Page images
PDF
EPUB

oppreffeurs ou opprimés, toujours en oppofition ouverte ou cachée avec le gouvernement.

Hommes de toutes les contrées, fi vous aviez tous le fentiment & l'habitude de la justice, vous n'auriez befoin ni de tribunaux, ni d'armées, ni de corps législatifs, ni d'exécuteurs de la volonté générale; vous dépoferiez avec fidélité dans le tréfor public le tribut de vos revenus, de votre induftrie, pour fubvenir à l'entretien des routes, des établiffemens publics, à l'acquittement de la dette nationale; mais puifque les vices inféparables de l'humanité ne permettent pas même de s'arrêter fur une pareille chimère, ayez donc le courage de fupporter les charges attachées au gouvernement qui vous protège. Songez que fans lui votre récolte feroit la proie du brigand; que votre compagne lutteroit en vain contre la paffion effrénée du vagabond; qué l'oppreffeur, après avoir dévasté vos habitations, entraîneroit vos enfans dans la fervitude. 2. Plus cette puiffance protectrice qui fe compofe de trois principes, la juftice, la force & la furveillance, vous garantit de valeur, plus vous lui devez de tribut; ce tribut n'eft injufte que lorfqu'il excède les proportions de la propriété & de la protection.

S'il réfulte de cette vérité que l'impôt bien affis

eft une dette sacrée pour le citoyen, il faut auffi mettre en principe que la fageffe législative confifte à rendre le moins onéreux qu'il eft poffible les fecours du gouvernement; ainfi lorfque les tribunaux ont trop de ministres, & les administrateurs trop d'employés ; quelqu'équitables que foient les uns, quelque purs que foient les autres, cette furabondance est un vice du gouvernement, puifqu'elle accumule inutilement des frais qui retombent à la charge du propriétaire. Si la force armée eft trop nombreuse ou établie fur des bases trop difpendieuses, elle doit être reftreinte juf qu'au degré néceffaire à une jufte repreffion.

Il en eft de même de toutes les autorités, de tous les pouvoirs dont le salaire est à la charge de la fociété; ainfi on pourroit réduire tous les fyftêmes des économistes, des publiciftes à ce peu de mots: le meilleur des gouvernemens eft celui où la protection eft répartie avec le plus d'exactitude, de douceur & d'économie, & où les adminiftrés paient le moins cher leur liberté & la fûreté de leurs propriétés.

Hélas! eft-ce da ce moment que la voix paifible de la raison peut se faire entendre? Elle est étouffée par les cris de la guerre, par les fureurs de la fédition; toutes les paffions s'agitent, toutes les vengeances fe foulèvent, tous les excès nous

1

1

menacent. Quelle terrible crife pour un peuple
que
celle d'une révolution! Il défriche à grands
frais, il lutte contre tous les obftacles ; à peine a-
t-il ensemencé ses terres, que des invafions, des
débordemens lui font craindre de perdre en un inf-
tant le fruit de fes fueurs & de fes avances. Au lieu
des rofées fécondes, des pluies falutaires, c'eft le
fang des hommes qui baigne fes fillons: il entre-
voyoit la liberté, il se plaifoit à confidérer cette
douce image; tout-à-coup on ne lui montre que
des chaînes; on ne fait luire à fes yeux que le fer
étincelant; à cette vue fon cœur fe révolte, fon
courage s'enflamme; il abandonne fes espérances; il
brife les liens qui l'attachoient à la vie ; &, couvert
de fes il vole au-devant de la tyrannie qui
s'avance; puiffe-t-il la terraffer & ne la retrouver
jamais au sein de fa patrie après la victoire !

armes,

IXe DISCOURS.

De quelques effets de la Révolution.

APRÈS s'être arrêté sur les causes de la révo- · lution, il n'eft pas indigne de l'hiftoire de la confidérer dans fes effets. Un de ceux qui étonnent le plus, c'eft la mobilité des réputations qui fe font créées & détruites dans fon cours. A mefure que la nation s'eft avancée vers l'indépendance, les chefs qui la dirigeoient & fe croyoient fi forts de fa confiance, font devenus victimes de la rivalité, de l'envie & de l'ingratitude; ceux-ci languiffent dans un exil volontaire, ceux-là gémissent dans les fers, d'autres ont fuccombé fous la fureur populaire.

La cendre de cet orateur dépofé avec tant de pompe au Panthéon, eft aujourd'hui défendue par un mur contre l'indignation de fes premiers adorateurs ; fon nom n'est plus prononcé qu'avec mépris par les mêmes voix qui s'éteignoient à force de faire retentir fon éloge dans les places publiques.

Ces petits transfuges de la cour, qui fe croyoient

autant de Solons, qui prétendoient avoir fondé 12 liberté en France & s'arrachoient leurs plumes brillantes, pour être mieux fêtés des oiseaux jaloux de leur riche plumage, ont été forcés de prendre leur vol, & de s'enfuir à tire d'ailes dans une île voifine où ils font honteux de leur nudité & regrettent leur ancienne parure.

Ce général qui a vu tant de fois les portes de fon hôtel affaillies par la garde parifienne consternée de sa retraite, & qui s'humilioit devant lui pour qu'il daignât continuer de la commander, eft trop heureux, puifqu'il lui a été impoffible de regagner la terre de la liberté, d'être retenu dans les états d'un prince qui préfervera fa tête de la fureur de fes ennemis. Ce qui pourroit lui arriver de plus funefte, ce feroit d'être livré à ce même peuple autrefois fi docile à sa voix, & qui ne vouloit pas avoir d'autre chef que lui.

Cet apoftat de la république, dont le courage téméraire élevoit le foldat au-deffus du danger; qui conduifoit nos troupes de conquêtes en conquêtes, & enivroit la France de fes triomphes, n'eft-il pas aujourd'hui couvert de la malédiction de fes admirateurs? Il n'échappe aux glaives levés fur lui qu'en s'enfonçant dans l'ombre.

Et cet étranger, dont la France a fi long-temps payé l'inaction, qu'on s'eft hâté d'élever au grade

de

« PreviousContinue »