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Falmouth; qu'une expédition contre Guernesey se préparait: que déjà deux cents hommes avaient été engagés ; que trois frégates devaient aller à Bordeaux en embarquer un plus grand nombre, et que l'expédition se composerait de vingt à trente voiles et aurait lieu à la fin de septembre, si le vent et la mer le permettaient (1).

Cette révélation causa un vif émoi aux autorités de l'île (2), que ne rassurait pas assez la présence des huit ou dix pataches qui stationnaient dans la rade. Pierre Carey, sur la prière de ses collègues, se rendit à Londres. Il fut reçu, le samedi 20 septembre, par les commissaires qui, sur la lecture des lettres dont il était porteur, l'autorisèrent à demander au vice-amiral un certain nombre de vaisseaux et à recruter deux cents carabiniers. A Douvres, il obtint sept frégrates, avec lesquelles il revint à Guernesey, le 5 octobre (3). Les pouvoirs conférés au comte de Warwick furent prorogés d'une année.

Ces mesures de précaution firent, sinon abandonner, du moins remettre les projets d'attaque à un autre moment. En attendant, la détresse de sir Osborne augmentait. Il s'en plaignit amèrement aux commissaires du roi à Jersey (4). Aux fatigues et aux privations qu'il supportait depuis trois ans, était venue s'ajouter la mutinerie de ses soldats, qui, se sentant appuyés par les dispositions peu bienveillantes que Georges de Carteret avait trop

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(2) Pierre Carey avait envoyé sa fille à Rennes, et beaucoup d'autres avaient fait comme lui (Lettre de P. Carey à l'un de ses parents nommé Gamont, à Rennes, du 2 juin 1645.

Carey, mss.).

(3) Les sept frégates étaient: The Star, The Greyhound, The Robert, The Lilly, The Welcome, The Dove el The Nicodemus (Careys mss.).

(4) Lettre du 30 oct. 1645.

souvent laissé apercevoir, demandaient un autre commandant (1).

L'année se termina sans autre incident qu'une nouvelle lettre du comte de Warwick qui, le 31 décembre, pressa encore le vieux et énergique capitaine de rendre la citadelle au parlement, en lui promettant de le remettre en possession de tous ses biens, revenus, places et honneurs (2). Sir Osborne persista dans son refus (3). Plus que jamais il importait au roi de conserver le château. Cornet, sans lequel la sécurité de Jersey eût été fort compromise. En face des événements de plus en plus graves dont l'Angleterre était le théâtre, les îles normandes apparaissaient comme le dernier refuge de la royauté vaincue par la révolution.

CHAPITRE III.

Revers de Charles Ier. Manifeste des États de Jersey.

Rapport de sir

Osborne. Sa disgrace. Le prince de Galles à Jersey. Son départ. Projet de cession des îles à la France. Abandon du projet. Situation critique du château Cornet. -- Résolutions du Parlement contre Jersey.— Le colonel Coxe. Edw. Hyde et son Histoire de la Rebellion. - Charles Ier, prisonnier à Carisbrook. Tentative de G. de Carteret pour le délivrer. Condamnation et exécution du roi. — 4646-1649.

Charles Ier, poursuivi par des revers qui ne laissaient que trop prévoir une catastrophe, avant de songer à sa

(1) La pétition demandait Amias Andros, seigneur de Saumarez.

(2) Lettre du 31 déc. 1645 du comte de Warwich à sir Osborne (Osborne's mss.).

(3) Lettre du 15 février 1645 (Osborne's mss.).

propre sûreté, pensa à celle de son fils. Il avait confié le jeune prince de Galles, avec une armée de huit mille hommes, à son fidèle et courageux lieutenant, lord Hopton (1); il lui avait recommandé de le conduire au-delà de la mer aussitôt qu'il le verrait en danger de tomber aux mains des rebelles. Le docteur Henry Janson s'était rendu, vers la fin de décembre 1645, à Jersey, et en avait remporté une lettre de Georges de Carteret au roi. II s'agissait de choisir l'île comme lieu de refuge, lorsque le moment de quitter l'Angleterre serait arrivé. L'émissaire revint, dans les derniers jours de février 1646, porteur d'une réponse du roi qui remerciait les États de leur loyal dévouement (2).

Les États s'assemblèrent aussitôt et rédigèrent, à la date du 5 mars, un long manifeste. Ils y rappelaient que l'île, étant un reste du duché de Normandie, ayant été soumise, jusqu'à la réforme, à la juridiction spirituelle de l'évêque de Coutances et n'acceptant pas d'autres lois que les Coutumes Normandes, n'avait jamais été considérée comme une dépendance de l'Angleterre; que leurs libertés et privilèges leur interdisant de prendre les armes contre leurs souverains légitimes, ils protestaient de leur ferme résolution de maintenir la religion protestante, en même temps que l'autorité du roi. Ils défendaient ensuite Georges de Carteret contre les injustes attaques dont il était l'objet, et justifiaient les mesures qu'il avait prises dans l'intérêt des habitants et de la conservation de l'île. Ils finissaient par un appel à la Providence divine, qui les soutiendrait dans leurs épreuves contre leurs ennemis, et ferait triompher le bon droit (3).

(1) Hist. of the Rebellion, t. VII, p. 148.

(2) Historic. manusc.

(3) Constit. hist. of Jersey, p. 590.

Les événements avaient marché rapidement. L'armée de lord Hopton avait battu en retraite devant les forces supérieures de Fairfax qui la suivit en Cornouailles. Le prince héritier s'était retiré, le 6 mars, dans l'île SteMarie, de l'archipel des Scilly; et, le 14, l'armée royale défaite, quelques jours avant, à Torrington, avait capitulé devant Truro. Il ne restait plus au roi ni une place, ni un soldat dans l'Ouest de son royaume.

Une autre question avait été agitée dans le conseil du prince, pendant les négociations qui avaient eu lieu avec le lieutenant gouverneur de Jersey. La sécurité de l'île paraissait suffisamment assurée; mais le voisinage de Guernesey était un sujet d'inquiétude. Le 1er février 1646, sir Thomas Fanshawe, secrétaire du conseil (1), fut chargé de porter au château Cornet des instructions particulières et une lettre du chancelier de l'Échiquier, sir Edward Hyde, le futur lord Clarendon (2). Il s'en alla par la Normandie, conduisit sa famille à Morlaix, et s'embarqua, le 11 mars, à Granville, avec plusieurs gentilshommes, un bagage considérable et une forte somme d'argent; qui, observe le chroniqueur, était peu commun chez les Cavaliers. Il envoya, le 15, une dépêche à sir Peter Osborne pour lui soumettre un plan de campagne et avoir son avis on pouvait, ou envahir l'île avec une troupe nombreuse qui serait recrutée à l'étranger, par lord Jermyn, ou surprendre la ville de St-Pierre, avec une moindre force, les campagnes, selon toute probabilité, ne devant faire aucune résistance aux armes du roi. Le concours de Georges de Carteret était assuré.

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A la même date du 15 mars, sir Osborne reçut, de St

(1) Hist. of the Rebel., t. VIII, p. 82.

(2) Sir E. Hyde, on le sait, ne devint pair d'Angleterre et comte de Clarendon qu'en 1660.

Malo, une lettre de son fils John, qui avait quitté les Scilly depuis cinq jours seulement. Lord Culpepper et M. Long, le secrétaire du prince, qu'il avait vus à leur retour de Paris, lui avaient dit qu'ils avaient ordre de s'entendre avec lord Jermyn sur les moyens les plus prompts de réduire Guernesey; ils recommandaient à sir Th. Fanshawe de les informer sans retard, à Paris, de ce qui serait décidé à ce sujet; le prince resterait à Ste-Marie, jusqu'à ce que son séjour dans les îles ne présentât aucun danger (1).

Cette condition n'était point aisée à obtenir. Le major Russell venait de tenter une attaque contre le château Cornet; il en avait endommagé, par un feu violent d'artillerie, les murailles et les toîtures. Sir Osborne avait immédiatement riposté en ruinant à coups de canon les maisons de la ville qui avaient été reconstruites depuis quelque temps.

Le 2 avril, sir Fanshawe passa à Guernesey. Il voulait conférer avec le commandant et le réconcilier, s'il le pouvait, avec son collègue de Jersey. Il trouva la garnison du château mutinée; son chef enfermé dans ses appartements et deux pièces de canon braquées contre sa porte. Sir Osborne avait provoqué cet acte d'insubordination en frappant, à tort sans doute, le maître canonnier, du plat de son sabre. Sir Fanshawe réussit à rappeler les soldats à leur devoir. Après être resté pendant six jours dans la forteresse, il revint à Jersey, où sir Osborne lui adressa, peu de temps après, le rapport qu'il lui avait demandé.

D'après sir Osborne (2), la réduction de Guernesey n'exigerait pas moins de 800 hommes bien armés et bien

(1) Lettre du 18 mars 1646 (Osborne's mss.).

(2) Moyens nécessaires pour réduire Guernesey, avril 1646. anglais de la main de sir Osborne (Ap. Osborne's mss.).

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