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que exigeait que les mines fussent exploitées. Le roi né cédait pas un terrain, il le désignait. Il donnait un droit dont les mineurs n'auraient pas eu besoin dans le système du premier occupant. Il était alors important de n'être point contrarié par les seigneurs de fief, qui, dans quelques provinces, prétendaient avoir aussi un droit sur les mines; et puisque les concessions pouvaient seules conserver ce genre d'industrie, il serait évidemment injuste de punir ceux qui, en s'y livrant avec bonne foi, avec courage, ont en même temps servi leur pays. Que leur a-t-on donné? un droit dont personne n'usait, un champ plus fertile en espérances qu'en succès, et souvent la faculté de se ruiner. Ces privilégiés, si l'on veut les appeler ainsi, ne nuisaient à personne. Que leur disait-on? Consacrez vos capitaux à telle entreprise; faites des recherches, courez-en tous les risques; semez de l'or dans l'intérieur de la terre, et proportionnez vos avances à la durée des récoltes que vous pouvez espérer : jusqu'alors on ne s'emparera pas du fruit de vos travaux. Ce privilége, si c'en est un, est d'une singulière espèce. Ces hommes ont été utiles, ils ont alimenté nos manufactures, agrandi notre commerce, conservé notre numéraire. Doit-on les dépouiller? Mais le pourrait-on sans injustice? Ils n'auraient point de concession, qu'ils auraient pour titre leurs travaux, leurs dépenses et leurs services. Et par qui les ferait-on remplacer? Serait-ce par d'autres concessionnaires? Mais quoi! nous regar

dons comme une injustice de l'ancien gouvernement d'avoir concédé des mines exploitées à des favoris, pour en dépouiller les propriétaires, et nous pourrions imiter une telle conduite! Seraientils remplacés par les propriétaires du sol! Et comment diviserait-on ces richesses que d'autres mains ont préparées ? Comment distribuerait-on ces immenses ateliers, qui ne peuvent être conservés que par l'exploitation la plus régulière? Ne voit-on pas qu'un seul mois d'interruption dans les travaux détruirait les machines, disperserait les ouvriers, et ferait perdre jusqu'à la trace des mines?

L'assemblée ajourna la suite de la discussion au dimanche, 27.

Séance du 22 mars.

Mirabeau demanda à faire une motion d'ordre:

Je vous prie de vous rappeler, messieurs, que le comité diplomatique n'a jamais cessé de vous inviter à ordonner toutes les mesures possibles pour que la France fût sur le pied le plus respectable de défense sur les frontières. Fondé sur ses propres observations, fondé sur celles du ministre responsable, il vous rassurait sur l'état des frontières du Midi, sur lesquelles on avait faussement dirigé les alarmes; et en vous déclarant qu'il n'y avait aucun fondement réel de crainte pour les frontières du Nord, il vous fit sentir néanmoins la nécessité de les mettre dans un état de défense imposant. Depuis six mois, le

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ministre des affaires étrangères ne cesse de demander qu'elles fussent portées à cet état de défense pour le printemps prochain. Je viens maintenant à ma motion d'ordre.

Je demande que l'assemblée nomme quatre commissaires pour demander au ministre de la guerre s'il est vrai que les départemens du Nord ne soient point garnis; s'il est vrai qu'il n'y ait que sept mille hommes dans le département du BasRhin, et deux mille hommes dans celui du HautRhin; pour lui demander pourquoi vos décrets ne sont pas exécutés, pourquoi il laisse les frontières dans un dénûment aussi scandaleux. — Je suis bien loin de croire que toutes les alarmes qu'on a répandues soient fondées; je ris et d'indignation et de pitié des efforts des pygmées et de leurs projets; mais il faut, dans tout état de choses, que les décrets soient exécutés ; je ne crois pas qu'ils le soient, et je demande qu'on le prouve.

Je demande que ces commissaires soient nommés sur-le-champ, et qu'ils apportent avant la fin de la séance une réponse expresse, positive du ministre.

Séances des 22, 23, 24 et 25 mars.

On s'était livré à une longue discussion sur un projet de loi relatif à la régence. Mirabeau:

Si je demande l'ajournement, ce n'est pas que je pense, comme M. Cazalès, que la question de la régence n'en présente une foule d'autres à éclair

cir. Il est vrai que n'ayant pu rêver à ce plan, puisque j'étais extrêmement malade (il s'élève des murmures), je n'ai pas un avis prononcé moimême. (Les murmures recommencent.) Puisque vous le voulez, je vous dirai que vous aussi vous n'en avez pas. J'ai pensé qu'un projet de loi de plusieurs pages, que vous n'avez pu comparer avec ses bases, pouvait paraître, à une assemblée aussi sage que la vôtre, susceptible de n'être pas décidé dans ce moment. Je ne m'oppose pas à ce que l'on aille aux voix, si je me trompe sur cette question, que vous avez pu connaître en un instant un projet de huit pages. (Nouveaux murmures.) Je m'oppose à ce qu'on m'empêche de faire une observation sur le premier article. Je suis en dissentiment avec M. Cazalès. Il a tort de croire que l'on peut déclarer que le régent ne peut en aucun sens être chargé de la garde du roi ; le régent, étant l'instrument de la royauté, a la surveillance universelle. Le projet du comité est plus conforme aux principes. La tournure qu'y voulait donner M. Cazalès me paraît moins raisonnable et mal exprimée. Quant aux divers articles du projet, il s'y trouve de grandes lacunes qu'il faudra remplir. Mais mes premiers aperçus ne m'ont paru jamais bien précieux pour moi-même; jugez de ce qu'ils sont pour les autres.

L'assemblée décida que la discussion serait ouverte dès le jour même. Barnave parla avec beaucoup d'éloquence

pour prouver que la régence devait être héréditaire. L'abbé Maury voulait qu'elle fût élective. Mirabeau:

Il me paraît que du choc des opinions il naît une question que, préliminairement à tout débat ultérieur, il faut éclaircir. M. Barnave veut que la régence soit héréditaire comme la royauté. M. Maury la demande élective. J'avoue que j'ai été surpris de voir transporter sans examen à l'hérédité de la régence les motifs qui ont déterminé l'hérédité de la monarchie. Pourquoi a-t-on rendu la monarchie héréditaire, malgré les incommensurables inconvéniens de l'hérédité? C'est que les inconvéniens des élections étaient plus grands encore peut-être, et plus funestes à la tranquillité publique et à la paix sociale. Mais si ces inconvéniens ne se retrouvent pas dans l'élection trèscirconscrite du régent, pourquoi chercher à les éviter en nous donnant ceux de l'hérédité? Pourquoi prendre un régent des mains du hasard? Cette grande question de savoir si la régence sera héréditaire ou élective, doit donc être préliminairement décidée. Je voudrais que la discussion fût réduite à ce point (on applaudit); je demanderais alors la parole pour examiner si la régence doit être élective, et s'il y a de bonnes raisons pour prendre un régent des mains du hasard.

Barnave répondit avec avantage à ce discours de Mirabeau. Mirabeau parla de nouveau :

Puisqu'on ne s'oppose pas à ce que les ques

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