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12 août, 1871 a rejeté les prétentions allemandes, et avec raison. LOENING (1) a repris en 1873, les doléances de ses compatriotes. Mais il est clair qu'on ne saurait accorder aux armistices et aux préliminaires de paix un caractère définitif qu'ils ne comportent pas; le traité de paix seul constitue de véritables droits, et la transformation de l'occupation en conquête ne saurait se parfaire que par sa signature (2).

60. En ce qui regarde les actes des habitants du pays occupé contre l'envahisseur, ou de l'envahisseur contre les habitants, il s'établit une sorte de prescription qu'on a désignée à tort du nom d'amnistie. Il s'agirait plutôt d'une renonciation tacite et forcée des deux côtés à toute réclamation officielle relative à ces actes (3), dans l'impossibilité où les intéressés se trouveraient vis-à-vis l'un de l'autre pour engager une action. Mais, comme nous le verrons plus tard, les habitants du territoire qui a été occupé restent toujours responsables, vis-à-vis de la loi nationale, des crimes ou délits qu'ils ont pu commettre contre leur patrie pendant la durée des hostilités (4). Quant aux actes accomplis par l'ennemi dans la limite des pouvoirs reconnus par le droit des gens, ils ont une validité certaine que la cessation de l'occupation ne doit pas faire disparaître (5).

(1) R. D. I., 1873, pp. 123 sqq.

(2) CHARLEVILLE, De la Validité juridique des actes de l'occupant. (3) GEFFEKEN-HEFFTER, op. cit., § 180, n. 8; CALVO, règles

3137, 3145.

(4) FUNCK-BRENTANO-SOREL, op. cit., pp. 316, 317; BONFILS,

1707.

(5) PILLET, t. II, op. cit.

Il en sera de même des actes intervenus entre les particuliers, pourvu qu'ils n'aient rien de contraire à l'ordre public; nous verrons que la même validité s'applique aux jugements rendus dans les formes et avec les garanties requises par la loi (1).

61. C'est par un abus de mots qu'on a voulu également transporter le jus postliminii du droit romain aux relations internationales et en faire une sorte de conséquence de la fin de l'occupation. En ce qui concerne les droits des particuliers, ils ne sauraient avoir été atteints par la guerre, qui n'est plus qu'une relation d'État à État. Et quant aux rapports entre belligérants, le droit de postliminii est également superflu, puisque l'occupant, n'étant jamais devenu souverain du pays occupé, n'a pu agir en vertu du droit de souveraineté. Le particulier lésé de ce chef serait en droit de réclamer à l'État, en fin d'occupation, des indemnités réparatrices (2).

(1) BLUNTSCHLI, R. 720, 721, 727, 728, 731, 732, 735. (2) HEFFTER, op. cit., § 187, 190;

§ 3169 sqq.

CALVO, op. cit., t. V, liv. II,

CHAPITRE III

L'OCCUPATION DE GUERRE ET LE DROIT
DE SOUVERAINETÉ

I.

Le Droit de Souveraineté.

62. L'impossibilité où se trouve le gouvernement légal du pays occupé d'exercer publiquement ses droits de souveraineté, la substitution de fait de l'autorité de l'occupant à celle du vaincu, et l'acceptation, expresse ou tacite, de cette autorité, par les habitants du pays occupé ne constituent-ils pas un lien politique entre l'occupant et les habitants? Et ce lien politique n'est-il pas d'une nature telle qu'il affecte, en le diminuant, le droit de souveraineté de la nation vaincue ?

63. En quoi consiste la souveraineté ? Ecartons d'abord l'idée purement philosophique de souveraineté sociale, laquelle résulte de la formation de la société même, du passage de l'état de nature à l'état social, et de la prédominance de celui-ci sur celui-là. Nous

considérerons seulement ici la souveraineté politique, en vertu de laquelle une nation ne saurait exister sans l'exercice d'un certain nombre de droits.

Quels sont ces droits?

C'est, tout d'abord, et en premier lieu, le droit à l'existence, lequel engendre tous les autres; le droit de conservation, qui a pour corollaires les droits de perfectibilité, d'extension, de défense et de sûreté; le droit à la liberté, qui suppose les droits de propriété, de législation, de juridiction et d'indépendance. De ce dernier découlent, naturellement, le droit de guerre, et celui de conclure des traités avec les autres nations, d'égal à égal.

63 bis. Considérée au point de vue purement pratique, la souveraineté est intérieure ou extérieure. En cas de guerre, la souveraineté extérieure qui consiste surtout dans l'indépendance, reste entière vis-à-vis des neutres; et cette reconnaissance des neutres, qui est de règle en matière de droit international, est comme une consécration, malgré les vicissitudes de la guerre, de la souveraineté réciproque des nations belligérantes. Et non seulement cette souveraineté extérieure n'est pas affectée par l'état de guerre, mais les représentants mêmes des nations belligérantes, en pays neutres, doivent se considérer, les uns par rapport aux autres, comme en état de paix. Car ce qu'ils représentent alors, c'est moins leurs propres nations que l'idée même du droit de souveraineté. En face les uns des autres, ils sont comme des entités, ils représentent des prin

cipes; or, les entités, les principes ne sauraient se considérer comme ennemis.

64. La souveraineté intérieure, qui se manifeste, dans une nation, par la forme du gouvernement qui la régit, et qui sanctionne les droits et les devoirs de chaque citoyen, implique une certaine organisation politique et administrative, un droit de législation et de juridiction, en vertu desquels le gouvernement proprement dit, l'administration, les fonctions publiques sont dévolus aux nationaux suivant des règles précises fixées par des lois et des règlements.

A ce dernier point de vue, la souveraineté serait donc moins un fait qu'une notion en vertu de laquelle toute société politique a le droit, non seulement de définir les rapports des citoyens entre eux, mais encore de faire respecter par tous, et même par les nations étrangères, les institutions qu'elle a organisées (1).

65. BLUNTSCHLI (2) a parfaitement défini la souveraineté, quand il a dit qu'elle consistait, pour un État :

« 1o Dans l'indépendance de cet État vis-à-vis d'un « État étranger:

« 2o Dans la liberté qu'il a d'arrêter et d'exprimer « par des actes sa volonté, sans qu'un autre État << ait le droit de s'y opposer; c'est le pouvoir, ajoute-t-il, à sa plus haute puissance. »

(1) CHARLEVILLE, op. cit., p. 13.
(2) BLUNTSCHLI, op. cit., règle 64.

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