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L'industrie et le commerce auraient été assez prospères, si les voies de communication avaient élé plus nombreuses et mieux entretenues. Il existait encore dans l'élection quarante-quatre moulins à papier, et, dans les paroisses de Fresne et de Sourdeval, des fabriques de quincaillerie, qui importaient beaucoup de marchandises d'Angleterre, d'Allemagne et du Forez, et exportaient leurs produits en Bretagne et en Amérique.

Les potiers de Ger avaient conservé leur ancienne réputation. Ils tiraient leur terre des environs de Domfront. Il ne restait plus, pour les mettre en communication avec la grande route de Bretagne, qu'un embranchement d'une demi-lieue à achever. La verrerie établie dans la forêt se relèverait aussi de sa décadence si le duc d'Orléans ramenait l'usage que suivaient ses prédécesseurs de donner annuellement une coupe de bois à la fabrique.

Le bureau du Bien public s'occupa des sujets les plus variés agriculture, hygiène, cours d'accouchement, secours aux noyés, etc., etc.

"

Dans la séance du 14 octobre, le président annonça que la réunion des États généraux était fixée au mois de janvier alors prochain (1). Cette nouvelle fut reçue avec acclamation. On consigna au procès-verbal que c'étoit « un nouveau bienfait de la bonté du Roy, et que la « France y voyoit la fin des inquiétudes dont elle étoit « agitée et le commencement de la prospérité du peuple. » L'assemblée émit le vœu qu'on rétablît les États provinciaux. Elle se sépara le 21 octobre, après avoir adressé des remerciements aux deux syndics « dont le remarquable

nous avons vu qu'en 1649 le receveur de Mortain versait ses fonds au bureau des finances (Sup., p. 209, 219 et 269, n. 1).

(1) Après plusieurs changements successifs, la date fut définitivement fixée au 4 mai (Ordre du 26 avril 1789).

a rapport lui serviroit, désormais, de guide dans toutes « ses délibérations (1). » Elle ne devait plus délibérer!...

M. Necker venait de faire savoir aux procureurs syndics, à Caen, que les notables étant convoqués à Versailles pour le 3 novembre 1788, les assemblées provinciales ne se réuniraient pas cette année, et que les commissions intermédiaires suppléeraient à cette interruption « mo« mentanée. »

Mais, assemblées provinciales, assemblées d'élection, commissions intermédiaires, disparurent au milieu de l'émotion fiévreuse où l'attente des États généraux jetait la France. Cette idée patriotique de décentralisation inspirée à la royauté aurait, peut-être, complétée et sanctionnée par le temps et l'expérience, conduit le pays au vrai gouvernement libre et à la paix sociale; la Révolution l'étouffa brutalement, et, depuis bientôt un siècle, après maints essais infructueux et maints espoirs trompés, nous cherchons à la reconquérir sans y être parvenus. Nous sommes toujours, quel que soit notre régime politique, la nation centralisée à outrance, plus que jamais incertaine de son avenir, et partagée entre le docile troupeau des contribuables, qui nourrit le budget de l'état, et l'armée sans cesse croissante des fonctionnaires publics, qui le dévore.....

(1) Les procès-verbaux des assemblées de Caen et de Bayeux ne renferment rien de particulièrement intéressant. La première était présidée par l'abbé Méry, sieur de Berthenouville, vic. gén. et doyen du St-Sépulcre, et la deuxième par Monseigneur de Cheylus, évêque du diocèse et premier aumônier du comte d'Artois.

CHAPITRE XIV ET DERNIER.

Émeutes en Basse-Normandie. Lettres de convocation des États généraux.— Assemblée générale du grand bailliage du Cotentin.—Élections des députés et rédaction des cahiers. Nouvelles émeutes. — Décrets des 22 décembre 1789 et 26 février 1790. Suppression des grands-bailliages. — Fin de l'histoire du Cotentin.

1789.

Le mouvement qui emportait la nation vers des destinées à peine entrevues par les esprits les plus clairvoyants ou les plus alarmés, se manifesta, en Basse-Normandie, comme ailleurs chez les classes éclairées, par une ardeur généreuse à tout renouveler, à tout changer dans les institutions existantes; et, chez les classes inférieures, par le goût du désordre et de l'émeute, par une inquiétude farouche de manquer de pain, et par un sentiment aveugle de haine et de jalousie contre tout ce qui, jusque-là, avait été au-dessus d'elles.

Les phénomènes naturels avaient contribué à entretenir et à exalter ces funestes impressions. Il fallait remonter jusqu'en 1777 et 1709 pour trouver un hiver aussi rigoureux que celui dont on souffrait depuis le mois de novembre 1788 (1). Le prix du boisseau de blé atteignit six livres, en janvier 1789 (2).

Malgré les efforts de la charité publique et de la charité

(1) Gazette, 1789, no 1.

(2) Affiches, annonces et avis divers ou journal de la Basse-Normandie (imprimé à Caen, d'abord chez Le Roy, puis chez Poisson), supplément du no du dimanche 21 déc. 1788. Le prix de 6 liv. avait été dépassé à d'autres époques, notamment en 1758, où il s'était élevé à 9 liv. (V. sup., p. 453).

privée, malgré le dévouement des officiers de police, il y eut des attroupements dans toutes les villes : les boutiques des boulangers y furent pillées. Des bandes parcoururent les campagnes, pénétrèrent chez les cultivateurs, forcèrent l'entrée de leurs greniers, etc. Ces scènes violentes éclatèrent, à Caen, dès les premiers jours de janvier; à St-Lo et à Carentan, dans le courant du mois de mars. L'intendant craignait beaucoup que le vent de la sédition ne se propageât rapidement, et il n'avait à sa disposition aucun moyen de s'y opposer. Il fit part de son embarras au directeur général des finances (1). La réponse lui fut adressée par M. de Montaran, au nom de M. Necker, trèsoccupé de l'ouverture des États généraux:- Le peuple était dans un tel état de surexcitation, qu'il devenait bien. difficile de lui faire entendre raison. Le ministre pensait que les mouvements signalés à St-Lo et à Carentan venaient d'un défaut de prévoyance de la part de l'administration. Il n'y avait qu'à veiller à l'approvisionnement des marchés, et, en tout cas, à tenir prête la maréchaussée (2). M. de Launay comprit, par cette réponse, qu'il avait peu à compter sur l'aide et sur l'énergie du gouverne

ment.

Du reste, l'attention du gouvernement et des administrations locales était absorbée par la grande affaire qui, dans la conviction à peu près unanime du pays, devait être le remède infaillible à tous les maux. Après de longs débats, et suivant l'avis donné par la réunion des notables, on décida, sans tenir compte de ce qui avait été fait en 1787, de se conformer aux anciennes traditions de la monarchie, et de procéder aux élections par grands-bailliages, quoique cette circonscription n'eût plus d'application pra

(1) Arch. du Calv. Lettres du 28 mars 1789.

(2) Ibid, Lettre du 2 avril 1789.

tique depuis l'établissement des généralités, des intendants et des présidiaux.

Le 24 janvier 1789, une lettre du roi fixa au 27 avril suivant l'ouverture des États généraux. Un règlement, arrêté en conseil, déterminait les formes qui seraient suivies dans les élections et la rédaction des cahiers (1). Ces deux pièces furent adressées au lieutenant général civil du bailliage et siège présidial de Coutances, M. Desmaretz, seigneur de Montchaton, par le duc d'Harcourt (2), en l'absence du marquis de Blangy, grand-bailli d'épée du Cotentin (3).

Le 13 février, le lieutenant général, sur la réquisition du procureur du roi Le Brun, fit publier la lettre et le règlement à son de trompe, cri public et par affiches, dans toute l'étendue du bailliage. Il invitait les baillis des bailliages principaux, au nombre de dix (4), à faire procéder, conformément audit règlement, aux réunions préparatoires des trois ordres : l'assemblée générale devant avoir lieu, à Coutances, le lundi 16 mars.

Le lieutenant général de police, M. Duhamel, prit soin d'approvisionner la ville et d'assurer des logements aux

(1) Anc. lvis franç., t. XXVIII, p. 634.

(2) François-Henri, fils aîné du maréchal Anne Pierre d'Harcourt, dont le père avait aussi été maréchal de France. Le duc mourut en 1801, en Angleterre.

(3) Procès-verbal de l'assemblée générale des trois ordres du grand bailliage de Cotentin, tenue à Coutances et présidée par M. Desmaretz de Montchaton, lieutenant général civil audit bailliage, dans lequel sont insérés les listes des trois ordres, les procès-verbaux et les cahiers de doléances et pouvoirs, ainsi que les discours de MM. les Présidents. A Coutances, de l'imprimerie de G. Joubert, 1789, 1 vol. in-8°. Ce volume, devenu rare, a été mis gracieusement à notre disposition par M. Guillemette, juge de paix à Coutances.

(4) Coutances, St-Lo, Avranches, Carentan, Cérences, Mortain, St-SauveurLendelin, séant à Périers, Valognes, St-Sauycur-le-Vicomte et Tinchebray.

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