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hostile au jeune roi. Elle était prête à lui ouvrir ses portes, mais elle était tenue en respect par les canons du château. Le chevalier de Vendôme en avait confié la garde à son ancien précepteur, nommé Prudent, « plus accou<«<tumé, comme fils d'un maçon, à ouïr le bruit des mar<«<teaux que celui des canons (1) », et qui « vivoit en << mauvais ménage avec les bourgeois et les menaçoit de « la ruine (2). »

La présence de Louis XIII amena vite la reddition de la forteresse (17 juillet 1620) (3). Le marquis de Mauny remplaça le Grand prieur et porta la garnison à 250 hommes, tant français que suisses (4).

Ce succès arrêta tout mouvement dans le Cotentin. Plusieurs des gentilshommes, dont on suspectait, non sans quelques motifs, les dispositions secrètes, s'empressèrent d'accourir à Caen, et d'assurer le vainqueur de leur fidélité. De Matignon, les deux de Bricqueville, de La Luzerne, de Beuvron, de Montgommery, furent de ce nombre. Toutes les villes de la presqu'ile, ou pays bas, suivirent leur exemple (5). Le sieur Dumesnil fut chargé

(1) Mém. de Richelieu, p. 223.

(2) Journ, de Lemarchand, ms. f 101.

(3) Le récit détaillé de cet épisode, avec pièces à l'appui, a été publié par M. L. Puiseux dans les Méin, de la Soc. des Antiq. de Norm. (t. XXII, p. 27 et suiv.). Aux documents cités, on peut ajouter: Le Narré du voyage du Roy en Normandie (ap. Mém. de M. Molė, t. I, p. 237); - L'entrée de Louis XIII d Caen, 1620;- Copie ms. d'une plaquette très-rare publiée à Paris, en 1620, chez Fleury-Bourriquant et intitulée: Le voyage du Roy en Normandie et la réduction du Chasteau de Caen à l'obéissance de S. M. (Biblioth. de Caen, ms. in-4°, n° 298), et le récit du Mercure françois, t. VI, 2o part., p. 270 et suiv.

(4) Reg. du bur., 1620, f 77. Le château était en si mauvais état que les 250 hommes purent à peine y être logés.

(5) Mém. de Fontenay, p. 148. Masseville, t. VI, p. 100, Journal de Lemarchand, ms. fo 107.

de la surveillance des côtes de la mer (1).

L'armée

royale put ainsi marcher jusqu'à la Loire sans rencontrer

de résistance.

Avant de quitter la Basse-Normandie, le Conseil d'état jugea, cependant, utile de prendre deux arrêtés: - le premier, portant défense à tous les comptables « de payer « aucune somme pour gages, rentes, pensions, entretenements de garnisons ou autres deniers de quelque « nature qu'ils fussent, à ceux qui s'étoient élevés contre . Sa Majesté ; et, le second, ordonnant aux receveurs de recevoir, comme argent comptant, les quittances délivrées par les trésoriers de l'épargne et de l'extraordinaire des guerres, et maintenant les honoraires accordés par les ordonnances antérieures pour le transport, avec escorte, des deniers publics (2).

Le calme n'était point tellement assuré qu'on pût négliger les précautions qui avaient été prises jusque-là, et qui le furent encore pendant longtemps. Dans le mois qui suivit la soumission du château de Caen, nous voyons que l'escorte qui avait accompagné le transport des recettes des élections de Valognes, Carentan et Avranches, n'avait pas coûté moins de 283 liv. 10 sous (3).

(1) La commission est à la date du 20 juillet (Mss. de M. de Chantereyne, ap. Hist. des guerres, etc., p. 214).

(2) Reg. du bur., 18 juillet 1620, f° 76. La reine, aux dates des 1 et 27 juillet, donna commission de lever des gens de guerre et des deniers (Rec. de pièces, t. II, p. 294 et 317).

(3) Reg.du bur., 11 août 1626, fo 79. L'officier chargé des deniers était payé 6 liv., son greffier, 4 liv. 10 sous, et chaque archer, 9 sous par jour. Le voyage avait duré neuf jours.

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CHAPITRE II.

Nouvelle prise d'armes des protestants. Assemblée de La Rochelle. Désarmement des protestants. Montgommery cède Pontorson. - Il est Conspiration de Montchrétien.

nommé gouverneur d'Argentan.

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mort. testante.

Sa Défaite de la flotte pro

-Soumission de La Rochelle. États provinciaux de 1623 et

1624. Leurs doléances. Exigences des agents du fisc. - Misère dans le Cotentin. Démolition des fortifications de Pontorson.

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Nouvelle entreprise de Soubise. - Enquête par le bureau des finances sur les exactions des gens de guerre. 1620-1625.

Le roi, en quittant la Basse-Normandie, se dirigea sur la Loire. De Mortagne-au-Perche, où il passa le 28 juillet 1620, il adressa aux princes une sommation de déposer les armes, à laquelle ils n'obéirent pas (1). La victoire du Pont-de-Cé (7 août) fut plus efficace; elle amena la soumission des séditieux, et fut suivie du traité d'Angers, conclu par l'entremise de l'évêque de Luçon et du duc de Luynes, « qui se montrèrent très-satisfaits l'un de l'autre » (13 août 1620) (2).

Il était facile de prévoir que si la paix était faite entre les deux partis qui divisaient la cour, il y en avait un troisième qui n'abandonnerait pas, aux mêmes conditions, les espérances que les troubles renaissants et les affaires d'Allemagne lui avaient rendues (3). Ce parti était celui

(1) Recueil de pièces, etc., t. II, p. 250. L'enregistrement au Parlement de Norm, est du 13 août. (Reg. sec., t. XIX, f 185 verso.)

(2) Mém. de Fontenay-Mareuil, p. 153. Reg. secr., t. XIX, p. 186

verso.

(3) La guerre de 30 ans venait de commencer.

de la réforme, auquel l'édit de Nantes avait laissé une organisation qui le constituait en un véritable état dans l'état (1). Le rétablissement du culte catholique en Béarn et la réunion de ce petit royaume à la couronne furent le prétexte et le signal du soulèvement du Midi et de la Saintonge.

Au commencement du mois d'octobre, il s'était tenu, à Alais, une assemblée générale des sept cent cinquante églises de France qui, divisées en seize provinces, furent représentées par leurs ministres. La Normandie le fut par les ministres La Rivière, Macé et Membré (2). Le roi était à peine de retour à Paris, que l'orage éclata.

L'assemblée de La Rochelle, fixée au 28 novembre 1620, ne lança son manifeste que le 21 mai 1621. C'était le plus audacieux défi que jamais une minorité factieuse eût osé jeter à un gouvernement établi. C'était la république proclamée en face de la monarchie absolue. La France était partagée en huit grands commandements, auxquels on donna tous les attributs de la souveraineté. Le duc de Bouillon eut la Normandie, l'Ile-de-France, l'Anjou, le Maine, le Perche et la Touraine; Benjamin de Rohan, seigneur de Soubise, eut la Bretagne et le Poitou, etc. (3).

La rébellion n'avait pas à compter, en Basse-Normandie, sur un concours certain et important. Les chefs lui manquaient. Les catholiques, et, à leur tête, le duc de Longueville, qui, après une disgrâce passagère, avait repris ses fonctions, n'entendaient nullement la favoriser aux dépens de leur influence et de leur fortune; la plupart des gentilshommes protestants n'étaient pas non plus

(1) Hist. gén. de la rébellion, etc. (Cl. Malingre), t. I, p. 10.

(2) Ibid., id., p. 10.

(3) Hist. gén. de la Rébellion, etc., t. I, p. 167.—Masseville, t. VI, p. 103, Le Mercure françois, t. VII, p. 306 et suiv.

elc.

disposés à échanger la paix, dont ils jouissaient dans la province, contre les hazards d'une guerre, dont l'issue ne pouvait être que la défaite ou l'anarchie.

Le gouvernement prit, d'ailleurs, ses précautions. Au moment où parut le manifeste de La Rochelle, il ordonna le désarmement des réformés dans les villes de Normandie où ils se trouvaient en certain nombre. Le duc de Longueville, à Rouen, et le marquis de Mauny, à Caen, procédèrent, avec une grande modération et un plein succès, à cette mesure de prudence, qui s'exécuta également dans le Cotentin. Il y avait cependant à l'extrémité de cette dernière région, un personnage que sa situation particulière indiquait aux sollicitations des factieux, en même temps qu'aux défiances de la cour. Le comte de Montgommery (1) avait fait, depuis de longues années, sa résidence ordinaire et comme sa propriété personnelle de la ville de Pontorson. Il en avait relevé les fortifications à ses frais et l'avait mise en état de soutenir un siège. Son influence était telle, qu'on estimait à deux mille hommes la petite armée qui, à son appel, serait venue se ranger sous ses ordres (2).

Il était donc fort redouté. Le roi ne pouvait, dans l'état critique de ses affaires, tolérer cette cause permanente de troubles. Un arrêt du conseil décida que les fortifications de Pontorson seraient rasées, et que les terrains occupés par les fossés et les murailles seraient confisqués et concédés à M. Morant, trésorier-général à Rouen. La difficulté était d'exécuter la commission. La chambre des comptes

(1) Il s'agit ici de Gabriel (2o du nom), troisième fils du vaincu de Domfront. L'aîné, Jacques, était lieut.-gén. du roi au diocèse de Castres. Deux autres fils, Gilles et Gédéon, ainsi que quatre filles étaient morts. La terre de Ducey était échue à Gabriel dans le partage de la succession (Annales civ. et milit., par l'abbé Desroches, p. 376).

(2) Ilist. gen. de la Rébellion, t. X, p. 251.

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