesse de Nivelles, etc. Plus de trois cents arrière-fiefs dépendaient des seigneurs d'Ittre, qui étaient si puissants et si riches qu'ils relevaient bannière, comme on le voit par Renier d'Ittre, qui se trouva en 1144 à la bataille de Grimberge, décrite par le seigneur de Kastergate.

La château d'Ittre, situé près de l'église paroissiale, et accommodé de basse-cour, fossés, fontaines, prairies, parc, jardin et d'une chapelle castrale, privilégiée par plusieurs Souverains Pontifes et Évêques, appartient à très-haut, très-noble et très-illustre seigneur, messire Charles-Maximilien-Philippe-Eugène, Marquis de Trazegnies-d'Ittre, ancien Officier aux gardes du corps de S. M. catholique, Colonel au 4. régiment d'infanterie néerlandaise, etc., etc. à qui je présente mes remerciments respectueux pour l'affabilité avec laquelle il m'a ouvert ses archives et communiqué tout ce qu'il avait sur les seigneurs d'Ittre. Je dois aussi des remerciments à messieurs L.-A. Pierart, bourgmestre, et F. Ferier, secrétaire, pour la communication des archives de la commune.

Le village d'Ittre fut dévasté par les Normands; par le comte de Flandres, en 1356, par le duc de Saxe, en 1481; par les Huguenots, en 1580; par le duc Casimir, en 1588, et par les Français en 1674, 75, et 76.

L'église paroissiale, dédiée à St.-Remi, est célèbre par une image miraculeuse de Notre-Dame, qui y a été transportée de BoisSeigneur-Isaac en l'an 1336, par permission de Guillaume d'Avesne,

évêque de Cambray, et qui y attire encore tous les ans un grand nombre de pélerins, principalement pendant l'octave de l'Assomption. La procession, instituée par le cardinal Pierre d'Ailly, évêque de Cambray, en 1413, était anciennement accompagnée par le serment des Arbalétriers de Nivelles, par les Archers de Notre-Dame d'Ittre et par ceux de Faucuwez. Pendant la peste de 1668, le magistrat de Bruxelles y envoya un cierge, décoré des armes de la ville. L'archiduc Léopold, tourmenté de la pierre, y envoya en 1684 son chapelain-major, monseigneur de Robles, évêque d'Ypres, afin d'y faire une neuvaine en son nom.

Les dames de l'abbaye d'Aywières, supprimée en 1796, s'étant retirées à Ittre au nombre de 30, ont fait don à l'église d'une chasse magnifique en argent, contenant les restes mortels de Sainte-Lutgarde, qui y sont particulièrement honorés le 16 juin, jour anniversaire de sa mort, arrivée en 1276.

THIBERMONT.

THIBERMONT, anciennement THIEBAUDMONT. Le fief de Thibermont a de toute ancienneté été tenu par les seigneurs d'Ittre, comme une partie nécessaire de leur juridiction. Ils le relevaient de la princesse de Nivelles, avec la seigneurie foncière, mayeur et juges, droit de bâtard et de morte-main, et plusieurs arrière-fiefs qui en dépendaient. Aujourd'hui peu de personnes à Ittre connaissent encore le nom de Thibermont: ce nom historique a été remplacé par le nom bizarre et insignifiant de Trou d'enfer.

S 1. SEIGNEURS D'ITTRE.

S'il faut en croire certains historiens, la terre d'Ittre fut autrefois un comté, un vicomté et enfin une seigneurie. Le plus ancien seigneur que l'on connaisse, fut Isaac d'Ittre, qui se rendit trèsfameux dans ce pays et qui fit la guerre sainte sous Godefroid de Bouillon. Le fragment de généalogie, qui se trouve au château de

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