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Quel pays que celui où tout se trouve à la disposition absolue de quelques hommes sans frein, sans honneur et sans lumières, et devant qui Dieu et le genre humain sont comptés pour rien! et quelle révolution que celle qui fait succéder tout à coup à ce désordre un spectacle où tout se place et s'ordonne selon l'ancien vou de la nature, et où l'on ne voit plus dissoner que la fureur impuissante de quelques âmes incapables de s'élever à la hauteur d'un sentiment public, et faites pour rester dans la bassesse de leurs passions personnelles !

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Français! vous êtes les conquérans de votre liberté; vous l'avez reproduite au sein de ce vaste empire par les grauds mouvemens de votre courage; soyez-en maintenant les conservateurs par votre modération et votre sagesse. Répandez autour de vous l'esprit de patience et de raison; versez les consolations de la fraternité dans le sein de ceux de vos concitoyens à qui la révolution a imposé de douloureux sacrifices, et n'oubliez jamais que si la régénération des empires ne peut s'exécuter que par l'explosion de la force du peuple, elle ne peut non plus se maintenir que dans le recueillement des vertus de la paix. Songez que le repos et le silence d'une nation victorieuse de tant d'efforts et de complots dirigés contre son bonheur et sa liberté, sont encore la plus redoutable des résistances à la tyrannie qui voudrait tenter de relever ses remparts, et que rien ne décon

certe plus efficacement les desseins des pervers que la tranquillité des grands coeurs. »

Seance du 18 janvier.

La résistance de la plupart des ecclésiastiques à la loi du 27 novembre 1791, donna lieu à un décret sur la destitution des fonctionnaires publics et sur leur remplacement. Cazalès examina à ce sujet la question tant de fois agitée, si l'assemblée avait touché au spirituel. L'abbé Maury, de sa place, fit entendre ces paroles: » Laissez rendre ce dé>> cret, nous en avons besoin, » Mirabeau:

Je n'ai pas demandé la parole pour lutter, soit de chaleur, soit de déclamation, soit d'éloquence, je parle dans tous les systèmes, pour lutter, dis-je, avec le préopinant (M. Cazalès); car quelque talent qu'il ait montré dans ses nombreux épisodes, ils sont inutiles, soit à la chose publique, soit à la tranquillité au nom de laquelle il a parlé. On n'a pas espéré sans doute qu'en montrant un seul aspect de la question, on vous ferait revenir sur un décret. Assurément ce n'est pas sous un seul aspect qu'il faut envisager la situation du royaume. Il serait aisé de prouver que l'affreux tableau qu'on a pris plaisir à tracer serait plutôt réalisé par une mesure rétrograde; car enfin M. Cazalès n'ignore pas que ses opinions ont aussi rarement la majorité dans la nation que dans l'assemblée. (De nombreux applaudissemens s'élèvent.)

M. Duval, dit d'Espremenil: » Assemblez vos vrais com» mettans par bailliages, vous en jugerez.» Mirabeau : J'ai entendu de la bouche d'un préopinant.....

M. Duval : » Je vais le répéter: Rassemblez vos vrais com» mettans par bailliages; et faites-les juger entre MM. Ca>> zalès et Mirabeau. » Mirabeau:

Je vous demande pardon de vous avoir induit en erreur; car je ne pensais pas à vous. (Les applaudissemens se renouvellent.) Vous avez tous. entendu une phrase que je vais répéter, non pour en tirer des inductions défavorables, des conséquences désobligeantes, mais pour en faire le préambule du petit nombre d'observations que je dois vous communiquer. Un membre a dit tout à l'heure » Laissez rendre ce décret, nous en avons besoin. » Ce mot est profond; peut-être aussi est-il indiscret; peut-être aussi l'indiscrétion est-elle dans le zèle qui des deux parts nous presse et préside à nos débats. Les uns nous présentent des pronostics très-sinistres, et peut-être prennentils leurs vœux pour leurs espérances..... (Une trèsgrande partie de l'assemblée applaudit à plusieurs reprises.)

M. Cazalès: » Mes vœux sont très-purs. » Mirabeau :

Je réponds à M. Cazalès qu'il n'y a rien dans ma phrase qui lui soit personnel, et que, s'il était question ici de caution individuelle et respective, je cautionnerais sa loyauté. J'ai dit que dans ceux qui tirent des pronostics sinistres, il y avait erreur à notre avis, imprudence ou maladresse au leur; car ils nous ont donné de trop bruyans, de trop fréquens avertissemens, pour qu'ils aient quelque chose à se reprocher dans les malheurs qui nous

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menacent. Eh bien ! qu'ils attendent leur sort aussi patiemment que nous attendons le nôtre. D'un autre côté, quand l'assemblée souffre qu'on lui propose des mesures toujours confirmatives à des premières, il semble qu'elle ne rend pas assez hommage à la fermeté, à la sagesse de la nation, et qu'elle oublie les témoignages de confiance qu'elle reçoit constamment de toutes les parties de l'empire. Qu'avons-nous besoin de prendre de nouvelles mesures pour l'exécution des décrets, quand le mode de leur exécution est décrété? L'assemblée doit penser que les électeurs seuls ont quelque chose à faire. Examinons le projet de décret : il contient des mesures neuves; adoptezles : des mesures renouvelées; rejetez-les, elles seraient peu décentes. Il nous offre trois mesures nouvelles que je crois nécessaires. La première transporte aux fonctionnaires ecclésiastiques du royaume le délai accordé à ceux qui sont absens: cette disposition est sage, elle est douce; car il est doux de traiter des fonctionnaires publics réfractaires à la loi comme s'ils étaient absens. La seconde mesure est relative à l'élection des évêques avant celle des curés: rien n'est plus naturel. La troisième a pour objet le mode d'institution canonique. Je demande qu'on mette aux voix ces trois articles; les autres n'ajouteraient rien à dés mesures dans lesquelles nous avons une pleine confiance. Toute hésitation serait impolitique et inconvenante..... Si personne ne s'oppose à ma pro

position, je demande qu'on finisse une séance qui, par des débats tumultueux, des déclamations éloquentes ou non éloquentes; aura fort peu avancé la chose publique.

Une très-grande partie de l'assemblée applaudit, et demanda à aller aux voix. L'assemblée décréta les trois articles dont Mirabeau venait de demander la mise aux voix. Séance du 28 janvier.

La sûreté de l'extérieur de l'état paraissait compromise. Les comités militaire, diplomatique et des recherches se réunirent pour combiner des moyens de défense. M. Lameth proposa un projet de décret. Mirabeau:

*

Le comité diplomatique, réuni aux comités militaire et des recherches, m'a chargé de fixer votre attention sur un objet important par ses rapports avec la tranquillité générale, sur ces bruits de guerre, ces alarmes publiques que la défiance accueille, et que le zèle même répand; sur les dangers, quels qu'ils soient, qu'il s'agit d'apprécier par leur réalité, non par les voeux impuissans des ennemis de la patrie; enfin sur les mesures qui sont compatibles tout à la fois avec notre dignité et avec notre intérêt, mesures dont la prévoyance seule nous fait un devoir, et qui peuvent concilier ce qu'on doit à la crédulité, à l'ignorance même, et à la prudence.

Pour un peuple immense, encore agité des mouvemens d'une grande révolution; pour de nouveaux citoyens, que le premier éveil du patriotisme unit aux mêmes pensées dans toutes les

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