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nationale d'envoyer des Français pour assassiner, qui? des peuples, je ne vois pas qu'elle soit assez inquiétante pour que nous nous en occupions...

Quant à l'objection de M. du Châtelet, elle est réelle. Sur six membres dont est composé le comité diplomatique, cinq sont de l'avis que je vous ai présenté; M. du Châtelet seul n'en est pas.

Enfin pouvez-vous, sans mettre Avignon sous l'oppression, y envoyer des forces militaires qui agissent sans le concert des magistrats quelconques du peuple?

L'assemblée adopta le projet de décret du comité diplomatique, avec une addition proposée par M. ClermontLodève, tendante à mettre en liberté les prisonniers avignonais détenus dans les prisons d'Orange.

Séance du 21 novembre.

M. Merlin venait de présenter un projet de loi sur les inégalités de partage dans les successions ab intestat. Mirabeau :

Le projet qui vient de vous être présenté tend à faire disparaître les inégalités résultantes de la loi; mais ne faut-il pas faire marcher d'un pas égal les inégalités résultantes de la volonté? je veux dire les inégalités que les substitutions ont rivées dans la société : c'est le seul moyen de porter la hache au pied de l'arbre, dont on élague quelques branches parasites en y laissant toujours les racines voraces. Je demande donc que le comité nous présente un travail sur les substitutions; et comme je

me suis occupé de cette matière, je demanderai la parole dans cette discussion.

M. Foucault : » Et sans que cela puisse avoir un effet ré» troactif. » Mirabeau :

Nulle puissance humaine ni surhumaine ne peut légitimer un effet rétroactif. J'ai demandé la parole pour faire cette profession de foi. Je demande que ma proposition soit décrétée, sauf meilleure rédaction, parce que le mot constitutionnel circonscrit bien nettement, et d'une manière incontestable, notre compétence. (Cette proposition fut adoptée.)

Séance du 24 novembre.

Sur la question de savoir s'il fallait indemniser ceux qui avaient été pourvus d'offices sous la condition d'acquitter à leurs prédécesseurs le montant d'un brevet de retenue Mirabeau :

EN voyant un très-grand nombre de bons citoyens, dans les mêmes principes, se partager sur une question qui paraissait simple, j'ai imaginé qu'il y avait quelque difficulté cachée; je l'ai cherchée, et je crois l'avoir trouvée. Le premier principe présenté par le comité est tellement sacré, que je n'ai pas cru devoir parler sur un article qui le renfermait; maintenant que nous en sommes à l'article de ce qu'on appelle indemnité, je demande la permission d'expliquer ma pensée. La difficulté ne viendrait-elle pas de ce que dans la même question on a proposé de statuer sur des brevets de

retenue de différente nature, de ce qu'on a voulu appliquer les mêmes principes à des choses absolument distinctes? Et c'est là l'erreur. Il est des brevets de retenue qui ne sont autre chose que de véritables offices déguisés,

Personne ne peut nier que, lorsque depuis cent ans on ne pouvait avoir un office de secrétaire d'état sans donner 500 francs, personne ne peut nier, dis-je, que celui qui a payé les 500 mille liv. a eu la conviction très-intime qu'il recevrait ces 500 mille livres en perdant son office. Que cette tradition soit bonne ou mauvaise, ce n'est pas là ce qu'il nous importe de savoir : elle existait sous l'empire de ce qu'on appelait alors autorité légitime; elle était contractée sous la foi publique. Que celui qui a eu des brevets de retenue sans donner d'argent, ne soit pas indemnisé, cela me paraît très-juste: c'est une espèce de simonie politique; mais que l'homme qui a payé ne soit pas remboursé, c'est ce qu'il m'est impossible de ne pas regarder comme souverainement injuste. S'il ya une injustice dans l'amendement de M. d'André, c'est dans le mot indemniser; ce n'est pas une indemnité, c'est un remboursement légitime. On élève auprès de moi des doutes qui me font croire que mon élocution n'a pas été assez claire; on demande si celui dont le brevet de retenue est de deux cent mille livres, et qui en a déboursé cinq cents, doit en être remboursé? Je réponds que

non.

Voici la rédaction qui réunit tous les suffrages; elle est de M. d'Emmery.

» Néanmoins ceux qui auront été pourvus d'offices, sous » la double condition d'acquitter à leurs prédécesseurs le >> montant d'un brevet de retenue, et d'en être remboursés » à leur tour par leurs successeurs, recevront, par forme >> d'indemnité, l'exact montant de la somme comprise dans » leur brevet de retenue, et qui l'était déjà dans celui de ⚫ leur prédécesseur immédiat. »

Séance du soir, 25 novembre.

On entendit le rapport du comité d'agriculture et de commerce sur la franchise du port de Bayonne. Les conclusions de ce comité tendaient à ce qu'elle fût supprimée, comme étant plus désavantageuse qu'utile au commerce national, par les facilités que la situation de ce port donne pour les spéculations de la fraude. Mirabeau:

Je n'entends pas comment l'on peut supprimer la franchise d'un port avant d'avoir décidé, d'avoir abordé le principe général des franchises. Nous ne pouvons rien statuer sur cette suppression avant d'avoir pris un parti sur la culture et sur la liberté du commerce du tabac. On nous a dit que la franchise de Bayonne faisait de ce port un foyer de contrebande. Il me semble qu'il faut savoir, avant de donner de l'importance à cette objection, si la contrebande ne peut pas être arrêtée. Instruits par l'expérience comme nous le sommes que trop gouverner est le plus grand danger des gouvernemens, ne serait-il pas plus sage de donner nos momens à des objets plus pressés, et que, laissant à Bayonne

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les choses comme elles sont, nous renvoyassions cette question à une législature moins occupée? La question des franchises exige une grande discussion, de nombreux éclaircissemens. Les postes que vous avez sur la Nive et sur l'Adour ne peuvent être détruits à présent. Je demande donc l'ajournement à la prochaine législature. (L'assemblée ajourna indéterminément.)

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Quelques évêques députés avaient protesté, dans un libelle, contre divers actes de l'assemblée, et y excitaient le peuple à la révolte et à la désobéissance aux lois.

Mirabeau :

MESSIEURS, tandis que de toutes parts les ennemis de la liberté publique vous accusent d'avoir juré la perte de la religion, je me lève en ce moment pour vous conjurer, au nom de la patrie, de soutenir de toute la force dont la nation vous a revêtus cette religion menacée par ses propres ministres, et qui ne chancela jamais que sous les coups dont l'orgueil et le fanatisme des prêtres l'ont trop souvent outragée!

Quelle est, en effet, cette exposition qui vient, à la suite de protestations et de déclarations turbulentes, susciter de nouvelles interruptions à vos travaux et de nouvelles inquiétudes aux bons citoyens? Ne balançons pas à le dire, messieurs, c'est encore ici la ruse d'une hypocrisie qui cache, sous le masque de la piété et de la bonne foi, le

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