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l'affaire de Miserere et l'assaut du 5 juillet.

Le général Whitelocke n'arriva que le 4 à réunir toutes ses forces devant la capitale du Rio de la Plata. Défalcation faite du corps du colonel Mahon, qui gardait le pont de Galvez et sa ligne de retraite, il disposait de 8,500 hommes. Avant de recourir aux armes, il somma la ville de se rendre à discrétion. Liniers répondit par un refus net et formel. Whitelocke fixa l'attaque au lendemain.

Pour bien comprendre les événements du 5 juillet 1807, il faut se représenter ce que Buenos-Ayres était à cette époque. Cette ville, je l'ai dit à propos de sa reprise en 1806, formait une série d'îlots carrés, de manzanas, suivant l'expression espagnole, de 130 mètres carrés. Les maisons, n'ayant pour la plupart le rez-de-chaussée et au plus un étage, se terminaient en terrasses. Une fois les portes et les fenêtres barricadées, ces îlots constituaient autant de petites enceintes fortifiées de 20 à 30 pieds de haut que le canon pouvait

que

démolir, mais contre lesquelles la mousqueterie était impuissante. Çà et là émergeaient des édifices publics et privés formant de véritables citadelles au nord, l'arène destinée aux combats de taureaux, la Plaza de Toros sur la place du Retiro; un peu au sud, le couvent et l'église de Santa-Catalina; au centre du rivage, la vieille forteresse et la plaza Mayor, bornée vers le nord par la cathédrale; à deux manzanas, vers le sud, l'église de Saint-Dominique avec son clocher élevé, et enfin, à l'extrémité méridionale, l'hôpital de la Residencia, l'ancien couvent des Jésuites.

Les rues, larges de treize à quatorze mètres et tirées au cordeau, couraient dans deux directions, les unes du nord au sud, parallèlement au fleuve, les autres de l'est à l'ouest, c'est-à-dire de la campagne à la rive du Rio.

Le général Whitelocke avait trois moyens

pour réduire Buenos-Ayres un blocus que l'appui de la flotte rendait facile, un bombardement ou une attaque de vive force. Seule

ment, cette attaque devait être conduite avec méthode. Il ne fallait pénétrer au cœur de la ville qu'après avoir délogé ses défenseurs de toutes les positions qu'ils occupaient, de façon à ne pas laisser d'ennemis derrière soi. Une aveugle confiance dans la supériorité de ses troupes sur les milices argentines entraîna le commandant anglais à négliger toutes les précautions et à lancer ses colonnes à l'aveugle. Son armée occupait tout l'ouest de la ville, ayant en face d'elle les rues menant au fleuve. Il la divisa en trois corps: l'aile gauche sous sir Samuel Auchmuty, l'aile droite sous le général Craufurd, et le centre sous sa direction. L'aile droite et l'aile gauche eurent ordre de pénétrer dans la ville, la première vers l'extrémité nord, la seconde vers l'extrémité sud, en s'engageant à la fois dans plusieurs rues parallèles, de marcher droit au rivage sans brûler une amorce, en s'emparant, chemin faisant, des points fortifiés tels qu'églises et monuments publics, et, une fois

arrivées à leur but, de se rabattre sur la plaza Mayor, que le commandant en chef comptait attaquer de front en s'y portant directement par les deux grandes artères qui y aboutissaient de la campagne.

Les troupes anglaises marchèrent résolument au sacrifice. Elles s'avancèrent au pas accéléré avec une superbe impassibilité dans ces longues rues qu'un témoin oculaire appelle ce jour-là les sentiers de la mort. Elles furent accueillies par une grêle de projectiles. Du haut des terrasses, hommes et femmes, maîtres et esclaves, animés d'une fureur sauvage, les fusillaient presque à bout portant et leur lançaient des grenades, des briques, des pierres et jusqu'à de l'eau bouillante. Toutes les issues du rez-de-chaussée ayant été solidement barricadées, chaque maison était devenue une forteresse dont on n'aurait pu déloger les défenseurs que par un siège en règle. Pour ainsi dire, à chaque pas, de nouveaux obstacles se dressaient devant les assaillants: ici, de pro

fondes tranchées; là, des retranchements armés de canons qui vomissaient sur eux des paquets. de mitraille. Néanmoins, les colonnes anglaises atteignirent les points qui leur avaient été indiqués. Au nord, Auchmuty s'empara, après un combat sanglant, de la Plaza de Toros et du parc d'artillerie. 53 pièces de canon et 600 prisonniers tombèrent entre ses mains. Sur sa droite, un de ses lieutenants enleva le couvent de Santa-Catalina. Au centre, Whitelocke s'avança presque jusqu'à la place. Au sud, le général Craufurd s'établit à la Residencia; mais lorsque les Anglais voulurent se porter sur la plaza Mayor, la fortune qui leur avait souri jusque-là les abandonna. Deux lieutenants d'Auchmuty, le major Vandeleur et le colonel Duff, après avoir échoué dans leurs attaques, furent enveloppés et obligés de mettre bas les armes. Au ́midi, Craufurd, qui s'était avancé de la Residencia vers la forteresse, se vit obligé de reculer et de s'enfermer dans l'église de Saint-Dominique. Liniers

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