Carpentier, ayant été remplacé par le détachement de la colonne du Nord, se mit en marche pour exécuter l'ordre qu'il avait reçu. Dès le 30 décembre on avait tenté une attaque par mer sur Noirmoutier. Le lieutenant de vaisseau Pillot en donna avis le 1er. janvier au général Turreau. « Je te préviens, lui marquait-il, que l'attaque du bois de la Chèze, s'est faite le 30 par la frégate la Nymphe, la corvelte le Fabius et la canonnière l'Ile-Dieu; que la frégate la Nymphe, après une canonnade de trois heures de temps, s'est perdue par la faute du pilote; qu'elle a eu deux hommes tués et deux blessés; que les brigands ont continuellement tiré à boulets rouges; que le Fabius a reçu un boulet dans son mât d'artimon, et que le feu a fini à cinq heures du soir. » Je te préviens aussi que le cutter le Portland est entré au Croisic, ayant perdu ses câbles sous le bois de la Chèze à Noirmoutier, et qu'il compte repartir demain 2 janvier, pour la baie de Bourgneuf, aussitôt qu'il aura un câble. Tout était disposé pour l'attaque avec les troupes de terre, lorsque le général en chef arriva à Beauvoir. Le chef de brigade Jordy, chargé par le général Haxo de diriger cette attaque, avait fait ses dispositions en conséquence; mais il fut obligé de la différer jsuqu'au 2 janvier. er « Le 1o. janvier, dit Jordy dans un rapport adressé posté rieurement au ministre, nous étions à la barre du Mont et au village de Lépoix. Le vent ayant été contraire dans la nuit, il ne nous fut pas possible de faire avancer les embarcations. Plein de confiance dans la bravoure de mes frères d'armes, je donnai l'ordre d'appareiller dans la nuit du 2 au 3, au coup de minuit, et de faire voile un peu au-dessus de la pointe de la Fosse, afin de nous couvrir de la batterie qui était au-dessus de la pointe même. J'avais aussi ordonné une fausse attaque au port même de Noirmoutier, et une seconde près du village de Lépine. » A cinq heures du matin, tout est en présence : l'ennemi fait feu de toutes parts, nous y répondons vivement; mais ayant remarqué l'avantage qu'avait l'ennemi qui tirait à couvert, derrière la chaussée de la mer qui lui servait de retranchement, et protégé par ses batteries, voyant en outre que le feu s'étendait sur tout le front de la ligne que nous occupions; qu'il était très-important de débarquer avant le jour, et à la marée basse, j'envoyai l'ordre aux troupes embarquées sur les bâtimens à ma droite et à ma gauche, de cesser leur feu et de se retirer dans les entreponts; je fis en même temps doubler le feu de mon bâtiment qui occupait le centre, persuadé que l'ennemi croirait que j'avais porté toutes mes forces sur ce point, et dégarnirait ses flancs pour y porter aussi les siennes, ce qui arriva comme je l'avais espéré. M'en étant aperçu, j'envoie sur-le-champ l'ordre à toutes les troupes des flancs de débarquer sans bruit, au signal que j'en donnerais par une fusée lancée en l'air, et qu'aussitôt qu'elles auraient passé l'eau (haute alors de trois à quatre pieds, les bâtimens étant arrivés à toute voile et la mer étant déjà beaucoup retirée), sitôt, dis-je, qu'elles auraient passé l'eau, d'avancer sur le centre par la droite et par la gauche, sans tirer un seul coup de fusil, afin de ne pas s'entre-blesser; mais de se reconnaître en s'approchant, par le mot de république, et renverser à coups de baïonnette ceux qui ne répondraient pas par ce mot. » Vers sept heures du matin, nous étions tous débarqués au nombre de quinze cents. Je rangeai ma troupe en bataille, je revins sur la pointe de la Fosse, et alors prenant toute la largeur de l'île qui est assez étroite en cette partie, nous marchâmes à la républicaine, c'est-à-dire, au pas de charge, et sans tirer un coup de fusil. Nous prîmes ainsi le village de Lépine, sans grande résistance, ne faisant usage que de la baïonnette. » Je venais d'avoir la cuisse cassée d'un coup de biścaïen, mais étant seul chef, je fus porté dans cette marche par mes camarades qui s'offrirent volontairement. » Nous nous portâmes ensuite sur Barbâtre. Nous trouvâmes l'ennemi en bataille en avant de ce village, avec une batterie de quatre pièces de trente-six à son centre. Voyant toujours la même ardeur dans ma troupe, je sentis qu'il ne fallait pas balancer un instant, afin que l'ennemi n'eût pas le temps de se reconnaître. J'ordonnai donc de croiser la baïonnette et de marcher au grand pas de charge. Je dois le dire, un cri unanime de vive la république fut le signal de cette nouvelle victoire. Toute la colonne que j'avais le bonheur de commander double d'audace, la charge est battue, l'ennemi est culbuté en un clin d'œil, enfin Barbâtre est au pouvoir de la république. » Il me restait alors très-peu de force; des sueurs froides m'annoncent une défaillance causée, sans doute, par les douleurs et le sang perdu par ma blessure; je cherche des yeux une position pour nous mettre en bataille et attendre le corps de réserve commandé par le général Haxo qui devait arriver par le Goy que nous avions laissé derrière nous, et qui l'avait même déjà passé, afin de lui remettre mon commandement, ne pouvant plus continuer. Je m'occupe à faire rentrer tout le monde dans ses rangs et en bataille dans une position un peu élevée en avant de Barbâtre. Dans ce moment un coup de feu vient m'enfoncer le pariétal, et me renverse de dessus le brancard qui avait servi à me porter depuis le débarquement. » Enfin, vers midi, arriva le général Haxo, avec la réserve forte de sept cents hommes. Les Vendéens, qui restaient encore, voyant arriver un pareil renfort, se rendirent à discrétion. » La république eut à regretter la perte de cent trente braves tués et deux cents blessés; j'y fus trépané. » A cette époque, la république m'honora du grade de général de brigade. » Cette victoire fut annoncée le même jour à la Convention nationale par les représentans Bourbotte, Prieur de la Marne et Turreau, dont la dépêche fut lue dans la séance du 9 janvier. On y retrouve l'exagération ordinaire dans ces sortes de correspondances destinées à la tribune. Si l'on en croit les auteurs de cette dépêche, cette expédition ne coûta à la république que deux hommes tués et environ dix à douze blessés, parmi lesquels se trouvait le brave Jordy, etc. ་ On lit dans le post-scriptum : Turreau, général en chef de l'armée de l'ouest, nous a accompagnés dans toute cette expédition. Il s'embarque à l'instant pour se rendre à Nantes, et de là diriger le mouvement des troupes dans la Vendée. Son quartier-général sera établi à Chollet. Turreau écrivit de son côté au ministre : « L'île de Noirmoutier vient d'être rendue à la république. Arrivé le 1er. à Beauvoir, et de suite à la barre du Mont, pour connaître les dispositions des généraux de brigade Haxo et Dutruy, je les trouvai faites de manière à garantir le succès de l'expédition. Elle a eu lieu ce matin. A peine les bâtimens de transport approchaient de terre, que nos braves républicains, impatiens de joindre l'ennemi, se sont jetés à la mer, et, commandés par l'intrépide Jordy, adjudant-général, ils ont en même temps attaqué et emporté la première redoute que les brigands avaient établie à la pointe de la Fosse. Maîtres de cette redoute, nous avons pris les autres à revers, et elles ont été enlevées sans résistance. La ville n'en a pas fait davantage et cette conquête importante ne nous a pas coûté dix hommes, dont la plupart ne sont que blessés, parmi lesquels se trouve Jordy qui, dans cette occasion, a donné des preuves de la plus brillante valeur. Quatre cents morts, mille prisonniers, du nombre desquels se trouve le généralissime d'Elbée, blessé depuis longtemps, dix-neuf pièces de canon de tout calibre, et onze pierriers sont les fruits de la victoire. » La gloire en est particulièrement due aux généraux de brigade Haxo et Dutruy; quand on me donnera de pareils coopérateurs, je réponds de faire de bonne besogne. » Je le répète, citoyen ministre, la guerre de la Vendée n'est pas totalement terminée; mais elle ne doit plus donner d'inquiétude. Cette dépêche fut transmise le 9 au comité de salut public avec cette note en marge : » Si la guerre de la Vendée n'est pas totalement terminée, elle ne doit plus donner d'inquiétude, mais il faut qu'elle finisse. » Turreau ne s'arrêta point à Noirmoutier. Craignant que la route de Machecoul ne fût interceptée par Charette, il s'embarqua pour revenir à Nantes d'où il écrivit le 7 au ministre : « Le courrier que tu m'as envoyé est arrivé deux jours plus tard, parce qu'il a été obligé d'aller jusqu'à Beauvoir, et de retourner à Nantes où je me suis transporté par mer, après l'expédition de Noirmoutier dont je t'ai rendu compte. >> Pour seconder les vues, les intentions du comité de salut public, j'ai fait partir sur-le-champ pour Rennes deux brigades de l'armée que je commande et qui, par leurs cantonnemens, étaient plus rapprochées de cette ville. » Je compte renvoyer incessamment la division détachée de |