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une follicitude fi touchante, & fembloit ne de mander pour prix de fes vertus que de ne pas fur vivre à celui dont il avoit éclairé la jeunesse.

Tant d'efforts n'ont pu préserver l'accusé dù plus terrible jugement. Le jour où des hommes condamnés par leur emploi à le lui faire ent-1→ dre lui prononcèrent fon décret de mort, on eût dit à la fermeté de fa contenance, à la fimplicité de fes mouvemens, à la douceur de ses réponses; que ce n'étoient pas fes jours qui en fuffent menacés.

Lorfqu'après avoir verfé les derniers épanchemens de fon cœur dans le fein de fa famille, on vint lui annoncer que l'heure fatale étoit arrivée, ce fut lui qui parut donner l'ordre de marcher au fupplice.... Je n'ai pas le courage d'achever ce déplorable récit ; j'abandonne à des écrivains plus fermes que moi le foin de tranfmettre ces détails qui accroîtront un jour l'intérêt & la douleur de la postérité.

Je dois cependant à la vérité d'ajouter que Louis XVI eut trop de confiance dans sa cause ; qu'il n'infista point affez fur les moyens que lui offroit la loi; qu'avant de fe défendre, il devoit formellement récufer ceux qui s'étoient déclarés fes accufateurs & ses ennemis; écarter du nombre de fes juges ĉe parent, qui n'a pas eu honte de

tremper fes mains dans le fang de l'augufte chef de fa famille, & n'a montré du courage que dans la barbarie, en l'accablant trois fois de fon odieux fuffrage. Aujourd'hui captif & folitaire à fon tour, il croit voir la vengeance s'approcher; l'horreur fuit fes pas; un tribunal redoutable s'eft élevé devant lui dans les murs de Marseille. C'eft dans cette cité même d'où il a plus d'une fois appellé le crime qu'il expiera fes forfaits; il invoquera en vain la pitié: la haine, le mépris accompagneront fes pas, & fa fin ignominieufe fera la feule con folation de la vertu.

VIIe DISCOURS.

VII

DISCOURS.

Des principales caufes qui ont influé fur

la Révolution.

LA république est décrétée ; je n'ai plus de rè

gnes à parcourir: mais en traçant avec rapidité les événemens qui ont métamorphofé la monarchie en une démocratie, je n'ai pas pu indiquer les causes physiques & morales de cette révolution qui balance la nation, & la fait flotter d'incertitudes en incertitudes depuis 1789.

Il fembloit que la conftitution une fois achevée & acceptée, il n'y eût plus qu'à marcher fur la ligne de la loi. Malheureufement elle avoit été créée au milieu des orages, & il s'en falloit dé beaucoup que fon mouvement fût facile; qu'elle eût affez d'énergie dans fes refforts pour vaincre les réfiftances. J'en ai fait remarquer quelques défauts, en parlant de la conftitution des États-Unis de l'Amérique ; mais comme j'étois convaincu que c'étoit à fa rigoureuse exécution qu'étoient attachés la confervation des propriétés, la vie des citoyens, l'efpoir du bien public, le maintien des Tome V.

P

autorités conftituées, je me fuis plu à en faire valoir les grands principes, & j'ai gliffé fur fes imperfections.

N'étoit-il pas d'abord imprudent à ceux qui lui avoient donné l'exiftence de la laiffer à la merci des haines, des vengeances qui environnoient fon berceau ?

Nos premiers législateurs firent, après l'acceptation, la même faute que commettroit un équipage preffé de gagner la terre, qui fortiroit tout à la fois d'un vaiffeau avant de l'arrêter dans le port, & l'abandonneroit à la fureur des vents & au danger des écueils.

L'affemblée conftituante n'ignoroit pas qu'il exiftoit, lors de fa retraite, deux partis conjurés contre for ouvrage; celui de la cour & celui des républicains. Elle devoit s'attendre qu'il feroit attaqué, mais jamais défendu par ces deux implacables ennemis; que dans la guerre qu'ils fe préparoient à fe faire, ils uferoient de cette conftitution comme d'un fort dont chacun tire les armes, & qu'on rafe enfuite pour que fon adversaire ne puiffe y trouver un refuge.

evid

La conftitution exigeoit des facultés perfonnelles & diftinctes pour être admis à la première légiflature. En fuppofant, comme cela eft arrivé, que la majorité des membres élus n'eût pas ces facultés re

quifes, qui arroit exclu de l'affemblée nationale ces députés rejettés par la loi? Ce n'étoit pas le roi, puifqu'il ne pouvoit ni faire préfider aux élections, ni faire vérifier les pouvoirs. C'étoient encore moins les autorités inférieures, quoiqu'elles euffent toutes juré de maintenir la conftitution. Ainfi une première & principale infraction a été commife fans qu'aucun de ceux auxquels la furveillance de la loi étoit confiée fuffent en droit de la prévenir ou de l'arrêter.

Par la conftitution, le roi avoit le choix de fes miniftres. Il étoit le maître de s'entourer des hommes qu'il croiroit les plus capables de le diriger dans fa pénible fonction, & de préserver fon autorité d'être brisée contre les écueils qui l'environnoient. Mais en accordant à la légiflature le droit de les mettre, par fa feule volonté, en état d'arreftation, d'accufation, de les envoyer languer dans une prifon à trente lieues du monarque, en attendant qu'il plût à une cour fuprême de les abfoudre ou de les condamner, n'étoit-ce pas ravir arbitrairement au prince fes agens, & rendre fa confiance trop périlleuse?

En attribuant au corps législatif la puiffance de réintégrer dans leurs fonctions les municipalités, les diftricts, les départemens que le pouvoir exécutif auroit fufpendus, n'étoit-ce pas encourager

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