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de mariage des époux, il fut stipulé ce qui suit: « Les futurs époux se font réciproquement donation, le premier mourant au survivant quel qu'il soit, qu'ils laissent ou non des enfans nés de leur mariage, d'une pension annuelle et viagère de 5,000 fr., laquelle sera payable sans retenue et par moitié, de dix mois en dix mois, à partir du décès du premier mourant. Ce contrat a été passé le 30 juin 1830; et, le 15 sept. 1833, le sieur Gros est décédé dans un état de complète insolvabilité. Son passif était de 2,000,000 fr. environ, et le déficit de près de 600,000 fr. La dame Gros fit cession à la maison Durand et Cs, aux risques et pé rils du cessionnaire, de son gain de survie, réservant les droits que les héritiers à réserve pourraient avoir sur cette rente, par voie de réduc tion. Ces héritiers, qui étaient les mineures Gros, ne trouvant aucun actif dans la succession paternelle, voulurent exercer, par voie de réduction au quart, d'après l'art, 1098 C. civ., leur droit de réserve sur la donation faite à leur belle-mère, donation garantie par l'hypothèque lé gale de celle-ci. Ce droit de réduction ne pouvant profiter qu'aux réservataires et non aux créanciers, d'après l'art. 921 C. civ., les mineures Gros pouvaient espérer que cette portion de leur légitime échapperait, par ce moyen, à l'action de ces derniers. Ceux-ci ne soutenaient pas que la donation était seulement réductible à leur égard, mais qu'elle était nulle comme faite en fraude de leurs droits.-Un jugement du tribunal de Bourgoin, du 2 avril 1841, repousse cette prétention; mais, sur l'appel des créanciers, il fut infirmé par arrêt de la cour royale de Grenoble, du 3 mars 1842, ainsi motivé :

« Attendu que Gros est décédé laissant un passif d'environ 2 millions et un déficit d'environ 600 mille francs; à la vérité, Duchesne soutient que ce déficit, au moment du décès de Gros, n'arrivait qu'à 555 mille francs; mais qu'en admettant même cette dernière appréciation, il n'en est pas moins certain que Gros était déjà de beaucoup au-dessous de ses affaires, le 2 juin 1830, date de son second mariage;....

« Attendu que Gros était bien instruit, en 1833, du mauvais état de ses affaires; que la connaissance qu'il en avait résulte des documens du procès et particulièrement de ce qui a été énoncé et n'a pas été contredit au sujet des causes de sa mort; que, dès lors, Gros ne pouvait pas non plus ignorer sa fàcheuse position de fortune trois ans auparavant, c'est-à-dire à l'époque de son second mariage, puisqu'il avait alors, pour apprécier cette position, les mêmes élémens qu'il a eus plus tard, et que l'on ne peut indiquer aucun fait, ni aucun événement qui ait été de nature à lui révéler en 1833 un état de ruine sur lequel il se serait jusqu'alors abusé ;

« Attendu qu'il résulte de là que lorsque Gros a fait, par son contrat de mariage avec la veuve Fortin, une donation de cinq mille francs de rente viagère à celle-ci, pour le cas où elle lui survivrait, il savait bien, que cette donation ne pouvait recevoir aucune exécution qu'au détriment de ses créanciers; que, dès lors, cette libéralité doit être annulée, aux termes de l'art. 1167 c. civ. ;-Attendu que cette nullité doit d'autant mieux être prononcée, que la libéralité dont il s'agit ne tournerait point au profit de la donataire, mais que, par l'effet de l'action en réduction, elle aurait pour résultat d'attribuer, contre la volonté même de Gros, à ses héritiers bénéficiaires un émolument dans sa succession, tandis que les créanciers de cette hoirie éprouvent des pertes considérables;

« Attendu qu'il importe peu que la veuve Fortin, donataire, ait été de bonne foi, c'est-à-dire qu'elle ait ignoré l'insolvabilité du donateur, parce que lorsqu'il s'agit d'aliénation à titre gratuit, la mauvaise foi de l'auteur de la libéralité suffit pour donner lieu à l'application de l'article 1167 c. civ.; Attendu qu'il est également indifférent que, par le même contrat, la veuve Fortin ait, de son côté, fait donation à son futur époux, sous la même condition de survie, d'une rente viagère de pareille somme de cinq mille francs; que cette réciprocité n'imprime pas à ces donations le caractère d'aliénation à titre onéreux; que ce qui le prouve, c'est qu'elles sont sujettes à réduction pour le complément de la réserve légale; que, d'un autre côté, on ne pourrait invoquer, en faveur de ce genre de libéralité, la disposition de la loi 25 ff. Quæ in fraudem, credit., d'après laquelle les donations à titre de dot étaient, sous le rapport de l'action Paulienne, assimilées aux actes à titre onés reux, parce que, d'une part, la disposition de cette loj n'a point été re produite par le code, et que, d'autre part, elle ne saurait s'appliquer à une donation qui n'est pas faite pour soutenir les charges du mariage,

dès qu'elle ne doit recevoir son exécution qu'après le décès de l'un des époux. Pourvoi du sieur Duchesne pour fausse application de l'art. 1167 C. civ., violation des art. 1091 et 1098 même code, et de la loi 25 au Dig., Quæ in fraud. creditor.

M. le conseiller Troplong, rapporteur, a résumé ainsi les moyens présentés à l'appui du pourvoi: «On s'applique, a-t-il dit, à prouver qu'en fait il n'a pu y avoir de fraude; que, loin que la donation ait pu être faite pour préjudicier aux créanciers, elle pouvait leur être avantageuse. Car si Gros avait survécu à sa femme, les conditions de réciprocité l'auraient mis en possession de 5,000 f. de rente, dont ses créanciers auraient profité. L'acte résiste donc à toute idée de fraude.-Dira-t-on, ajoute le demandeur, que la cour royale a été souveraine? Cela serait bon, s'il y avait dans l'arrêt des faits de fraude allégués en dehors de l'acte. Or, il n'y en a pas. On n'allègue que l'insolvabilité lors du contrat. Mais cet état pouvait cesser par d'heureux événemens, par un retour de fortune. Il n'indique pas nécessairement la fraude. Sous un autre rapport, l'avantage devait être respecté : Madame Gros était de bonne foi, la cour le reconnaît. Seulement, elle prétend que dans les actes de libéralité, la bonne foi du donataire n'est pas à considérer (L. 6, § 11, Quæ in fraud.). Mais l'acte qui nous occupe n'est pas une libéralité pure; il présente un engagement réciproque; c'est un contrat do ut des. H est vrai que, sous le rapport de la réserve, la loi le considère comme une libéralité. Mais au point de vue de l'action Paulienne, il ne peut être rangé dans la classe des pures libéralités, et est à titre onéreux et réciproque. L'arrêt objecte que ce n'est pas le donataire qui profiterait ici du maintien de la donation; que ce seraient les enfans du donateur de mauvaise foi; mais il ne faut pas s'enquérir de ceux qui doivent profiter de la stipulation: il s'agit ici d'une question de principes et non d'une question de personnes; d'ailleurs, la réserve des enfans est encore plus sacrée que le droit des créanciers. »

Sur ces moyens, M. le conseiller rapporteur a fait les observations suivantes: « Cette dernière réflexion du pourvoi ne vous paraîtra pas exacte; il n'est pas juste de dire que la réserve est préférable aux droits des créanciers. L'art. 922 c. c. veut qu'avant de faire une part aux enfans, on commence par payer les dettes du défunt. De là résulte une singularité remarquable, qui n'a pas échappé à l'arrêt attaqué, c'est que, dans l'espèce, la donation, si elle était maintenue, profiterait non à la donataire, dont on plaide la cause, quoiqu'elle ne réclame rien, mais à des personnes que la loi déclare moins privilégiées que les créanciers du donateur. Au surplus, ce sont là des considérations. Vous verrez si elles peuvent avoir quelque influence dans l'espèce. Ce qui est plus grave, c'est la déclaration, en fait, que Gros était de mauvaise foi, ou, ce qui est la même chose, qu'il savait bien que sa donation ne pourrait recevoir aucune exécution qu'au détriment de ses créanciers. Que la cour ait bien ou mal apprécié les faits, peu importe.-Ce qu'elle déclare, en fait, répond aux exigences de la loi. Ici, en quoi consiste la fraude ? Elle consiste à diminuer son patrimoine, de manière à nuire sciemment à ses créanciers. C'est ce qu'enseigne Furgole dans son Traité des Testamens (t. 4, chap. 11, sect. 1re, n. 20), d'après les lois romaines. Le pourvoi reproche à l'arrêt de n'avoir pas relevé d'autres circonstances de fraude, si ce n'est que Gros savait qu'il était au-dessous de ses affaires. Mais ne pourra-t-on pas répondre que c'est précisément cette circonstance qui est décisive? Ecoutons la loi 17, §1, Dig., Quæ in fraud. Lucius Titius avait des créanciers, et néanmoins it donna tous ses biens à des affranchis, qui étaient en même temps ses enfans naturels. Quoiqu'on puisse dire que son intention a été plutôt de favoriser ses fils que de faire tort à ses créanciers, néanmoins la donation n'est pas bonne, et voici les paroles de Julianus: « Qui creditores habere scit, et universa bona sua buisse.. >> Vous voyez que ce jurisconsulte fait résulter la fraude de la alienavit, intelligendus est fraudendorum creditorum animum hasimple connaissance de l'existence des créanciers. Iei n'est-ce pas à peu près la même situation? La cour royale n'a-t-elle pas pu trouver la fraude dans la connaissance que Gros avait de sa déconfiture et de l'impossibilité que la donation put sortir à effet sans nuire aux droits de ses créanciers?

« Un côté plus délicat du pourvoi est celui qui consiste à soutenir que la donation était de la nature des contrats onéreux, et que, par consé, quent, il fallait, pour pouvoir la révoquer, que la donataire ait eu, comme la donateur, le consilium fraudis. Le pourvoi cherche dans deux vauses) la preuve que la donation participait de la nature des contrats onéreux :

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le décès de l'un des tion de l'art. 1167 C. t de la loi 25 au Dig., ainsi les moyens pré1 dit, à prouver qu'en nation ait pu être faite tre avantageuse. Car réciprocité l'auraient anciers auraient pro-a-t-on, ajoute le deserait bon, s'il y avait l'acte. Or, il n'y en at. Mais cet état pou- de fortune. Il n'indi ort, l'avantage devait la cour le reconnaît. éralité, la bonne foi 1, Quæ in fraud.). cé pure; il présente des. H est vrai que, - comme une libéraI ne peut être rangé onéreux et réciproire qui profiterait ici fans du donateur de eux qui doivent prode principes et non e des enfans est en

les observations suiparaitra pas exacte; ble aux droits des ne part aux enfans, résulte une singula+ qué, c'est que, dans erait non à la doname rien, mais à des e les créanciers du Vous verrez si elles = qui est plus grave, vaise foi, ou, ce qui ne pourrait recevoir - Que la cour ait bien déclare, en fait, réfraude ? Elle conTre sciemment à ses aité des Testamens maines. Le pourvoi nstances de fraude, es affaires. Mais ne Le circonstance qui aud. Lucius Titius biens à des affran. Quoiqu'on puisse is que de faire tort nne, et voici les pauniversa bona sua orum animum haalter la fraude de la ci n'est-ce pas à peu e pas pu trouver la confiture et de l'imaire aux droits de ses

siste à soutenir que x, et que, par consé nataire ait eu, comme

che dans deux causes

des contrats onéreux:

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d'abord, dit-on, c'était une donation faite par contrat de mariage, et
toute donation de ce genre est censée faite à titre onéreux; de plus, la
donation était réciproque, et les donations réciproques ne sont pas autre
chose qu'un contrat do ut des. Le premier point n'est nullement démon-
tré; les leis romaines qu'on a citées sont loin d'être décisives. En prin-
cipe, disent les lois romaines, le contrat de dot, malgré sa faveur, est
soumis à l'action Paulienne. C'est le sentiment précis d'Ulpien dans la
loi 10, § 14, Dig., Quae in fraud. creditor. Il est vrai qu'à l'égard
da mari le contrat de dot est onéreux, puisqu'il a pour condition de sou-
tenir les charges du mariage, et, en ce qui le concerne, on ne pourra
faire révoquer la constitution de dot qu'autant qu'il aura été de mau-
vaise foi (Venuleius, L. 25, § 1, D., Quæ in fraudem): Mais, à l'égard
de la femme, la dot qui lui est constituée est toujours une libéralité, et
peu importe qu'elle n'ait pas connu la fraude : « Nihilominus in filiam,
que non scierit, dandam actionem quia intelligitur quasi ex dona-
tione aliquid ad eam pervenisse.» (Même loi.) On peut voir là-dessus
Pothier, dans ses Pandectes (t. 3, p. 194, n. 20) et Furgole (loc. cit.).
« La révocation, dit ce dernier auteur, a lien même pour constitution
de dot. Mais si le mari a reçu la dot, on distingue s'il a connu la fraude
ou non. Au second cas, les créanciers ne pourraient agir contre lui, parce
qu'il est considéré comme créancier ou acheteur. Mais, au premier cas,
la révocation a lieu. Quant à la femme, on n'examine pas cela, ear, à son
égard, la dot est un titre lucratif. »Il ne faut donc pas dire que toute
donation faite en vue du mariage est, en soi, à titre onéreux; on vient
de voir le contraire. Ici la donation était faite à la femme; de plus,
elle n'avait pas pour but de soutenir les charges du mariage, puisqu'elle
ne devait recevoir exécution qu'à la dissolution du mariage. Elle était
donc une vraie libéralité.

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«Reste maintenant à savoir si la réciprocité ne lui enlève pass ce ca-
ractère. Ce point est un peu plus délicat. Il est certain que la doctrine
des auteurs a toujours eu une tendance à voir le caractère du contrat
do ut des dans les donations réciproques. Tiraqueau, dans son com-
mentaire de la loi Si unquam, établit qu'une telle donation est à titre
onéreux, et que la révocation pour survenance d'enfans n'y doit pas
avoir lieu. (Sur ces mots donations largitas, voy. aussi Ricard, Don mu-
tuel, glose 1re, chap. 1er, n. 7; Soefve, t. 1er, sent. 4, ch. 55.)-C'était
Popinion reçue avant l'ordonnance de 1731. On tenait pour constant
que la loi Si unquam ne devait pas faire tomber les donations récipro-
ques, parce qu'elles n'avaient pas une cause purement lucrative, et c'est
ce qu'avait jugé un arrêt du parlement de Paris, du 28 avril 1640, rap-
porté par Ferrière dans son Comment. de la coutume de Paris (t. 3,
p. 1120, n. 9). Mais vous savez que cela fut changé par l'ordonnance de
1751. L'art. 39 soumit les donations mutuelles à la révocation pour sur-

venance d'enfans. C'est aussi ce qu'a fait l'art. 960 c. civ.-Ce change
ment de jurisprudence vous paraîtra-t-il de nature à affaiblir l'ancienne
opinion qui rattachait les donations réciproques aux contrats à titre oné-
reux? Ces donations ont-elles été atteintes, non pas parce qu'elles sont

de pures libéralités, mais quoiqu'elles soient des contrats à titre oné

reux? Cette opinion paraîtrait celle de Furgole : « Les donations mu-
tuelles, dit-il, ne sont pas exceptées de la révocation, quoiqu'elles soient
considérées en quelque façon comme un contrat onéreux et une conven-
tion réciproque. » (Sur l'art. 39 de l'ordonn. de 1731, p. 314.)
«Voyons cependant si, en faisant pour l'action Paulienne ce que l'ord.
de 1731 et le code civil ont fait pour le cas de survenance d'enfans, la
cour royale de Grenoble a expressément violé quelque loi.

<< D'abord, si nous voulons savoir comment doit se régler pour la forme
une donation réciproque, il est évident que c'est à la forme des vraies
donations qu'elle est assujettie. On ne serait pas reçu à soutenir qu'elle
peut emprunter la forme libre des contrats à titre onéreux. Ainsi, voilà
un premier point : sous le rapport de la forme, le caractère de libéralité
domine. — Sous le rapport de la réserve due aux enfans, c'est aussi
comme libéralité que le code l'envisage. La loi, qui respecte les contrats
à titre onéreux et les rend préférables à la cause des enfans, n'a pas les
mêmes égards pour les donations réciproques; elle les traite comme de
vraies libéralités. De plus, nous venons de le voir, c'est aussi comme
acles à titre lucratif que l'art. 960 c. civ. les atteint pour survenance
d'enfans. Enfin, leur nom est celui de donation (art. 960), et Furgole
lui-même appelle une donation de ce genre libéralités réciproques (sur
l'art. 46 de l'ord. de 1731, p. 358). Et, en effet, c'est le caractère de li-
béralité qui est surtout frappant dans les donations réciproques. Vouloir
en faire une spéculation, un calcul d'intérêt, comme un échange, une
vente, c'est fausser son caractère, c'est lui enlever ce qu'elle a de méri-
toire et d'honorable. Voilà déjà bien des considérations qui viennent an
secours de l'arrêt attaqué.

Maintenant voyons les raisons données par les jurisconsultes mains pour ne pas exiger du donataire la commaissance de la fraude par le donateur à ses créanciers. Voyons si elles peuvent s'appliquer donations réciproques. « Le donataire, dit Ulpien, ne peut se plain d'une injustice. Il ne souffre pas de dommage; il manque seulement faire un gain. » Nec videtur injuria affici is qui ignoravit. Cùm fraudem). Dans l'espèce, l'épouse donataire éprouve-t-elle une dir crum extorqueatur, non damnum infligatur (L. 6, § 11, D., Qua nution de son patrimoine par la révocation de la donation? N'est-e pas dans la position de celui qui manque de gagner, et non dans la p verrait privé? Maintenant, mettez-la en balance avec les créanciers sition de celui qui perd ? Peut-elle être comparée à celui qui, partie da ont devant eux la déconfiture de leur débiteur : c'est pour ceux-ci qu un contrat à titre onéreux, aurait livré son argent ou sa chose, et s' n'y a pas seulement le tuorum cessans, mais le damnum emergen C'est à eux qu'on peut appliquer ces paroles d'Ulpien: Damnum infl gatur.

législateur assez grande pour que les donations réciproques ne pusser
«Nous terminerens par une réflexion. La faveur des enfans a páru a
résister à l'action en révocation pour survenance d'enfans et à l'actio
en réduction pour le cas d'empêchement sur la réserve. Les créancier
faveur des enfans, ils peuvent invoquer la foi des contrats et l'équité
méritent aussi leur part d'intérêt. S'ils n'ont pas pour eux ces droits d
sang et ces grandes raisons d'affection naturelle qui élévent la voix e
qui ne veut pas que nul s'enrichisse aux dépens d'autrui!! Leur cause
même paru tellement sacrée, que les enfans eux-mêmes n'ont d'émolu
ment à prendre dans la succession qu'autant que les dettes ont été préa-
contre elles l'action Paulienne?
lablement payées. Or, si les enfans ont action contre les donations réci
proques pour leur réserve, pourquoi les créanciers n'auraient-ils pas

pour vous mettre à même de décider si la cour royale de Grenoble a
violé les lois invoquées. >>
« Telles sont les considérations que nous avons dû vous soumettre

remarquablement motivé, dont voici les termes :
Cette théorie a été consacrée dans toutes ses parties par l'arrêt très-

ARRÊT.

par l'arrêt attaqué, que le donateur savait bien que la donation de gain
LA COUR;-Considérant qu'il résulte des faits reconnus constans
de survie qu'il faisait à sa femme ne pourrait recevoir aucune exécution
qu'au détriment de ses créanciers, lesquels, par l'événement, n'ont
trouvé dans sa succession qu'un passif énorme; qu'en décidant, dans
de fraude prévue et réprimée par l'art. 1167 C. civ.,
loin de violer cet article, en a fait, au contraire, la plus juste applica-
ces circonstances, que le donateur avait fait à ses créanciers l'espèce
l'arrêt attaqué,
tion;

fut complice de cette fraude; qu'il s'agissait, en effet, dans l'espèce, Qu'il n'était pas nécessaire que l'épouse donataire du gain de survie d'une véritable donation, et que, dans ce cas, l'action en révocation ne prend nullement en considération la bonne foi de la personne gratifiée; qu'il avait été fait par contrat de mariage, soit parce qu'il serait réciqu'on ne saurait enlever à cet acte le caractère de libéralité, soit parce proque; que, d'une part, un simple gain de survie n'étant pas destiné la nature des contrats à titre onéreux; que, de l'autre, les dons muà soutenir les charges du ménage, n'a rien qui le fasse participer de tuels portant le nom de donation, étant soumis aux formalités des do¬ nations, étant assujettis, comme donations, à l'action en réduction et à l'action en révocation pour survenance d'enfans, procédant enfin d'une pensée de libéralité plutôt que d'un motif intéressé, doivent, par conséquent, être traités comme donations, pour ce qui concerne l'action Paulienne; qu'on doit d'autant plus le décider ainsi, que le donataire par don mutuel qui n'a rien déboursé, n'est exposé qu'à ne pas faire un donation, se verraient constitués dans un dommage évident ;-Par ces gain, et est moins favorable que les créanciers qui, par l'effet de ladite motifs, rejette.

M. Pascalis, av.-gén.-M. Roger, av.
Du 2 janv. 1845.-Ch. reg.-M. Zangiacomi, pr.-M. Troplong, rapp.-

OFFICE, TRAITE SECRET, REPETITION, IMPUTATION.
Le paiement volontaire P.... billet

Ye traité ostensible, n'est pas sujet à répétition, et, par suite, l'imputation n'en peut étre exigée par celui-ci sur la portion du prix encore due, alors qu'il n'est pas douteux que l'intention du débiteur, en payant, était bien d'éteindre l'obligation relative au supplément convenu, et, par suite, d'exécuter le traité secret (C. c., 4235, 4431, 1433) (4).

de

(Gellée C. Peaucelier.)

Le 5 déc. 1835, le sieur Peaucelier vendit au sicur Gellée sa charge commissaire-priseur à Beauvais. Le traité ostensible exprimait que le prix de l'office était de 27,000 fr., mais le même jour un supplément de prix de 18,000 fr., payable en un billet de pareille somme, fut convenu entre les parties. Immédiatement après l'ordonnance de nomination, intervenue sur la présentation du traité ostensible, le sieur Gellée acquitta volontairement ce billet et le retira; de plus il paya 2,000 fr. à compte sur les 27,000 fr. qui formaient le prix apparent de l'office: 25,000 fr. restaient donc encore dus. Plus tard, le sieur Peaucelier poursuivit le paiement de ce reliquat contre la veuve du sieur Gellée. Celleci revint alors sur le versement fait par son mari des 18,000 fr., montant de l'obligation souscrite en dehors du traité ostensible; elle soutint que cette obligation était frappée d'une nullité d'ordre public; que, par conséquent, le paiement qui en avait été la suite était sujet à répétition: elle demanda, par ce motif, que l'imputation des 18,000 fr. fut faite sur ce qui restait dû sur le prix sincère de l'office. - Jugement du tribunal de Beauvais, du 4 fév. 1840, qui ordonne l'imputation à laquelle avait conclu la veuve Gellée.

Appel par le sieur Peaucelier.-Arrêt infirmatif de la cour d'Amiens, du 12 juin 1840, ainsi motivé : « Considérant qu'il est établi et reconnu entre les parties que les 18,000 fr. payés par Gellée l'ont été pour supplément convenu au traité ostensible relatif à la cession de l'office de commissaire-priseur; que, de quelque manière qu'on envisage cette convention, elle a été volontairement exécutée et ne peut donner lieu à répétition; que l'imputation sur un autre titre équivaudrait à répétition, etc. »

-Le

Pourvoi par les héritiers Gellée pour violation des art. 1131 et 1133 C. civ., et fausse application de l'art. 1235, § 2 du même code, en ce que l'arrêt attaqué a vu une obligation naturelle valable dans un billet souscrit à titre de supplément de prix convenu entre les parties, au-delà du prix ostensible d'un office, et par suite a déclaré non sujette à répétition les sommes payées en vertu d'une sembable convention. paiement d'une obligation contractée malgré la prohibition de la loi et dans le but d'éluder des mesures d'ordre public, a-t-on dit, ne peut être considéré comme l'acquittement d'une obligation naturelle; en effet, la nullité qui frappe une convention de cette nature n'a point été introduite dans l'intérêt particulier du débiteur, comme lorsqu'il s'agit d'un engagement contracté par une femme mariée non autorisée, du paiement, par un emprunteur, d'intérêts non stipulés, de l'exécution d'une obligation présente; ici l'obligation ne peut pas plus prendre sa force dans un fait d'exécution que dans une convention expresse; elle est nulle radicalement, elle ne peut produire aucun effet. D'ailleurs, il faut le reconnaître, c'est surtout l'exécution des traités secrets qu'il importe d'empêcher, pour en prévenir les effets, dans l'intérêt de la so

(1) La cour de cassation n'a point eu à qualifier la nature de l'obligafion acquittée par le cessionnaire. La cour royale ne l'a pas fait non plus, et cependant remarquons que, sans prononcer le mot d'obligation naturelle, on en a appliqué les principes. Telle est au surplus la jurisprudence des cours royales à cet égard. (Voy. Paris, 31 janv. et 15 fév. 1840; Toulouse, 22 fév. 1840; Rec. pér., 40. 2. 95, 96, 97), vivement combattue par M. Delangle, aff. Legrip, dans un réquisitoire dont les doctrines rigoureuses ont paru avoir été adoptées par la cour. Quoi qu'on doive décider en définitive touchant la validité des contre-lettres en matière d'office, les conventions même vicieuses, librement consenties et librement exécutées entre les parties, semblent quelque chose de trop respectable pour que le repentir intéressé du débiteur puisse être favorablement écouté, alors, bien entendu, que le vice a cessé d'exister au moment de l'exécution. La solution qu'on rapporte ici, qui confirme l'opinion que nous avons exprimée au vol. de 1840, 2. 95, paraît à tous égards mériter la préférence sur les principes qui ont prévalu dans l'arrêt du 7 juillet 1841. (Rec. pér., 41. 1. 302).-Voy. encore Supp. Dict. gén., yo Office, n. 106-110.

ciété ; le plus souvent, le but des mesures adoptées par le gouvernement ne serait pas atteint si les tribunaux forcés de respecter un traité illicite exécuté, ne pouvaient que refuser cette exécution, lorsqu'elle serait réclamée. Enfin, et dans tous les cas, la volonté d'exécuter le traité secret, et de renoncer à en poursuivre la nullité, est-elle bien constante dans l'espèce? Nullement; la totalité du prix réel de l'office n'a point été payée, et les sommes versées ne forment même pas le montant du prix porté au traité ostensible; l'imputation pouvant done se faire tout aussi bien sur ce dernier prix, seule dette qui existât légalement entre les parties, il devenait inutile pour le débiteur de se prévaloir de la nullité radicale de la contre-lettre, avant l'époque où cette imputation serait contestée par le cédant. En considérant l'engagement souscrit pour supplément de prix par le sieur Gellée comme capable de produire une obligation naturelle non sujette à répétition, l'arrêt attaqué a donc faussement appliqué l'art. 1235 C. civ. et violé les

art. 1131 et 1133 C. civ.

ᎪᎡᎡᎬᎢ.

LA COUR;-Attendu que l'arrêt attaqué déclare, en fait, que le titre par lequel les auteurs des demandeurs en cassation avaient librement consenti d'ajouter 18,000 fr. au prix du traité ostensible, avait été volontairement exécuté et retiré après paiement, de telle sorte que l'imputation faite par les parties, et leur volonté pour l'extinction de ce titre particulier, ne peuvent être douteuses; d'où suit que l'arrêt attaqué a fait à la cause une juste application des lois de la matière, et n'a violé aucune loi; — Rejette. Du 23 août 1842. - Ch. req.-MM. Zangiacomi, pr. - Joubert, rapp. Pascalis, av. - gén. - Ledru-Rollin, av.

s'est con

DOT, BIENS A VENIR, DÉCÈS, OBLIGATION. Lorsqu'une femme en se mariant sous le régime dotal, stitué en dot tous ses biens présens et à venir, les seuls biens affectés du caractère de dotalité, sont ceux qui ont été apportés au mari lors ou dans le cours du mariage, et non les biens advenus ou échus à la femme depuis la dissolution du mariage (C. civ., 1540, 1542) (2).

En conséquence, l'exécution des obligations contractées par la femme dotale, peut être poursuivie sur des biens qui lui sont échus postérieurement à la dissolution du mariage (C. civ., 217, 1123, 1124) (3).

(Jourdan C. Cardronnet.)

Des principes contraires avaient été consacrés par arrêt de la cour de Caen du 9 juillet 1840, rapporté Rec. pér., 40. 2. 232.-Pourvoi du sieur Jourdan, admis au rapport de M. le conseiller Mestadier, sur les conclusions de M. Pascalis, avoc.-gén., pour violation de l'art. 2192 et fausse application des art. 1540 et 1554 C. civ.

La femme, sous tous les régimes, a dit Me Fichet pour le deman

(2-3) La question que cette solution résout et qui a été entrevue plutôt que discutée par M. Duranton, t. 15, p. 402, n. 346, et p. 614, n. 531, n'a d'autres précédents en jurisprudence que deux arrêts de la cour de Caen, l'un rendu en 1855, l'autre qui a été cassé par celui qu'on rapporte ici.

Le système proscrit par la cour s'appuie : 1o sur la généralité des mots biens à venir, ce qui comprend, dit-on, tous les biens qui peuvent advenir à la femme; 2° sur cette double considération que le régime dotal est établi autant dans l'intérêt des enfans que dans celui de la femme, et qu'il a eu pour but d'empêcher le ruine de celle-ci, par suite de l'ascendant du mari, ce qui arriverait d'autant plus aisément lorsque la femme aurait en expectative des biens qui pourraient servir de gage aux engagemens onéreux qu'on lui aurait arrachés.

On repousse ce système d'abord par cette remarque de bon sens que la dot implique l'idée de mariage, et qu'il n'y a pas de dot sans mariage, dos est in matrimonio, neque dos sine matrimonio : mariage et dot sont deux corrélatifs inséparables. Avant comme après le mariage, les biens de la femme répondent de ses obligations: il n'y a que ceux qui ont été frappés de dotalité, c'est-à-dire ceux que la femme a apportés à son mari lors ou dans le cours du mariage, qui ne peuvent être atteints par les obligations contractées par la femme durant le mariage, car on ne conteste plus, depuis l'abolition du sénatus-consulte Velléien, que la femme dotale n'ait, comme celle qui est mariée en communauté, ou qui n'est pas mariée du tout, capacité pour contracter, faculté qui serait illusoire pour elle si les engagemens qu'elle a formés ne

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plées par le gouvernes de respecter un traité exécution, lorsqu'elle a volonté d'exécuter le a nullité, est-elle bien prix réel de l'office n'a ent même pas le montation pouvant done se dette qui existat légale débiteur de se prévant l'époque où cette considérant l'engageeur Gellée comme casujette à répétition, 255 C. civ. et violé les

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COUR DE CASSATION..

deur en cassation, a capacité de contracter avec l'autorisation de son
mari; les probibitions portées dans la loi romaine par le sénatus-con-
sulte Velléien, n'ont pas été reproduites dans notre droit. Et, cepen-
dant, il se présente, à l'égard des obligations contractées par la femme
dotale, une exception au principe consacré dans l'art. 2192, c'est que
ces obligations ne sont pas susceptibles d'exécution sur ses biens do-
taux. A quoi cela tient-il? Le motif de cette exception s'explique par
la prohibition d'aliéner exprimée dans l'art. 1554 c. civ. Si donc il se
trouve entre les mains de la femme un bien qui n'ait pas été frappé
d'inaliénabilité, il faut conclure que la règle de l'art. 2192 reprendra
son empire, et que l'exécution de l'obligation de la femme dotale pourra
être poursuivie sur ce bien.- Ces principes conduisent à se demander
qu'est-ce qu'un bien dotal, et que comprend la dot? Si l'on consulte le
droit romain, on y trouve cet axiome: Sans mariage point de dot....
neque dos, sine matrimonio esse potest; d'où cette conséquence,
que de même qu'il n'y a point de dot avant le mariage, de même les
biens qui n'ont pas été dotaux pendant le mariage, ne peuvent le
devenir depuis sa dissolution. Il résulte, en effet, des lois 11 et 76, au
Dig. de Pact. dot., qu'il ne peut y avoir de dotal que les biens aptes à
soutenir les charges du mariage, quia nisi matrimonii oneribus
servial, dos nulla est. Cette doctrine est confirmée par Voët dans ses
Pandectes, liv. 20, tit. 3, n. 9; Pothier, Pand., liv. 3, n. 28, not. 1,
sur la loi de Jur. dot. Et, si l'on consulte les différens articles du code
civil, par exemple, les art. 1554, 1560, 1561, on peut se convaincre
que le principe de la dotalité est toujours corrélatif de l'existence des
biens dotaux pendant le mariage.

La cour royale oppose, qu'encore bien que la dot soit principalement
apportée au mari pour subve ir aux charges du mariage, il n'en est pas
moins vrai que des biens peuvent être dotaux, quoique les époux n'en
aient pas la jouissance pendant le mariage. Cette objection semble sans
influence sur la question: sans doute une nue-propriété peut être apportée
en dot, une dot peut être constituée pour être payée après la mort du con-
stituant (L. de Pact. dot.); mais cette nue-propriété, cette dot payable
à terme, doit évidemment être comptée comme apport, car elle est sus-
ceptible de la réalisation d'un avantage actuel, soit par voie de cession,
soit par voie d'engagement.-L'arrêt ajoute: Il peut arriver que, pen-
dant le mariage, les époux n'aient qu'une expectative plus ou moins
probable ou incertaine sur des biens qui n'échoient à la femme qu'après
la dissolution du mariage, et cependant ces biens sont dotaux. Et,
comme exemple, la cour cite des biens provenant d'une institution con-
tractuelle, laquelle laisse toujours au disposant la faculté de les aliéner
à titre onéreux.-On peut répondre que l'institution contractuelle donne
aux époux, sur les biens qui en sont l'objet, un véritable droit de pro-
priété; ils peuvent les aliéner, les grever d'hypothèques; de ce que ce
droit de propriété n'est que conditionnel et résoluble, au cas où le do-
nateur, usant de la faculté que la loi lui réserve, en diposerait à titre
onéreux, que faut-il conclure? C'est que ce droit de propriété ne pré-
devaient pas plus atteindre les biens à échoir après le mariage que ceux
qu'elle a apportés à son mari.

On se fonde aussi sur cette expression de l'art. 1540, apportés au
mari, et sur d'autres articles du code, qui tous supposent l'idée d'un
mariage existant.

Et par là on écarte l'objection tirée de la prétendue généralité de l'art. 1542, relative aux biens à venir, généralité qui trouverait une limite dans l'essence même des choses, c'est à-dire dans le double principe de la liberté des biens et de la faculté commune d'en disposer dans tous les cas où cette faculté n'est pas interdite, si la dotalité, régime d'exception, ne devait être restreinte dans ses termes naturels plutôt qu'entendue dans un sens qui lui donnerait un effet presque aussi désastrenx que celui que le législateur a fait cesser en prohibant les substitutions. Aux considérations tirées de l'intérêt des enfans et des dangers de l'influence du mari, on répond : 1° à l'égard des enfans, que leurs droits se confondent dans ceux de la femme dont ils sont les ayans cause, et que la dotalité n'est point l'incapacité de la femme; 2o que les dangers de ruine de la femme sont exagérés ; que les emprunts ne sont pas si faciles lorsque les créanciers sont obligés d'attendre, pour être remboursés, deux décès, celui du mari et celui du de cujus, avant le décès de leur débitrice; qu'en tout cas, si les engagemens sont lésifs, usuraires, on pourra les faire réduire, et la présomption sera presque toujours en faveur de la femme.

serait, sous tous les rapports, irrévocablement acquis. C'est que sente pas, entre les mains des époux, la même fixité que celui qu port en mariage d'un bien provenant d'institution contractuell réalise pas les avantages certains et immédiats d'une donation; ble aux époux pendant la durée du mariage, puisque le donateur on ne peut nier, néanmoins, que ce ne soit là un apport réel, pr dessaisi, en leur faveur, de son droit absolu de propriété, et qu'ils viendrait à disposer lui-même, à titre onéreux, des biens compris vent librement disposer des biens donnés, sauf le cas où le don l'institution contractuelle.

tion en dot des biens à venir, ne peut se soutenir qu'autant qu'on L'objection tirée des termes de l'art. 1542, qui permet la cons lerait cet article de ceux qui l'accompagnaient. Nous répéterons, a leur constitution, que ceux qui sont arrivés à la femme pendant égard, qu'il n'y a de bien dotal parmi les biens futurs à l'époqu stance du mariage (c. civ., 1540). Enfin, la cour de Caen a invo des considérations tirées de l'esprit et du but du régime dotal. N mède aux inconvéniens dont parle la cour, serait d'avoir frappe ne dissimulons pas l'importance de ces considérations; mais le seu femme dotale de l'incapacité de contracter, portée dans le sénatussulte Velléien: cela, on le comprend, ne pouvait être l'œuvre gislateur, et il en a autrement ordonné (1). du

que

le méme système, en 1835, devant la cour royale de Caen : « Commer
(1) Voici dans quels termes M. le professeur de Molombe développ
venir sont dotaux ! Mais, en vérité, cela est impossible: concevez-vo
on prétend que, dès le moment de la célébration du mariage, les bien
nière, ne faut-il pas être? Et les biens à venir, que sont-ils donc pour
un attribut, une qualité au néant ?... Avant d'être d'une certaine n
femme, pendant le mariage, que les biens dont un tiers est propriétair
femme si ce n'est le néant ? Est-ce quelque chose, par exemple, pour
solution du mariage?
et dont la femme, à son tour, ne deviendra propriétaire qu'après la di

qui est dotale, et on ajoute: Cette expectative n'est elle pas un bien
<< Mais, dites-vous, ce n'est pas le bien, c'est l'expectative de ce bi
1542) permet de les constituer en dot; la loi ne s'occupe pas du néan
Sans doute les biens à venir sont quelque chose, puisque la loi (ar
Ainsi voilà où conduit le système que je combats; il conduit à dire que l'ex
acquisition quelconque même les plus imprévus, dans l'avenir, quelqu
éloigné qu'il soit, que cette expectative est dés à présent un bien, un bie
pectative d'une succession à recueillir, d'une donation, d'un legs, d'un
actuellement dotal; mais vraiment non, une telle expectative n'est pa
trimoine, elle n'est rien en droit.
un bien, elle n'est ni meuble ni immeuble, elle n'est pas dans notre pa

même que d'exister? La loi ne fait qu'une chose; elle permet aux époux de
« La loi, dit-on, ne s'occupe pas du néant et elle permet de consti-
tuer les biens à venir. Oui, mais la loi dit-elle qu'ils seront dotaux avant
prévoir l'avenir, de prévoir que de nouveaux biens pourront advenir à
la femme, et de stipuler d'avance, non pas que ces biens seront actuel-
lement dotaux, mais qu'ils le deviendront à mesure de leur acquisi-
tion... La loi ne dit pas, elle ne pouvait pas dire que les biens à venir
néant, et le bien sur lequel la femme n'a eu aucun droit ni actuel ni
sont de suite dotaux, car il est impossible d'imprimer une qualité au
fois et sans aucune rétroactivité, après sa dissolution, ce bien-là, je le
conditionnel, pendant le mariage, le bien qui lui échoit, pour la première
répète, était pour elle dans le néant pendant le mariage, il n'était ni
dotal ni paraphernal, il n'était rien!! Formulons donc et en toutes lettres
La future apporte en dot tous les biens qui lui adviendront, non seu-
cette clause qu'on veut voir écrite dans tous les contrats de mariage :
lement pendant le mariage, mais encore ceux qui lui adviendront
après sa dissolution. Un tel article ne serait-il pas choquant ? Eh!
n'existera plus? Est-ce qu'il pourra jamais être en rapport avec ces biens
qu'importent au mari des biens qui adviendront à sa femme lorsqu'il
qui ne commenceront à exister qu'après son décès ? est-ce qu'ils peuvent
être, entre sa femme et lui, l'objet d'une stipulation matrimoniale?
n'est-ce pas une dérision que de promettre en dot au futur des biens qui
lorsqu'il n'existera plus! Eh bien, cette clause, qu'aucun notaire, sans
ne commenceront à appartenir à la femme, pour la première fois, que
doute, ne voudrait écrire dans un contrat de mariage, cette clause n'est
pourtant que l'expression la plus vraie de toute la théorie que je combats.
« La dot, dans son origine, n'était pas inaliénable; ce n'est que plus.
tard, dans l'histoire de

PREMIERE PARTIE.

Pour le défendeur, M Nachet, adoptant la doctrine exposée dans une consultation de MM. Delisle, Simon, Thomines Desmasures, et d'âutres avocats distingués du barreau de Caen, produite en appel, a ré pondu: Si les príncipes exposés à l'appui du pourvoi venaient à prévaloir, ce serait le cas de répéter ici ce considérant de l'arrêt de la cour de Caen du 26 juin 1835 (Dalloz, 40. 2. 231), qui, tout en consacrant une solution contraire à celle qu'elle a suivie dans l'arrêt que nous soutenons aujourd'hui, ajoutait : « Il résulte, il est vrai, de cette décision, l'inconvénient qu'une femme mariée sous le régime dotal, dont les biens consisteraient en expectative de successions, pour rait se trouver ruinée par l'effet des engagemens qu'elle aurait contractés sous l'ascendant d'un mari dissipateur, dans le cas où ces successions ne viendraient à s'ouvrir qu'après la mort de ce dernier; cet inconvénient est réel et grave; il est digne d'exciter la sollicitude du législateur et mérite de lui être signalé........ »

Oui, sans doute, cet inconvénient est réel et graye; car il va directement contre le but que s'est proposé lé législateur en établissant le régime dotal: Ne sexus muliebris fragilitas in perniciem substantiæ earum convertatur, pr. inf. Instit. quib, alien. lic. vel non, Ne mulier fragilitate naturæ suæ in repentinam deducatur inopiam, L. unic. § 15, Circ. med., Codice, de rei uxor acti. Mulier mariti seductionibus facilè decepitur, Novel 64, § 2. Infirmilatem muliebris naturæ satis novimus, et quia facilè circumventiones fiunt adversus eas, Novel 97, cap. 3. inf. « Cette disposition du droit romain, disait M. Berlier, née du désir de protéger la femme contre sa propre faiblesse et contre l'influence de son mari, est l'un des points fondamentaux du système. L'inaliénabilité de la dot, disait M. Siméon, modifiée par les causes qui la rendent juste et nécessaire et que la loi exprime, a l'avantage qu'un mari dissipateur ne consume pas le patrimoine maternel de ses enfans, empêche qu'une femme faible ne donne à des emprunts et à des ventes un consentement, que l'autorité maritale obtient presque toujours, même des femmes qui ont un caractère et un courage au-dessus du commun. - L'inaliénabilité de la dot a tous les avantages des substitutions, sans aucun des inconvéniens qui les ont fait proscrire. Elle conserve les biens dans les familles, sans en empêcher trop longtemps la disposition et le commerce; sans gêner l'administration du mari, elle oppose une barrière salutaire à ses abus.-La dot embrasse, au gré des parties, tous les biens présens et à venir de l'épouse, ou les biens présens seulement, ou telle espèce de biens. »

Tel est l'objet important du régime dotal; c'est pour cela qu'il a été autorisé; on ne pourrait admettre la doctrine de l'arrêt sur les expectatives héréditaires, sans s'écarter de cet objet dans un très-grand nombre d'hypothèses, et l'arrêt en contient l'aveu formel.

Qu'oppose-t-on à ce grave inconvénient ? « Sous l'ancienne jurisprudence, les mots dot et mariage ont toujours été corrélatifs, là où il n'y avait pas de mariage il ne pouvait y avoir de dot; dos sine matriment devenue, d'abord par la loi Julia, qui ne défendait que l'hypothèque, et ensuite par la constitution de Justinien, qui défendait l'aliénation. Eh bien ! je le demande, avant que la dot fût inaliénable, aurait-on jamais pensé à dire qu'un bien échu à la femme depuis la dissolution du mariage était dotal ? Mais, qu'on y prenne garde, l'inaliénabilité n'a été introduite que comme un privilége et un attribut de la dot; jamais, d'ailleurs, on n'a changé le caractère primitif et essentiel de la dot, qui n'a pas cessé d'être le bien apporté par la femme pour soutenir les charges du mariage... Donc avant d'être et pour être inaliénable, il faut toujours qu'il soit dotal, c'est-à-dire qu'il ait été apporté dans le mariage. Les biens qui n'écherront à la femme qu'après le mariage dissous ne sont donc, sous aucune espèce de rapports, entrés dans le mariage..... Il est évident dès lorsqu'ils n'en ont pas supporté les charges.

« On dit, néanmoins, que les biens à venir supportaient les charges du mariage dans une certaine mesure... Il est vrai qu'on peut vivre avec un peu plus d'aisance et de luxe, faire plus ou moins de dépenses ou d'économies sur sa fortune actuelle, suivant les espérances plus ou moins brillantes de l'avenir.... mais, apparemment, ce ne sont pas les espérances qui font vivre et qui supportent actuellement les charges du mariage. Quand la loi déclare que le bien dotal est celui qui est affecté mariage, elle parle d'une affectation sérieuse, réelle et meribus matrimonii serviat, dos nulla est. >>

aux

monio esse non potest (L. 3.D. de jur. dot. » Pothier, in s Justin., hoc. tit., transcrit cette loi et la rapproche d'autre transcrit également aux n. 52 et 53. Tout ce qui en résulte les avantages de la dotalité ne peuvent exister au bénéfice d'u relativement aux biens qu'elle met, quant à la jouissance société, si cette société est autre, que celle résultant du mari a rien de contraire à cette doctrine dans la prétention que vons, que les expectatives héréditaires de la femme sont pro la dotalité contre les obligations qu'elle a prises pendant la mariage, encore bien que lesdites expectatives ne se réa P'époque où la femme est devenue veuve; car dans ce cas toujours eu mariage, et les obligations dont il s'agira de les effets, ayant été contractées pendant la durée du maria considérées comme ayant été extorquées à la faiblesse de par l'ascendant du mari.

On objecte encore que la femme, quoique mariée sous le tal, a la capacité de prendre des engagemens. Cela est vr côté de cette capacité, est l'interdiction d'y affecter les bien dans la constitution dotale. Or, on reconnaît que si cette c comprend les biens présens et à venir, elle frappe les ex héréditaires, au moins si elles se réalisent pendant le maria quoi donc en serait-il autrement des expectatives, qui ne s qu'après le mariage? Serait-ce par le motif que, dans ce il n'existerait aucuns biens, sur lesquels, même éventuelle bligation prise par la femme, quoique valable, pût être mis tion, en cas de constitution de tous les biens présens et à ven serait dérisoire?

Nous répondrons à cette objection, que du principe écrit 1543 C. civ., que la dot ne peut être, par le fait des épo mentée pendant le mariage, et de l'art. 7 c. comm., qui p femme de se rendre marchande publique, on a constamm que les produits des économies faites sur les revenus et ce dustrie, étaient essentiellement des biens paraphernaux de li sition, soit que ces produits eussent eu lieu avant toute sép corps ou de biens, ou avant la dissolution du mariage, soit qu' eu lieu depuis. Ainsi, il n'est pas vrai de dire que, même tant notre doctrine, les obligations contractées par la femme durée du mariage soient dépourvues d'un gage éventuel, elles deviendraient dérisoires.

Le texte de l'art. 1542 autorise la constitution de tous les sens et à venir. Il n'est sous ce rapport que la confirmati ciens principes (V. Jullien dans ses Élémens de Jurispr., liv n. 5; et Roussilhe, de la Dot, chap. 6, n. 156, et Despeiss

p. 490). Cette constitution générale était de droit en Norm objecte enfin, qu'aux termes de l'art. 1540 c. civ., la dot e à supporter les charges du mariage, et on en induit que tatives héréditaires, qui ne s'ouvrent qu'après le mariage, être dotales. On commet ici une erreur manifeste : 1° Des ves héréditaires seront, dans un grand nombre de cas, un que la justice autorise des emprunts destinés aux alimens de pour que ces emprunts puissent être facilement réalisés, et ter l'établissement par mariage ou autrement des enfans iss riage. 2° Après la dissolution du mariage, les charges qui la conséquence ne sont pas anéanties, car il faut encore sul femme survivante et aux enfans nés du mariage.

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M. l'avocat-général Laplagne-Barris a dit en substance: I rédaction du code civil, le législateur s'est trouvé en présen systèmes, celui de l'incapacité de la femme, suivi dans les pa écrit, celui de la capacité de la femme, pratiqué dans la pays coutumiers. Il a donné la préférence à ce dernier syster étant plus favorable à l'intérêt général; et, malgré la crainte d n'envisageaient qu'avec effroi les conséquences possibles de maritale sur l'avenir des femmes, il a abrogé le sénatus-con léien. L'événement a prouvé qu'en général au moins, la capac tracter accordée à la femme n'avait pas tourné à sa ruine.— le régime dotal a été constitué dans notre loi nouvelle. - M l'inaliénabilité qui a été l'unique point de vue sous lequel o été établi ? Non, sans doute; et ce qui le prouve, c'est que l'

y a été admise.-Une dot arriver après la dissolution du mar idée a été repoussée par la même cour (arrêt de 1835, cité

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