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présomptueuse, & releva le parti de ce prince dont on vouloit détruire les forces & diffiper les efpérances.

Deux hommes feuls fembloient fe difputer, au sein de la France, l'honneur de régner fur elle, Henri IV & Guife; celui-ci venoit de contrebalancer la gloire du vainqueur de Coutras par une victoire remportée fur les Allemands.

L'ambition craintive faifoit jouer tous les refforts pour s'élever au rang fuprême; elle employoit la haine, le mépris, le fanatifme pour renverfer Henri III de fon trône; mais elle craignoit d'en être écrafé, fi elle fe hâtoit trop de l'en précipiter. Le monarque enfeveli dans fa lâche nullité laiffoit flotter les rênes du gouvernement au gré de l'intrigue & de la faction. La ligue le tira de fon fommeil par des demandes fi audacieufes qu'il ouvrit tout-à-coup les yeux fur le danger qui le menaçoit. Il vit clairement que s'il ne fe preffoit d'anéantir la ligue qui vouloit élever Guise au-deffus de lui, il courroit le rifque de ne plus languir fur le trône; mais fon plan étoit fi mal conçu, fes moyens furent fi foibles, que le roi fe vit réduit à fuir devant fon fujet à la journée des barricades.

C'étoit un spectacle bien pitoyable que celui d'un peuple qui outrageoit un jour fon roi, & fe

faifoit

faifoit le lendemain précéder d'une proceffion de pénitens pour obtenir fon pardon. On ne fait qui méritoit le plus de mépris, ou de la nation qui ne favoit qu'être arrogante & vile, ou du prince qui traînoit fa dignité royale à travers la foibleffe & le menfonge.

Dans ce relâchement de tous les liens, dans cet oubli de tous les devoirs réciproques, peut-être la troisième dynastie de nos rois eût-elle éprouvé la révolution qui avoit changé les deux premières, fi ce Henri qui paroiffoit n'avoir que des vices ne se fût montré capable d'un grand crime. Il ofa commander & faire exécuter fous fes yeux l'affaffinat du duc de Guife & du cardinal de Lorraine. M. de Voltaire fait au fujet de ces meurtres dont un roi fe fouilla une réflexion bien fage. « Les loix, dit-il, font une chofe fi refpectable & » fi fainte, que fi Henri III en avoit feulement » confervé l'apparence; fi quand il eut dans fon

pouvoir le prince & le cardinal de Lorraine » il eût mis dans fà vengeance, comme il le pou» voit, quelques formalités de justice, sa gloire » & fa vie euffent été fauvées; mais l'affaffinat » d'un héros & d'un prêtre le rendirent exécra»ble aux yeux de tous les catholiques, fans le » rendre plus redoutable ».

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Ce que M. de Voltaire n'a pas ofé, ajouter,
Tome V

c'est que fi Henri III négligea de conferver l'apparence des loix, la nation laiffa échapper l'occafion de faire avec folemnité un grand acte de juftice. Pourquoi les états affemblés à Blois ne refaifirent-ils pas l'autorité avilie? Ne devoientils pas arracher des mains du prince le fceptre qu'il venoit d'enfan lanter par le crime, après l'avoir trop long-temps profané par les vices? Le foulèvement fubit des principales villes du royaume fembloit prefcrire cette noble démarche. Le parlement de la capitale donna aux représentans du peuple l'exemple du courage, en nommant deux commiffaires chargés d'inftruire au criminel le procès contre Henri de Valois, ci-devant roi de France & de Pologne.

Peuple lâche dans l'oppreffion, effréné dans la licence, jamais tu ne fauras garder une jufte mefure: tu pafferas toujours envers ceux qui te gouvernent de l'adulation la plus insensée à l'audace la plus brutale. Pourquoi des princes s'occuperoient-ils de ta profpérité? tu ne fais ni punir les mauvais, ni conferver les bons.

Que réfulta-t-il de ce délaiffement de l'autorité légitime? que l'anarchie prit fa place; qu'un Buffi, procureur, entraîna à la Baftille les magiftrats qui ne fentirent devant ce factieux que leur foibleffe; qué ce roi qu'une juftice éclairée au

roit dépofé & renvoyé à la Pologne qui l'avoit élu périt de la main d'un moine, & que nos annales furent fouillées d'un obfcur régicide.

Tandis que la nation françoife s'agitoit ainfi dans les horreurs de la fédition & de la guerre civile, une nouvelle république se formoit au sein de l'Europe, & fe délivroit pour jamais du joug de l'Espagne. La reine d'Angleterre terniffoit l'éclat de fon règne par un acte plus révoltant encore que celui qui avoit foulevé tous les efprits contre Henri III; celle dont le cœur fe partageoit entre l'amour & l'orgueil de la domination fut fans pitié pour les malheurs d'une reine captive; elle rendit fon autorité odieufe en faifant tomber fur l'échafaud une tête couronnée; on plaignit la victime, & on eut horreur de la force qui immoloit la foibleffe à fa vengeance.

QU'IL eft doux après avoir parcouru les règnes écoulés depuis Louis XII d'arriver à celui d'Henri IV! S'il ne raccommode pas avec la nation, il réconcilie avec la monarchie. Que d'obstacles ce prince eut à vaincre pour monter fur le trône! Il fallut triompher de cette ligue devenue de jour en jour plus puiffante, de l'intrigue de Philippe II, de l'influence de la cour de Rome, du préjugé des provinces catholiques, des parlemens, de la for

bonne, &, ce qui étoit plus difficile encore, du 'dénuement d'argent, de munitions & de l'indifcipline des foldats, qui veulent au moins être nourris par le chef auquel ils donnent leur fang. Henri IV avoit pour lui fon droit, fon courage & l'amour de ceux qui lui étoient reftés fidèles. Cinq mille hommes, animés par fon exemple, battent à la journée d'Arques une armée quatre fois plus nombreuse commandée par le duc de Mayenne. Bientôt après il remporte dans la plaine d'Ivry une victoire plus funefte aux Espagnols qu'aux François, dont il recommande qu'on épargne le fang. Ses ennemis fuient devant lui; mais le fceptre qu'il veut faifir échappe à fes mains victorieuses. Le roi d'Espagne a réfolu de le donner à celui qu'il a défigné pour fon gendre; Mayenne cherche à s'en emparer déjà il en a toute la puiffance. Les états réunis à Paris, fi l'on peut donner ce nom à une affemblée qui ne repréfentoit que la ligue & n'eut pas d'autre titre, achèvent de flétrir la fouveraineté nationale en fe laiffant dominer par le parlement, au point que c'eft à ce corps que Mayenne a recours pour arrêter les projets de Philippe II. En travaillant contre fon rival, le chef de la ligue fecondoit, fans le vouloir, le parti de fon vainqueur.

«En effet, dit l'abbé de Mably, fans la divi

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