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arrivera un nouvel ordre de chofes ; ils baiferont avec les mêmes tranfports celles du fanatifme, de la valeur, de la rebellion. Ils s'attacheront à tous les chars, pourvu qu'ils renversent tout ce qui offufque leurs regards. Hélas! font-ils bien fûrs de n'avoir pas un jour des mépris plus amers à dévorer? L'égalité les bleffe, peut-être le triomphe infultant les écrafera en leur reprochant leur nullité.

Le véritable citoyen ne voit que fa patrie; feş affections ne fe portent que fur elle; fa haine ne fe dirige que contre les auteurs des maux qu'elle endure. Il connoît trop les hommes pour ne pas leur pardonner leur imprévoyance, leur enthoufiafme inconfidéré, cet amour de la nouveauté fi naturel aux François. Dans une déroute générale, le brave eft lui-même entraîné par la foule & forcé de fuir avec elle: en vain il avoit juré de mourir au pofte de l'honneur, de faire toujours face à l'ennemi; il a fallu s'éloigner ou périr écrasé fous les pas d'une multitude effrayée qui renverse tout ce qui veut l'arrêter.

S'il m'étoit poffible de faire paffer dans tous les cœurs l'efprit de juftice qui m'anime, que de haines s'adouciroient & fe changeroient en pitié! Les hommes de tous les partis ont eu tant de torts

refpectifs, qu'ils fe doivent une indulgence réciproque. Qu'ils defcendent au fond de leurs ames, & ils avoueront qu'il n'a fouvent manqué aux foibles que le pouvoir pour fe montrer plus terribles que leurs ennemis. Ne foyons ni oppref feurs ni opprimés, que la loi feule nous domine; que la juftice feule nous juge, & que l'humanité nous abfolve. Si pour laver le fang qui a été verfé il faut en répandre encore autant, qui empêchera que les vengeances ne foient éternelles, & que la France ne devienne un jour un vafte fépulcre dont l'afpect fera frémir les derniers tyrans?

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Voilà les triftes penfées au milieu defquelles erre douloureusement ma pensée. Plus-je foupire après l'ordre & la paix, plus je vois la confufion & la difcorde s'approcher, Les vifages rayonnent d'une joie fi infenfée, ou s'altèrent d'une douleur fi fombre au récit le plus vague, à la nouvelle la plus incertaine, que j'ai honte de me réjouir avec les uns, que je rougis de m'attrifter avec les autres. Ce que je vois ou ce que j'entends eft fi loin de mes defirs, me donne de fi foibles espérances, que voudrois être dans une folitude inacceffible aux humains, pour n'être pas le témoin de leurs mifères & de leur délire,

Je me propofois, en compofant ce discours, de détourner mes concitoyens de la guerre civile; je voulois placer fous leurs yeux le tableau de toutes fes cruautés, mais ils font fi aveuglés par leurs paffions, fi entraînés par leurs diffenfions, qu'ils ne verroient pas ce que traceroient mes foibles crayons; ce ne font plus de vaines paroles qui les ramèneront à la raifon ou à des fentimens modérés ; ils font réfervés à ne plus recevoir la loi que de la force, à ne plus être dociles qu'à la leçon du malheur.

Tandis que les habitans des villes et des campagnes fe divifent en cohortes & marchent fous les étendards de divers chefs, nos légiflateurs, auxquels on contefte leur pouvoir, travaillent à élever l'édifice d'une nouvelle conftitution; le citadin paifible le confidère avec indifférence, & n'ofe y placer fon espoir; il le voit menacé, affailli de toutes parts; il craint, en le défendant, d'être écrafé fous la chûte d'un monument périffable. Cependant, quel que doive être fa deftinée, il entre dans le plan de mon ouvrage de le faire connoître; la poftérité le jugera. La république de Platon n'eft-elle pas encore lue, quoiqu'elle ne foit

que le rêve d'un philofophe qui n'avoit d'au tre miffion que celle du génie, & d'autre em pire que celui du talent.

NOTE.

Lorfqu'on fe rappellera les circonftances dans lesquelles ce volume a été imprimé, on fera moins étonné d'y trouver plufieurs fautes de ftyle & d'impreffion; il eft cependant une erreur de date effentielle à corriger. A la pagè 203, ligne 19, j'ai dit la guerre de 1777, il faut lire de 1778.

Je crains bien d'être tombé dans une erreur plus importante, en avançant que nos colonies n'étoient pas encore devenues la proie de l'en

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ACTE CONSTITUTIONNEL,

PRÉCÉDÉ

DE LA DÉCLARATION

DES DROITS DE L'HOMME

ET DU CITOYEN;

PRÉSENTÉ au Peuple François par la Convention nationale, le 24 Juin 1793, l'an deuxième de la république françoife.

DÉCLARATION

DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN.

LE peuple françois convaincu que l'oubli &

le mépris des droits naturels de l'homme font les feules caufes des malheurs du monde, a réfolu d'expofer dans une déclaration folemnelle ces droits facrés & inaliénables, afin que tous les citoyens, pouvant comparer fans ceffe les actes du

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