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l'armée des côtes de Cherbourg, aux ordres du général Tilly, à sa destination première.

»Tu vois que je me dépouille volontiers pour aider mes collègues; mande-moi si ces dispositions te conviennent.

» J'ai laissé aux généraux de brigade Haxo et Dutruy, dans lesquels j'ai toute la confiance qu'ils méritent, la défense des côtes, depuis l'embouchure de la Vilaine jusqu'aux Sables, celle des îles Bouin et Noirmoutier (1), et toute la partie de la Vendée connue sous le nom de Marais. Je leur ai recommandé d'établir dans différens points des cantonnemens actifs et de balayer le reste des brigands dispersés dans le pays dont ils ont le commandement. Ils m'ont répondu d'exterminer les faibles rassemblemens qui se trouvent encore dans cette partie aux ordres de la Cathelinière et de Charette, avec dix mille hommes que j'ai promis de leur compléter.

» Je ne puis, citoyen ministre, t'instruire, dans ce moment-ci, d'une manière précise, de ce qui se passe dans l'autre partie de la Vendée; je me suis éloigné des points où je pouvais avoir des renseignemens fréquens et certains, je vais me porter présentement à Saumur. Si ma marche sur Saumur et Chollet ne s'est pas opérée plus tôt, tu sais quelles entraves on y a apportées, en faisant faire, malgré mes ordres positifs, une contre-marche à l'armée du Nord (2). J'ai été retardé par mon voyage à Noirmoutier; mais j'ai trouvé cette expédition d'une telle importance, que j'ai cru devoir la diriger par moi-même.

» Le général Marceau, chargé par moi de balayer le reste des brigands sur la rive droite de la Loire, n'a plus qu'une brigade et quelque cavalerie pour remplacer en partie les deux brigades que j'envoie à Rennes et qui étaient sous son

(1) Ces deux îles furent nommées par les représentans, la première, île Marat, la seconde, île de la Montagne.

(2) Bonnaire ne connaissait à cette époque que les ordres de Mar

ceau.

commandement. Je lui envoie un régiment de chasseurs à cheval, espèce de troupe la plus nécessaire pour nettoyer

le pays.

J'ai prévenu, citoyen ministre, tes intentions au sujet du désarmement des communes qui se sont insurgées ; je l'ai demandé même au comité du salut public par une dépêche du 19 décembre, je t'invite à faire rendre au plus tôt un décret à ce sujet.

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Le ministre ne se contenta pas d'un rapport aussi vague sur la défense des côtes. Il écrivit le 13 au général Turreau :

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Malgré que les défaites successives des brigands aient pu déjouer les projets de descente qu'avaient conçus les Anglais sur nos côtes, il n'en faut pas moins se tenir en garde contre toute espèce de surprise et d'attaque. Tu voudras donc bien me donner des détails sur la surveillance que tu exerces en ce moment sur la partie des frontières maritimes confiées à ton commandement, et sur les précautions que tu prends pour déjouer les Anglais. »

Il eût été difficile au général de répondre à cette demande. Arrivé en poste de Rennes à Nantes qu'il voyait peut-être pour la première fois ; parti de suite avec une nombreuse escorte pour Beauvoir d'où il n'eut que la peine d'entrer à Noirmoutier avec les représentans, à la suite du général Haxo; revenu bientôt après par mer à Nantes, il n'avait pu prendre aucune connaissance des côtes ni s'occuper de leur défense.

Marceau, relégué à Châteaubriand, affecté de tout ce qui se passait, se vit bientôt sans troupes. Il tomba malade et demanda au ministre un congé

qui lui fut accordé peu de temps après. Il se retira à Rennes où l'on sait qu'il inspira un vif intérêt à une des premières familles de la ville. De là il fut envoyé sur les bords du Rhin où il trouva une mort glorieuse.

La correspondance de Marceau avec le général en chef se réduit à la lettre suivante qu'il lui adressa le 9 janvier.

« Tes ordres sont exécutés; les brigades commandées par Scherb et Canuel sont parties, et arriveront le 10 à Rennes ; le général Rossignol en est prévenu, il pourra en disposer.

» Je me borne à garder le pays et attendrai les ordres ultérieurs que toi, Rossignol ou tel autre voudra me donner. Servir la république de tous mes moyens est ma seule occupation; je n'en veux et n'en trouve point de plus conve

nable.

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L'arrêté du comité de salut public, relatif aux contributions levées sur l'ennemi, ne peut me regarder. Je n'ai point, pendant le cours de mon commandement, fait la guerre sur pays ennemi, je n'ai en un mot levé aucune espèce de contributions.

« Relativement aux prises qu'il t'a plu d'ajouter dans ta lettre, et qui ne se trouvent pas dans celle du ministre, il eût été à désirer que tu te fusses trouvé auprès de moi pour pouvoir juger de celles qui ont été faites par nos soldats dans les combats qu'ils ont livrés. L'argent, les montres et les bijoux qu'ils ont enlevés à l'ennemi leur appartiennent sans doute, puisque les représentans du peuple, qui étaient avec les en ont vus nantis, sans que cela leur ait paru extraordinaire. Il est d'usage d'ailleurs que celui qui triomphe de son ennemi en ait la dépouille.

nous,

>> J'ai annoncé successivement et par aperçu le nombre des pièces de canon et des caissons qui ont été enlevés à l'en

nemi. La rapidité avec laquelle je l'ai poursuivi jusqu'à son entière destruction ne m'a pas permis de prendre des informations très-détaillées sur leur nombre et leur calibre. J'ai donné les ordres nécessaires pour que le tout fût remis dans les arsenaux et j'ai tout lieu de croire qu'ils ont été remplis.

» La responsabilité, dont tu parles si souvent, n'a rien d'effrayant pour ceux qui, jaloux de remplir leur devoir, y consacrent tout leur temps et apportent un cœur droit. Je suis de ce nombre et n'ai rien à me reprocher, par conséquent rien à craindre. »

Turreau fit passer au ministre une copie de cette lettre.

Le ministre avait prévenu le général Turreau qu'il expédiait au commandant à Saumur des ordres pour le retour à Paris des grenadiers de la Convention, rappelés auprès d'elle par un honorable décret.

« Tu voudras bien en conséquence, ajoutait le ministre, ne plus compter cette troupe au nombre de celles qui composent l'armée confiée à ton commandement. »

Le général Commaire rendit compte au ministre le 4, qu'il venait de donner l'ordre à ces grenadiers de se mettre en route pour Paris. Il ajou

lait :

« Le général Grignon vient de battre complétement cinq à six cents hommes formant le rassemblement de la Rochejaquelein. Ces brigands ne servent plus que comme des assassins de grande route. Je prends des mesures pour leur donner une dernière chasse, s'il est possible; ils n'iront pas loin, je l'espère.

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Commaire fit en effet parcourir le pays par

plusieurs colonnes. Grignon lui écrivit d'Argen

ton le 13:

« Nous avons, les généraux Boucret, Caffin et moi, fait une battue dans les bois et les genêts, environ dix-huit à vingt lieues de terrain. Il ne paraît plus y avoir de rassemblement, depuis la déroute complète que j'ai donnée à la Rochejaquelein et à sa petite horde de brigands. Les paysans sont rentrés dans les métairies et y font leurs anciens travaux à l'ordinaire. — Le jour que j'ai mis la Rochejaquelein en déroute, il a perdu son cheval tout harnaché et équipé.

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Le général Boucret mandait en même temps de Chollet:

a J'ai trouvé dans les métairies quantité de jeunes gens qui seraient bien en état de porter les armes. On pourrait les faire partir sur les derrières de l'armée, ils ne serviraient pas à renforcer l'armée des brigands.

» Trois paysans m'ont dit que la Rochejaquelein était déguisé et caché dans une métairie; qu'il changeait tous les jours de logement, et était très-malade. Voilà tout ce que je sais. >>

Ces rapports furent transmis au général Turreau qui put juger de la situation de la HauteVendée.

Cependant les représentans avaient établi à Noirmoutier une commission militaire chargée de prononcer sur le sort des prisonniers. Un grand nombre fut condamné, et quelques-uns, tels que Wielland, furent sacrifiés.

Le généralissime d'Elbée, presque mourant des suites des blessures qu'il avait reçues devant Chollet, subit, le 9 janvier, un interrogatoire qui mérite d'être transmis à l'histoire. Les réponses

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