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mourir pour lui, nous citeront-ils un artisan qu'ils aient, au péril de leurs jours, arraché des mains d'une multitude féroce au moment où elle l'avoit

déjà faifi, & repouffé les foldats qui avoient inu

tilement tenté de le fouftraire à la mort ?

Mon objet n'est pas d'apprécier la Fayette; ce n'est pas à moi qu'il appartient de l'absoudre ou de le condamner; je ne l'ai jamais approché, je n'en fuis pas connu; je veux feulement prouver que le même homme a été loué ou blâmé non d'après fes actions, mais d'après les opinions des différens partis; que la plupart de fes détracteurs le condamnent pour des torts qui ne font pas les fiens, & comptent pour rien ses vertus.

Ceux que l'on nomme fi improprement des aristocrates ont eu, dans le cours de la révolution, un efprit fi faux & des vues fi courtes, qu'ils ont toujours pris leurs protecteurs pour leurs ennemis, & ont fouvent fait des vœux pour le triomphe de ceux qui devoient un jour les accabler. Ils ont d'abord déclaré la guerre à cette conftitution qui affuroit leur liberté, leurs propriétés, & toléroit même le mal qu'ils en difoient, pourvu qu'ils n'en contrariaffent pas la marche.

Ils ont verfé le ridicule & le mépris fur fes agens, quels qu'ils fuffent, Il a fuffi d'occuper une place,

de remplir une fonction conftitutionnelle, pour devenir l'objet de leur dérifion, de leurs farcaf mes; celui qu'ils avoient regardé comme un homme eftimable, qu'ils recherchoient, dont ils exaltoient les connoiffances & les talens, eft devenu tout-à coup au - deffous du plus mince magiftrat, par la feule raifon qu'il avoit accepté la dignité de maire; dignité qu'il ne dut qu'à une préfidence éphémère fous laquelle s'effectua, à l'étonnement de la cour, cette réunion des députés des communes, pourfuivis par une perfécution puérile, s'enchaînant par un ferment fo lemnel, & défiant de l'antre obfcur d'un jeu de paume, & l'orgueil des grands, & l'autorité. des miniftres de Louis XVI.

Quel fruit ont-ils recueilli des dégoûts qu'ils ont fait effuyer à ce citoyen? qu'un an avant le terme d'une nouvelle élection il a déferté fon pofte; qu'il a été remplacé par l'homme qui a le plus contribué à leurs perfécutions, & a enfeveli le chef de l'état fous les ruines de la conftitution.

N'ont-ils pas montré la même imprévoyance à l'égard de cette milice nationale à laquelle ils. dédaignèrent toujours de s'unir? Elle ne fut pourtant d'abord habillée, divifée en compagnies, en bataillons que pour contenir les brigands, pré-venir les meurtres, protéger les propriétés. Com

bien de nobles ne lui durent-ils pas leur falut ! Que n'ont-ils pas fait pour rendre méprisable cette uniforme protecteur? Auroit-on été admis dans leur fociété, fi l'on s'en fût revêtu? Ils ne vouloient en être approchés que dans leur danger. Celui qui avoit préfervé leurs têtes en expofant la fienne, étoit à peine reconnu d'eux. Il s'eft enfuivi, de cette fierté ftupide, que plufieurs braves citoyens n'ont pas ofé fortifier la garde nationale de leur courage, de leur expérience; ont évité les grades qu'on leur auroit offerts; ont abandonné la furveillance des propriétés à ceux qui avoient le moins d'intérêt à les conferver. On s'eft laffé de protéger, de défendre fes ennemis, & on a fini par tourner contr'eux les armes dont ils ne vouloient pas fe fervir pour le maintien de la loi.

Un des événemens qui a le plus contribué à nous faire effuyer la feconde révolution, c'eft cette guerre qui fut d'abord déclarée avec imprudence, qui a “été mal dirigée & conduite fur de mauvais plans: mais ils en ont depuis fait l'aveu, ceux qui l'ont follicitée avec tant d'ardeur; ils fe propofoient moins d'humilier les ennemis de l'état que de dégrader fon chef; ils vouloient le rendre responsable des mauvais fuccès de nos armées, des fautes des généraux qu'il auroit nom

més; triompher au moins du trône, fi on ne triomphoit pas des puiffances étrangères.

La cour, il eft vrai, amena par bien des fautescette feconde révolution, & y montra encore moins de prudence que dans la première. En expulfant ce miniftre de la guerre qui avoit la faveur populaire & celle de l'affemblée, tandis qu'on en confervoit un qui lui étoit fufpect, on rendit odieux tous les autres. Le prince qui les avoit élevés fut trop foible pour les foutenir, & il les laiffa tomber tous fous l'oppreffion. Un nouveau miniftère fut formé ; ce ne fut plus Louis XVI qui le choifit, ce fut le peuple qui lui prefcrivit de l'ad pter; il falloit alors fe réfoudre à fuivre la marche que ce confeil traçoit pour le rendre garant de toutes fes erreurs. On le congédia; c'étoit le dernier acte de l'imprudence: dès-lors le trône ne fut plus entouré que d'hommes incapables de le défendre, & fut affailli par le dépit & la vengeance.

Louis XVI avoit une garde inilitaire, mais il étoit imprudent de placer à fa tête un homme qui n'avoit pour lui que fon nom & fa bravoure; qui confervoit les idées de fon enfance, les habitudes d'un courtifan, & ne favoit pas même diffimuler fa penfée. On ne devoit pas permettre que les officiers, qui tiroient leurs grades de la

conftitution, affectaffent du mépris pour elle. Lorsqu'un décret caffa cette garde, il falloit que Louis XVI, au lieu de le fanctionner fur le champ avec humeur, se transportât à l'assemblée, y déclarât que fa garde lui avoit été donnée par la conftitution; que par cette raifon il en maintiendroit les individus dans leur emploi, jufqu'à ce qu'il lui fût démontré que quelques-uns d'entr'eux étoient rejettés par la loi. Cette démarche eût raffermi les bons citoyens & prévenu le découragement général.

Louis XVI fe voyant infulté jusques dans son jardin par des orateurs foldés pour l'abreuver d'outrages, ne devoit pas fermer fon palais, s'y enfevelir avec fa famille; il falloit requérir la municipalité & le département; leur enjoindre de faire refpecter le chef de la conftitution, & annoncer que s'ils n'avoient pas des moyens fuffifans pour arrêter la licence la plus fcandaleuse, il fe verroit contraint de s'éloigner de la capitale & du corps législatif, fans s'écarter néanmoins des limites tracées par la loi.

Parmi les caufes qui ont amené la deftruction de la royauté, il faut peut-être auffi compter les formes phyfiques du monarque; mon reproche à cet égard tombe moins fur lui que fur fes ineptes instituteurs; ils négligèrent trop de corriger

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