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des États provinciaux, lorsqu'on leur demanderait de voter les subsides indispensables, empêcha de les convoquer en 1621 (1). Des lettres patentes, du 30 octobre, y suppléèrent, en ordonnant d'office une levée de 8,000 livres à prendre sur le principal de la taille; procédé qui, dans la suite, fut fréquemment employé (2).

Le recouvrement des impôts n'en fut que plus malaisé. Les requêtes en remise ou en diminution affluèrent au bureau des finances de la généralité de Caen - fondées, les unes sur les maladies contagieuses qui décimaient certaines paroisses (3); les autres, sur les exactions des gens de guerre; les autres, enfin, sur les agressions des protestants qui forçaient, en certains lieux, les habitants de fuir leurs demeures (4). Le théâtre des hostilités était pourtant éloigné; mais le contre-coup ne s'en faisait pas moins sentir dans le pays.

L'année 1622 fut remplie tout entière par les opérations d'une campagne dans le Midi, la Guyenne et le Poitou. Les rebelles en occupaient plusieurs villes importantes que l'armée royale dut assiéger. Le centre de la résistance étant toujours à La Rochelle, le roi résolut de l'investir du côté de la terre, en attendant que sa flotte en fit le blocus. Il employa à cette opération 10,000 hommes, dont il confia le commandement au comte de Soissons, et marcha en personne sur la Guyenne (avril 1622) (5).

(1) Cahiers des États, t. II, p. 218. Lettre du roi datée de Toulouse, 19

nov. 1621.

(2) Reg. du bur., année 1621, f 105, et année 1622 passim. Le 30 déc. 1621, des lettres patentes ordonnèrent la levée de 534,600 liv. sur la scule généralité de Caen (Reg., année 1622, fo 14 verso).

(3) Reg. du bureau, etc., année 1622, fo 1, 2, 4, etc. Au mois de juillet 1621, la peste régnait à Caen (Reg. secr., t. XIX, fo 296).

(4) Arch. de la Manche.

Inv. som., sér. A, nos 516, 517, 601, etc.

(5) Ilist. gén. de la Réb., t. II, p. 301.

La principale force des Rochelois était sur la mer. Leurs nombreux vaisseaux, armés en guerre, sillonnèrent la Manche et l'Océan, et attaquèrent indistinctement tout ce qui appartenait ou paraissait appartenir aux catholiques. Les Bretons et les Normands firent des pertes énormes, et les côtes du Cotentin furent dans des alarmes continuelles.

M. de Soubise, après sa défaite de Riez (avril 1622), avait passé en Angleterre, dans l'espoir d'en ramener quelque secours. Son appel aux passions religieuses n'y fut pas entendu. Le roi Jacques refusa d'assister des rebelles qui, sous couleur de liberté de conscience, dissimulaient mal leurs desseins politiques. Soubise supplia alors le roi de lui permettre seulement de se faire accompagner de quelques navires, dans la crainte de tomber, en revenant en France, aux mains de ses ennemis, qui l'attendaient au passage. Il obtint cette faveur ; il en profita pour rassembler une flottille sur laquelle il embarqua des hommes, des armes et des munitions, et qui devait mettre à la voile dans les derniers jours du mois d'août. Son but était, non pas de rentrer à La Rochelle, mais de surprendre. Cherbourg, et de soulever le Cotentin, où il comptait trouver, parmi les protestants, des auxiliaires et des complices. Une tempête violente assaillit l'expédition dans la rade de Plymouth (1), et brisa sur les rochers neuf navires ou barques. Suivant la lettre écrite par un sieur de La Chesnaye, attaché à l'ambassade de France (2), huit cents hommes périrent dans cette catastrophe. Le chef de l'expédition arriva, le jeudi 1er septembre, juste au moment où se consommait sa ruine.

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(4) Claude Malingre (t. II, p. 467) écrit Plémoutz. · Récit véritable de ce qui s'est passé au départ de M. de Soubise, sortant d'Angleterre, etc. Paris, 1622, in-8 de 15 pages (Catal., de Voisin, libraire, 1884).

(2) Hist. gen. de la Rébellion, t. II, p. 467.

Il n'est pas douteux que Soubise connaissait et avait mission d'exécuter le plan formé par l'assemblée de La Rochelle. Elle voulait faire une diversion aux armes du roi occupées à l'autre extrémité de la France, en s'emparant du port le plus important de la Basse-Normandie, qui offrirait un abri à ses corsaires, et en occupant les principales places de la presqu'île. Au mois de mai précédent, trois de ses agents avaient été arrêtés à Alençon, porteurs d'instructions. En même temps, des intelligences avaient été nouées avec le commandant de Cherbourg et quelques gentilshommes protestants de la contrée. La première attaque devait être dirigée sur le fort qui s'élevait à l'entrée du port; et, de là, on devait pénétrer dans la ville. La vigilance de Matignon déjoua ces projets. Il destitua le commandant, changea la garnison et fit activement travailler aux réparations du château et des murailles (1). Il prit à Granville et à La Hougue les mêmes précautions (2).

Le duc de Longueville, de son côté, était venu, au mois de juin, dans cette partie de son gouvernement. Accompagné de Matignon, il en avait visité les côtes et les places maritimes (3).

La Normandie fut donc garantie de nouveaux troubles, et le roi put concentrer ses efforts contre La Rochelle. Une armée navale, recrutée à St-Malo et en Normandie, et à laquelle se joignirent dix galères de Marseille, tint en échec, pendant plusieurs mois, les forces des rebelles. -Après des incidents que nous n'avons pas à raconter, la campagne se termina par une victoire que le duc de Guise

(1) Hist. gen. de la Rébellion, t. II, p. 470.

(2) Hist. du Parl. de Norm., t. IV, p. 401. 1622, f. 28.

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(3) Ilist. gén., etc., l. II, p. 472. Journ. de S. Lemarchand, f 418. Le duc était entré à Caen le dimanche 12 juin 1822,

remporta le 27 octobre 1622, en vue de l'île de Ró (1). La flotte protestante, sous le commandement de Guiton, comptait 56 vaisseaux, montés par 5,000 hommes, et la flotte royale 44 navires, 10 galères et 7,000 soldats et marins (2). La paix arrêtée à Montpellier, le 19 du même mois, décida La Rochelle à se soumettre. Rohan lui-même l'y convia (3). La Rochelle restait, avec Montauban, et pour trois ans, la seule ville de sûreté de la réforme. Mais le désastre qu'ils venaient de subir n'avait pas abattu l'opiniâtre courage des Rochelois; avant l'expiration du délai imparti, il devaient, entraînés par les deux frères, relever le drapeau de l'insurrection.

Le traité de commerce du mois de février 1606 avec l'Angleterre fut confirmé et renouvelé le 14 avril 1623 (4).

Le Cotentin traversa les années suivantes sans être mêlé directement aux événements qui les remplirent. Les États furent convoqués en 1623 et 1624. Les cahiers renfermaient les doléances habituelles. On y signalait la situation déplorable de la navigation. Les ports et havres étaient sans vaisseaux et sans pilotes, de sorte que les marchands étaient obligés d'avoir recours aux marines étrangères, et que la piraterie prenait des proportions de plus en plus désastreuses (5). Les voies de terre étaient laissées à l'abandon; les sommes destinées à l'entretien des ponts, chemins et passages étaient détournées par les trésoriers de chaque élection (6). La Vire, qui était le moyen de communication et de transport le plus sûr et le

(1) Hist. gên. de la Rébel., t. II, p. 545 et suiv.

(2) Masseville, t. VI, p. 108.

(3) Hist. gen., etc., t. II, p. 575. Lettre du duc de Rohan, datée de Nimes, le 31 octobre 1622.

(4) Voy. sup., t. III, p. 853, liv. IV, chap. vit.

(5) Cah. des Ét., t. II, p. 40 et 56.

(6) 1bid., ibid., p. 37.

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plus facile d'une partie de la presqu'île, était entravée dans son cours, nous l'avons vu dans le précédent chapitre, par les entreprises des riverains. Les habitants des vicomtés de Bayeux, Coutances et St-Lo offrirent de faire, à leurs propres frais, les travaux indiqués pour rendre la rivière navigable jusqu'à cette dernière ville (1). La proposition fut acceptée et réalisée quelques années plus tard. Elle attestait, disons-le en passant, un esprit d'initiative qu'il serait difficile de rencontrer aujourd'hui (2).

(1) Cah, des Ét., t. II, p. 64.

(2) Les États inscrivaient, depuis longtemps, dans leurs cahiers, l'article relatif à la navigation de la Vire. En 1605, ils affirmaient que plus de 200 bateaux portaient la tangue jusqu'aux Claiz de Vire (*), où les laboureurs venaient la chercher de plus de dix lieues à la ronde (Cah. des Ét., H. IV, t. II, p. 69). En 1634, dans une requête présentée au bureau des finances (Reg. du bur., 1634, fo 135), M. de Mathan, conseiller au parlement, exposait que, depuis quelques années, la Vire avait été rendue navigable jusqu'aux ponts de St-Fromond et de Menivitey ou d'Airel, « par le soin et la bonne « volonté et aux frais exclusifs des paroisses voisines »; que, jour et nuit, il flottait sur cette rivière nombre de bateaux de 50 à 60 tonneaux de jauge, qui faisaient le commerce du Cotentin avec Rouen, Paris et autres lieux, et qu'il était de l'intérêt du roi et des taillables de favoriser cette navigation; mais que les voies d'accès des deux ponts n'ayant que douze pieds de largeur en certains endroits, il était impossible aux chevaux et aux charrettes d'aborder le port; qu'il était également urgent de reconstruire le pont de Ménivitey. M. de Mathan et le sieur de Ménivitey offraient d'avancer les fonds que les travaux exigeraient. Sur cette requête, le bureau décida que l'un de ses membres se transporterait sur les lieux avec le voyer; qu'il serait dressé un devis ; qu'une adjudication aurait lieu et que Sa Majesté serait priée d'ordonner une levée de deniers sur les vicomtés de Bayeux et de Carentan, pour rembourser les avances qui auraient été faites. Il fut procédé à une adjudication le 20 mars 1634 (Reg. du bur., 1634, fos 166, 179 verso et 196). En 1641, les ponts n'étaient pas encore reconstruits. Les habitants préten

(*) Ce lieu, en face de Pont-Hébert, était ainsi appelé de claies qu'on plaçait dans la rivière pour la pêche du saumon (Voy. les cartes des diocèses de Coutances et de Bayeux, par Mariette et Jolliot).

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