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Si j'avois offensé la loi jusqu'à douter de fa protection, j'aurois, comme tant d'écrivains, diffimulé mon opinion, donné toujours raison au Peuple, & toujours tort à ceux qui ont perdu fa faveur. J'aurois exagéré les fautes des rois & gardé le filence fur leurs vertus; j'aurois fouvent loué ce qui eft blâmable; j'aurois facrifié ma propre eftime & celle de mes concitoyens à des erreurs paffagères.

Il y a fans doute des époques où l'Hiftoire devient plus difficile àtracer, où il existe quelques dangers à être vrai; mais l'Hiftorien doit auffi avoir fon courage. Il marche entre le mépris & la perfécution: c'est à lui de choisir.

que

Trois éditions de cet Ouvrage, l'honneur

les Anglois lui ont fait en le traduisant dans leur langue & en l'annonçant avec éloge dans leurs feuilles; le jugement flatteur qu'en a porté le fénat de Zurich, en le confignant honorablement dans fes regiftres, en lui donnant une place dans fa bibliothèque publique, prouvent qu'il n'est pas indigne des regards d'un ami de la liberté, & que les conftitutions Angloise & Helvétique y font exposées avec le mérite de l'exactitude.

Un feul des Difcours renfermés dans ce

Volume a été prononcé au Lycée. Eh! de quel intérêt auroient paru les autres au moment où l'on projettoit de détruire tous les monumens de notre Hiftoire? Pouvois-je rappeller les principes du droit public, lorfqu'on ne reconnoiffoit plus ceux qui forment la garantie des Peuples & la morale des gouvernemens? Je me fuis ifolé au fein de ma patrie, & j'ai parlé du fond de ma retraite, comme fi je devois n'être entendu que des générations futures. C'est à l'aide de cette paifible illufion que j'ai sauvé ma pensée de mille images fombres qui l'auroient obfcurcie, & que je me fuis préfervé des terreurs qui auroient étouffé

ma voix.

On connoîtroit fans doute imparfaitement notre Histoire, fi on ne la lisoit que dans les deux Volumes que je lui ai confacrés; mais est-il bien nécessaire de furcharger fa mémoire de tout ce qui ne mérite plus d'y trouver place? Je n'ai confervé que ce que j'aurois voulu retenir. Je suis cependant bien loin de vouloir déprécier le travail de ceux qui m'ont précédé dans la même carrière. Je rends grâce à leurs foins; ils ont femé ma route de beaucoup de plantes fur lesquelles je me fuis arrêté, & dont j'ai pompéles fucs. Je n'ai pas diffimulé mes lar.

cins, je me fuis honoré des fources où puifois la fageffe & la vérité.

Plufieurs écrivains s'occupent dans ce moment de nous donner l'histoire de notre Révolution; ce ne feront pas les faits, les monumens qui leur manqueront. Mais se feront-ils bien placés? Leur vue n'aura-t-elle pas été obfcurcie par les préjugés, par leurs affections, par leurs intérêts? Ce n'eft pas toujours celui qui eft dans la mêlée qui rend le mieux compte d'une action. L'obfervateur tranquille, fans uniforme, fans armes, vers lequel le feu ne fe dirige pas, qui fuit fans crainte tous les mouvemens, ne perd pas de vue les différens chefs, prête une oreille attentive à leurs ordres, eft plus à même de remarquer les fautes & de juger des fuccès.

Que d'ouvrages prématurés font déjà tombés dans l'oubli! On a voulu nous donner la vie d'un homme qui n'étoit encore que dans l'enfance. Si je fuis jamais tenté d'écrire fon hiftoire, j'attendrai du moins, pour peindre fes actions, qu'il foit arrivé au terine où il pourra contempler fon image fans déchirer mes tableaux.

CONSTITUTION

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De la Conflitution des François fous la troifième Race jufqu'au Règne de SaintLouis.

JE vais parler des rois de la troisième race; &

dans ce moment elle femble s'éteindre sous mes regards. Je cherche un monarque françois, & je

Tome V.

A

n'apperçois plus que les débris de fon fceptre, que les ruines de fon trône; les ftatues de fes ancêtres font renverfées, celle de ce roi dont la mémoire étoit adorée n'a pas même pu trouver grace devant un peuple enivré du sentiment de la liberté & de l'égalité. Quelle époque pour écrire notre hiftoire & lier d'une main fûre les faits des fiècles écoulés à ceux de ce fiècle orageux qui nous laiffera de fi terribles fouvenirs !

Je détournerai, autant qu'il dépendra de moi, ma pensée de deffus les objets présens, & je m'enfoncerai dans le paffé comme le voyageur qui pénètre dans la profondeur d'une forêt pour fe garantir de la violence d'un tourbillon qui l'enveloppé au milieu de fa route.

Nous avons vu que Hugues-Capet avoit conquis le trône de France fans avoir pour lui le vœu de la nation; que Charles, duc de Lorraine, dernier rejetton de la famille de Charlemagne, avoit en fa faveur le droit facré de fa naiffance: ce prince fit quelques efforts pour triompher de l'ufurpateur. Il montra par fon courage qu'il n'étoit pas indigne de régner fur un peuple guerrier; après s'être emparé de la ville de Laon, il défit fon rival qui étoit accouru pour reprendre cette place importante. Si, profitant de fa victoire, Charles eût fur le champ convoqué la nation &

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