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Il fit imprimer à Auxerre une tra- | Ce reproche n'est pas sans quelduction espagnole des lettres pro- que fondement. On peut dire cevinciales de Pascal, l'édition pres- pendant pour la justification de qu'entière fut envoyée au-delà des Clément, qu'il étoit jeune alors et Pyrénées. Tous ses ouvrages sont enthousiaste admirateur de Viranonymes, excepté son journal gile. Chacun exaltoit le nouveau de correspondance et voyages, traducteur; il avoit égalé, disoitd'Italie et d'Espagne, in-8°, Pa- on, et plus d'une fois même surris, 1803, 3 vol. Le style se res-passé l'original. Clément n'entensent un peu de la vieillesse de dit pas de sang-froid, des éloges l'auteur; il auroit pu resserrer les qui lui sembloient injurieux à la 3 volumes en un seul, mais le mémoire du plus grand des poèfond de l'ouvrage est bon, il con- tes latins, et il se crut obligé, pour tient quelques pièces très-curieu-l'intérêt de la saine littérature, ses et rares sur les matières ecclé- | de démontrer que cette traduction siastiques. Clément est décédé à avoit souvent affoibli la haute Paris le 15 mars 1804. poésie du modèle, et plus souvent encore substitué le bel esprit II. CLÉMENT (Jean-Marie-Ber- aux images et au sentiment. Donnard), né à Dijon le 25 décembre ner de l'esprit à Virgile, étoit un 1742, fut d'abord professeur au crime impardonnable aux yeux collége de cette ville; mais sur un du nouvel Aristarque. Il s'attacha mécontentement que lui causèrent donc aux défauts que personne ne quelques nouveaux règlemens, il vouloit voir, et négligea les beauquitia brusquement sa place, et tés que tout le monde voyoit asvint à Paris en 1768. Quoiqu'à sez. Mais en lui-même, il rendoit peine alors âgé de 26 ans, il eut le justice à la brillante versification courage d'attaquer les novateurs de l'abbé Delille, et au rare taleut dans tout l'éclat de leur gloire, qui avoit surmonté en partie, les toute la force de leur puissance obstacles d'une traduction juset de se déclarer le défenseur du qu'alors jugée impossible. Quelgoût, dont tous ses écrits prou- que parti que l'on prenne sur vent assez qu'il connoissoit les cette querelle littéraire, on sera vrais principes. Il les avoit puisés toujours forcé de convenir que si à leur véritable source, dans une les critiques de Clément sont arétude approfondie des chefs mées quelquefois de trop de séd'oeuvres de l'antiquité. « Peut- vérité, jamais du moins elle ne être, dit l'abbé Sabatier, M. Clé- portent absolument à faux; et ment a-t-il excédé les bornes de la dans un art où il n'est point de critique, non pas en s'écartant, dégré du médiocre au pire, l'excomme on a voulu le faire croire, cès de la sévérité est peut-être de la modération et de l'honnê- préférable à l'excès de l'indulteté, mais en mettant trop de sé- | gence. Il est avantageux et vérité dans ses décisions, et sur-même nécessaire au maintien de tout en négligeant d'analyser les la république des lettres, dit en< beautés après avoir discuté les core l'abbé Sabatier, (article Clédéfauts. Cette espèce d'injustice a ment), qu'il s'élève de temps en paru principalement dans ses ob- temps de ces esprits assez éclairés servations à l'égard de la traduc- pour connoître les règles du bon tion en vers des géorgiques de goût, assez habiles pour démêler Virgile, par M. l'abbé Delille.» les usurpations du mauvais, et

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même dame lisant des vers récemment échappés à la plume de St. Lambert, demanda à Rousseau ce qu'il en pensoit? Le nouveau Philoxene, répondit-il, dira qu'on le ramène aux carrières. L'usage vouloit alors qu'après avoir été enfermé, on allât faire une visite à ceux même qui avoient demandé l'ordre de la détention. Clément se conforme à l'usage, il va voir l'auteur des Saison's. J'espère, dit St. Lambert, que nous oublierons ce qui s'est passé. Monsieur, répondit Clément en le quittant aussitôt, c'est à vous à l'oublier. II avoit raison, le souvenir de cette tracasserie despotique ne pou

assez fermes pour en arrêter les progrès. La littérature est une espèce d'arène où les combattans sont soumis au jugement de chaque spectateur qui a droit d'y aller combattre à son tour, et personne ne doit s'y engager, s'il refuse de s'assujétir aux lois établies, dont la première est la liberté. » Il eut donc été plus raisonnable et souvent plus utile aux auteurs de faire tourner au profit de leurs talens les observations du critique, que d'employer leur crédit à persécuter sa personne. Cette réflexion qui est de l'auteur que nous venons de citer, nous Conduit naturellement à parler du démêlé de St. Lambert avec Clé-voit être pénible ethonteux que ment. Saint Lambert averti, par pour Saint Lambert. Après l'al'infidélité d'un imprimeur, que venture du fort l'Evêque, Cléla Critique de son poème des ment poursuivit sa carrière littéSaisons alloit paroître, couraire. Au mérite de bien analyser rut chez le lieutenant de po- un ouvrage, d'en faire connoître lice, se plaindre qu'on osât les défauts, et de donuer des préimprimer une critique de son ceptes de goût lonjours fondés sur poème, dans laquelle on se per- la nature et la raison, il joignoit mettoit, disoit-il, des person- encore le talent de la poésie. Plunalités odieuses. A ses yeux cette sieurs morceaux des satires qu'il critique étoit un libelle. Il par- a publiées, sont restés dans la vint à faire enlever et séquestrer mémoire de tous ceux qui aiment toute l'édition. Clément écrivit à les vers. Sa manière approche Saint Lambert, et sa lettre pleine souvent de celle de Despréaux, de railleries, irrita tellement le soit pour le fond des choses, soit poète, qu'il fit agir tous ses amis et pour la tournure et le mécaobtint un ordre de M. de Sar-nisme de la versification. Son style tine, pour l'arrestation de Clé-est toujours simple et noble; et ment qui fut mis au fort l'Evê- ses périodes enchaînées, ses reque; il n'y resta que trois jours; pos ménagés avec art, prouvent Jean-Jacques, dit-on, contribua qu'il avoit reçu de la nature le à son élargissement, car le phi- sentiment de l'harmonie, et que losophe genevois s'éleva forte- sa muse, ennemie du clinquant et de la versification scintillante, ne recherchoit que l'or pur Racine et des Boileau. Son caractère étoit ferme, franc, réservé, un peu froid, mais bon et susceptible d'un attachement durable: Clément étoit le vrai sage fort de sa conscience, incapable d'agir contre elle, de se mentir à soi

ment contre cet acte d'autorité : "ne pourra-t-on plus, s'écria-t-il, dire que des vers sont froids et rampans, sans s'exposer à une détention ignominieuse ?» Une dame devant laquelle il parloit ainsi, se hâta d'employer son crédit et fit rendre la liberté au critique. A quelque temps de-là, cette

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même, de céder aux considérations humaines, n'écoutant que la voix de l'honneur et de la raison, ne faisant jamais que ce qu'il croyoit devoir faire; les coups du sort trouvoient son âme impassible. Etranger à toute espèce de légèreté, il ne se décidoit jamais qu'après de mûres réflexions; le délire des opinions politiques n'égara pas un seul ins tant la sienne. Il avoit prévu en partie, les malheurs de la révolution; sa manière de penser étoit en 1812, ce qu'elle avoit été vingt ans auparavant, et ses principes furent toujours immuables. Sans afficher les opinions religieuses, il ne parloit de la religion qu'avec respect; ami de l'ordre, des vertus, de la modération, il auroit pu prendre pour devise in medio stat virtus, car jamais en rien il ne connut l'excès. Il fut pourtant ennemi des philosophes, sans vouloir s'enrôler sous les bannières du clergé; le bon sens et le bon goût furent les seuls maîtres dont il voulut reconnoître les lois; on prit souvent pour de la haine et de la partialité, ce qui n'étoit en lui qu'excès d'ardeur et de zèle pour la cause de la raison; mais il ferma son ame à tout esprit de parti, ne se fit initier à aucune secte ni admettre dans aucune cotterie; il se réserva toujours avec la liberté de ses pensées, le droit de les dire librement; il eut beaucoup d'ennemis et n'eut point de proncurs. Sa conversation étoit quelquefois gaie, souvent instructive, mais en général modeste et peu | brillante; il avoit besoin d'être excité. On connoît de lui cependant quelques saillies heureuses, nous citerons entre autres celle-ci: Gilbert estimoit son talent et lui demandoit souvent des conseils; mais les deux satiriques se per

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dirent de vue pendant quelques mois. Clement étoit à la campagne, il revient à Paris, et rencontre sur le Pont-Neuf Gilbert vêtu d'un habit fort riche et d'une veste de drap d'or: Eh! bonjour, mon ami, que je suis aise de vous voir ! Comment vous portez-vous? Pás mal, répond Gilbert, santé est bonne, et depuis quinze jours, ma fortune est devenue meilleure, l'archevêque de Paris m'a fait une pension. « En effet, réplique aussitôt Clément, vous voilà beau et paré comme un đẹvant d'autel.» Les ouvrages deClé ment sont, I. Observations critiques sur la nouvelle traduction en vers français des Géorgiques de Virgile, et les poèmes des Saisons, de la Déclamation et de la Peinture. Genève, 1771, 1 vol. in-8°. II. Nouvelles observations critiques sur différens sujets de littérature. Paris, 1772, 1 v. in-8°. Cet ouvrage intéressant, où respire le goût de la saine littérature et de ses vrais principes, doit être lu et médité par tous ceux qui, avec des talens, se disposent à suivre avec fruit la carrière des lettres. III. Lettres à Voltaire. Paris, 1773 et 1774, 3 v. in-8°. L'auteur de la Henriade indigné lui donna le surnom d'Inclément, dont le célèbre critique rioit souvent lui-même et qui est devenu presque inséparable de son nom. IV. De la Tragédie pour servir de suite aux Lettres à Voltaire. Amsterdam, Paris, 1784, deux parties en 1 vol. in-8°. V. Essai sur la manière de traduire les poètes en vers, 1 vol. in-8o, Cet ouvrage et le précédent sont les chefs-doeuvre de l'auteur, et les principaux titres qui le placent au premier rang des critiques et des législateurs littéraires. VI. Médée, tragédie en trois actes, Paris, 1779. Elle n'obtint au

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licates. XI. Les onze journées,
contes arabes, traduction pos-
thume de Galland, revue et cor-
rigée par Clément, Paris, 1798,

vol. in-12. XII. Amours de
Leucippe et Clitophon, traduit
du grec d'Achille Tatius, évêque
d'Alexandrie, Paris, 1800, 1 vol.
in-12. XIII. Journal français,
rédigé concurrement avec M. Pa-
lissot. XIV. Journal littéraire,
Paris, 1796 et 1797, 4 vol. in-
8°. Nous observons que plusieurs
articles de ce Journal ne sont
pas de l'auteur. XV. Tablenu
annuel de la littérature française,
Paris, 1801, cinq parties -8.
Cet ouvrage, ainsi que le précé-

cun succès à la représentation; on |
y rencontre cependant de beaux
vers de belles tirades; l'exposi-
tion est digne d'être admirée, et
d'être méditée
par les poètes tra-
giques. Nous croyons devoir
transcrire ici une note écrite de
la main de l'auteur sur un exem-
plaire de Médée trouvé chez lui
après sa mort. « L'auteur n'avoit
que vingt ans lorsqu'il fit en pro-
vince cette esquisse dramatique.
Plus de quinze ans après, sa
pièce fut jouée à Paris, et jugée
avec une rigueur qu'il avoit pro-
voquée par ses critiques et ses sa-
tires ; il ne s'en plaignit point et
se soumit de bonne grace à la loi
du talion. On se rappelle cepen-dent, doit ajouter encore à la ré-
dant que le premier acte de la
nouvelle Médée fut très-applaudi,
ce qui n'engagea point l'auteur à
la faire reparoître au théâtre.
Après avoir donné le précepte,
il voulut donner l'exemple et
prit pour lui le conseil qui ter-
mine sa troisième satire. » VII.
Essai de critique sur la littéra-
ture ancienne et moderne. Pa-
ris 1785, 2 vol. in-8°. Ces Essais
pourroieut devenir classiques,
ils sont pleins d'aperçus neufs
et d'observations fincs qui décè-
lent le profond littérateur. VIII.
Satires, 1786, 1 vol. in-8°. La
troisième édition qui est la plus
correcte, se trouve dans le re-
cueil des Satires du 18e siècle.
IX. Traduction de plusieurs ha-
rangues de Cicéron, Paris
1786 et 1787, 8 volumes in 12.
Les premiers volumes ont été
traduits par Demeunier. X. Petit
Dictionnaire de la Cour et de
la Ville, Paris, 1788, 1 volu-
me in-12. Cet ouvrage devenu
rare, prouve que l'auteur possé-
doit cet esprit d'observation qui,
saisissant les rapports éloignés
des objets, sait en faire ressortir
avec art les nuances les plus dé-


putation du critique. XVI. Nou-
velle édition de J. B. Rousseau.
avec des Commentaires par Clé-
ment, Paris, ouvrage qui n'a
point été continué; il n'y a eu
d'imprimé qu'un volume et demi.
Ces commentaires annoncent un
homme d'un goût fin délicat et
sûr, profondement versé dans la
connoissance des anciens et de la
poésie; tous les amis des lettres
ne sauroient trop regretter que de
malheureuses circonstances aient
privé le public d'une édition du
grand Rousseau, commenté par
Clément. XVII. Jérusalem deli-
vrée, poème imité du Tasse, Paris,
890, 1 vol. in-8°. L'auteur ayant
appris que La Harpe promettoit
au public une traduction duTasse,
voulut devancer son rival et pu-
blia sa Jérusalem avant d'y avoir
mis la dernière main. Le public
accueillit froidement ce poème.
On y rencontre beaucoup de né-
gligences; on y trouve aussi de
grandes beautés, de l'harmonie,
de la force, de la richesse poeti-
que et des morceaux d'une grande
facture qui annoncent un poète
nourri dans la bonne école. Si
un rédacteur d'Ornemens de la

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mémoire, si un compilateur dans la plupart un ton de singu éclairé vouloit extraire de ce larité qui fait disparoître le mépoème quelques-uns des passages rite des traits d'esprit qui s'y monles plus dignes d'etre retenus, ce trent de temps en temps. Celle travail ne contribueroit pas peu à qui a pour titre les écarts de l'ienrichir l'esprit et former le goût imagination, est un délire perde la jeunesse. Durant les derniè- pétuel. L'auteur s'y écarte presres années de sa vie, Clément que toujours de la vérité, de la faisoit tout son bonheur de la nature, de l'élégance, du bon retraite; ne voyant guère que goût et sur-tout de la raison, elle deux ou trois amis, sortant peu, est adressée à d'Alembert. Dans la n'écrivant plus, si ce n'est pour description du temple de l'imagi la gazette de France à laquelle il nation, les auteurs les plus célèenvoyoit de loin en loin quelques bres y sont travestis d'une maarticles. I mourut à Paris lenière tout-à-fait ridicule. L'épitre 3 février 1812. M. G. de la Madelaine, son ami, a fait pour lui cette épitaphe :

Clément pár ses vers et sa prose
Vengea le Dieu du goût trop fréquemment proscrit,
Et luttant contre un siècle en proie au bel esprit,
De l'antique bon sens fit triomp er la cause,

à M. Petit est d'un autre genre de décoration. Tous les médecins célèbres y sont loués d'un style de faculté qui n'est pas celui des muses; la nomenclature de tous les termes de l'art, en fait le plus bel ornement. Montmercy a fait aussi un poème en l'honneur de

Il meurt; mais il'éc ́appe au néant des tombeaux; Voltaire, et de la même taille que

Et sur les hauteurs du Parnasse,

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les épîtres précédentes. Cependant ce poète auroit faire pu quelque chose de passable, si au lieu de peindre les écarts de l'imagination, il se fût attaché à réprimer la sienne, si son excessive

fécondité eût été resserrée dans les bornes d'une juste modération, et s'il se fût toujours souvenu que la quantité de vers ajoute au ridicule, , parce qu'il n'y a que ceux qui sont bons, ne fussent ils qu'en petit nombre, qui puissent faire une bonne réputation.

CLERC de MONTMERCY (Claude-Germain Le), avocat, né à Auxerre en 1716, et mort sur la fin du 18e siècle; «peut prétendre, dit l'auteur des Trois siècles, à la gloire d'avoir fait les plus longues épîtres qui aient ja mais existé. On en a de lui qui ont jusqu'à 2300 vers, et ce ne sont pas les plus longues. On peut présumer que ceux même à CLEVELAND (Jean), ministre qui elles ont été adressées, n'ont d'Ipswich (Massachussetts), né pas cu le courage de les lire en en 1722 à Cantorbéry (ConnecEntier. Doit-on le blâmer unique-ticut), et gradué en 1745 au collége ment de les avoir faites si longues; et si elles étoient plus courtes, en seroient-elles meilleures ? c'est ce que nous ne croyons pas a en

juger par le ton qui règne dans la plupart.» Cette excessive prolixité n'est pas le seul défaut qu'on puisse leur reprocher. Il règne

d'Yale, se distingua dès le temps de ses études, par le courage indépendant qu'il a toujours montré pour la cause de la vérité. Quoiqu'il fut d'un caractère trèsdoux, il étoit très-fermement attaché à ses opinions. Après avoir prêché environ deux ans, il prit

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