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entrant, se précipita aux genoux de son mari....... Sa sœur et ses enfans en firent de même...... Et Louis qui n'étoit pas inaccessible à ces marques d'attendrissement et d'amitié, prouva, en les imitant, qu'il en avoit beaucoup lui-même pour sa femme et sa famille. On les vit ainsi, dans les bras l'un de l'autre, pendant une demiheure presque entière.... Les larmes, les sanglots et les soupirs entrecoupés furent pendant tout ce temps, les expressions de leur douleur commune....... Ce fut après être restés une heure environ avec lui, que Marie-Antoinette, sa sœur et ses enfans se retirèrent, en lui faisant promettre de les aller voir avant de se coucher. En sortant de la chambre, Antoinette passa devant les officiers municipaux, et leur dit, d'un ton de colère et de menace: Vous êtes tous des scélérats. Le soir, vers dix heures, Antoinette et Elisabeth revinrent le voir. Leur esprit étoit un peu plus calme; leur visite fut un peu moins longue; et en le quittant, elles firent promettre à Louis de ne pas partir le lendemain sans les voir, ce qu'il leur promit (1).

(1) Un autre témoin rapporte le même fait, ainsi qu'il suit: Lorsqu'on eut signifié à Louis la proclamation du conseil exécutif provisoire, relative à son supplice, il demanda surle-champ à parler à sa femme; les commissaires manifestèrent quelque répugnance à le laisser parler. Pour lever toute difficulté, ils lui proposèrent de faire venir sa famille dans son appartement; ce qu'il accepta. Sa femme, sa sœur, ses enfans, descendirent donc : l'entrevue eut lieu dans la salle où il avoit coutume de manger, et dura une heure et demie. En se retirant, sa famille le pria de la voir encore une fois dans la matinée du lendemain. Louis se débarrassa de leurs sollicitations, en ne répondant ni oui, ni non; c'est ainsi qu'ils se quittèrent. MarieAntoinette de retour chez elle se mit à crier.... Les bourreaux!... Puis en adressant la parole à son fils, elle lui dit : Apprenez, mon fils, par les malheurs de votre père, si vous montez sur le trône, à ne pas vous venger de sa mort.

Le lendemain matin, dès les quatre heures, Louis étoit sur pied; il demanda son confesseur qui se présenta. A cinq heures, il assista à la messe, il y fit ses dévotions. Plusieurs choses indifférentes se passèrent jusqu'à l'heure de huit, époque où l'on devoit le prendre au Temple pour le conduire à sa destination. Plusieurs fois il voulut voir son confesseur et s'entretenir avec lui; plusieurs fois il demanda à être seul, et il se retira dans un petit cabinet, en forme de tourelle, pour y méditer.

Cléry entra quelque temps après dans sa chambre; il le prit par la main, et lui dit : Cléry, vous avez tort de vous affecter si fortement ; ceux qui ont encore de l'amitié pour moi, doivent au contraire se réjouir de me voir arriver au terme de mes souffrances (1).

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Huit heures sonnent: deux commissaires de la commune, spécialement nommés pour le conduire à l'échafaud se présentent avec le chef de la force armée (Santerre). Ces deux commissaires étoient tous les deux piêtres; l'un s'appeloit Bernard, et l'autre Jacques Roux. Louis est effrayé de leur abord..... Il va se recueillir pendant quatre minutes dans la cellule de ses méditations; il en sort assez rassuré, et s'adressant à Jacques Roux, il lui présente un paquet qui conte

(1) Louis voyoit arriver de sang-froid et avec calme l'instant qui devoit terminer sa vie, et il y avoit long-temps qu'il en avoit fait le sacrifice, à en juger par l'anecdote suivante, dont plusieurs personnes garantiron l'authenticité. Il y a près de deux ans que M. de Liancourt, représentant à Louis que les modifications et le VETO qu'il apposoit à certains décrets, pouvoient l'exposer.... « Que me feront-ils? répondit Louis XVI; ils me tueront eh bien! j'acquerrai une couronne immortelle pour une périssable ». On voit que c'est dans la religion seule que Louis puisoit son courage et sa résignation.

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noit son testament. Monsieur, lui dit-il, je vous prie de remettre ce paquet au président du conseil-général de la commune. Je ne puis, lui répliqua Jacques Roux, me charger d'aucun paquet; ma mission se borne à vous conduire à l'échafaud..... Sur cette réponse barbare, Lou's adressa les mêmes paroles au citoyen Baudrais, commissaire de la garde au Temple, qui se chargea de son testament, et le remit au conseil-général de la commune. Santerre étoit là; il s'approche de Louis, et lui dit: Monsieur, l'heure approche, il est temps de partir. Louis demande à se retirer pour un instant dans son cabinet afin de s'y recueillir..... Il en sortit un instant après; et sur la seconde invitation de partir, qui lui fut faite par Santerre et les commissaires, après avoir levé les yeux au ciel, il frappa du pied droit contre le plancher, en disant ces mots: ALLONS, PARTONS, et il partit en effet.

Depuis la porte de la sortie dans la cour jusqu'à la grande porte qui donne sur la rue, il y avoit une double haie de volontaires; il monta en voiture....

Plus de dix mille hommes étoient aux environs du Temple, et surtout du côté où il devoit passer. Une double haie bordoit le chemin de l'un et l'autre côté, depuis le Temple jusqu'à la place de la Révolution. Aucune voiture ne rouloit ce jour-là ; et dans tous les quartiers où il devoit passer, il y avoit à peine des issues pour ceux qui étoient à pied. Nul ne pouvoit y paroître, s'il n'étoit armé d'un fusil, d'un sabre, ou d'une pique. Il part..... Il étoit précédé d'une force armée tant à pied qu'à. cheval.

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Louis fut près de deux heures en chemin, s'entretenant avec son confesseur, et répétant les prières des agonisans.

Arrivé près de l'échafaud, comme ses prières n'étoient pas finies, il les acheva avec une grande tranquillité, et

descendit de la voiture avec calme. Etant descendu, il porta les yeux sur la multitude de soldats qui l'environnoient, et dit aux tambours d'une voix ferme : taisez-vous!...... et les tambours s'arrêtèrent soudain. Santerre étoit à quelque distance; il accourt, et ordonne de continuer le roulement. Les tambours reprennent. Alors Louis perdant tout espoir de se faire entendre ne parla plus qu'à lui-même et à celui qui étoit chargé de lui ôter la vie: Quelle trahison ! s'écria-t-il.... Je suis perdu!.... Je suis perdu!.... Il quitta lui-même sa redingote, délia ses cheveux, ôta sa cravate, ouvrit sa chemise pour découvrir son col et ses épaules, et se mit à genoux pour recevoir la dernière bénédiction de son confesseur. Aussitôt il se releva et monta avec courage à l'échafaud.

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Il demanda à parler au peuple; on lui dit qu'il falloit, avant tout, qu'il eût les mains liées, et les cheveux coupés. Les mains liées ! reprit Louis un peu brusquement. Et se remettant aussitôt, il leur dit: Faites tout ce qu'il vous plaira. Lorsque ses mains eurent été liées, et ses cheveux coupés, Louis dit : J'espère qu'à présent on me permettra de parler; et il s'avança sur le côté gauche de l'échafaud, fit signe aux tambours de cesser, et dit d'une voix haute et ferme. Je meurs parfaitement innocent de tous les prétendus crimes dont on m'a chargé. Je pardonne à ceux qui sont la cause de mes infortunes. J'espère même que l'effusion de mon sang contribuera au bonheur de la France. Et vous, peuple infortuné..... Ici Santerre l'interrompit et lui dit : je vous ai amené ici non pour haranguer, mais pour mourir. Aussitôt les tambours couvrirent toutes les voix, les exécuteurs l'attachèrent, et la tête de Louis tomba : l'un des bourreaux la montra au peuple, et le peuple cria: - Vive la Nation! vive la République!

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Dès l'instant que Louis fut sorti du Temple, son départ fut annoncé au conseil-général de la commune, qui étoit en permanence. Toutes les six minutes à peu près, des hoquetons venoient annoncer au conseil ce qui se passoit, et à quelle distance étoit Louis. C'étoit le ci-devant marquis Duroure, qui présidoit le conseil. A l'instant où l'on vint lui annoncer que la tête de Louis venoit de tomber, Duroure partit d'un éclat de rire, en jetant en avant ses bras en signe de joie, et adressant la parole à ses collègues et aux spectateurs, il leur dit : Mes amis, l'affaire est faite, l'affaire est faite, tout s'est passé à merveille.

Procès-verbal de la mort de Louis XVI, dressé par les commissaires nommés par le conseil exécutif pour assister à son exécution.

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<«< L'an 1793, deuxième de la république française, et le 21 janvier, nous soussignés Jean-Antoine Lefebvre, suppléant du procureur-général-syndic du département de Paris, et Antoine-François Momoro, tous deux membres du directoire dudit département, nommés aux effets ci-après par le conseil-général du département; et François-Pierre Sallais, François-Germain Isabeau, tous deux commissaires nommés par le conseil exécutif provisoire aux effets également ciaprès énoncés ; nous nous sommes transportés à l'hôtel de la Marine, rue et place de la Révolution, lieu à nous indiqué par nos commissaires, à neuf heures du matin de ce jour, où étant, nous avons attendu, jusqu'à dix heures précises, les commissaires nommés par la municipalité de Paris, ainsi que les juges et le greffier du tribunal criminel du département de Paris, en l'absence desquels l'un de nous à dressé le présent procès-verbal,

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