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clarent la guerre, soit que Louis subisse à l'instant la peine de mort, soit que nous en suspendions l'exé

cution.

D'un autre côté, quels inconvéniens ne présenteroit par le sursis à votre décret? Il est une faction dont la tendance au pouvoir absolu est aujourd'hui très-évidente: croyez qu'elle se servira de votre décret, si vous prononcez le sursis, pour calomnier la convention nationale; et comme elle est très-habile, cette faction, dans l'art de la calomnie, je prévois douloureusement que la convention nationale, investie de toute la puissance publique, doit pourtant succomber tôt ou tard sous les efforts liberticides. Ah! sans doute, aucune considération humaine ne feroit fléchir votre opinion ni la mienne, s'il falloit commettre une injustice, ou violer un principe; mais lorsqu'au contraire, c'est la justice même qui a prononcé la mort de Louis; lorsque toutes les considérations politiques, tirées de nos rap-. ports avec les puissances étrangères, ne présentent aucun danger pour nous dans cette condamnation, je ne vois, pas pourquoi, dans ces circonstances, nous hésiterious de remplir le vœu de la loi, et d'échapper nous-mêmesau danger qui nous presse.

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D'autres trouveront peut-être qu'il seroit plus digne de notre courage de résister dès ce moment au danger;' mais quand nous pouvons ôter aux malveillans une arme terrible, dirigée contre nous, pourquoi refuserions-nous de les désarmer? La faction est là; armée de calomnie, elle doit nécessairement entraîner à sa suite, sous ses drapeaux, cette foule d'hommes crédules, à qui l'on répète que nous sommes des royalistes. Quels ne seroient pas les malheurs de la patrie, si l'opinion publique se corrompoit au point que, dans la division générale des esprits, il nous fût impossible de

trouver des soldats pour nos armées et des matelots pour nos flottes!

Il faut donc exécuter Louis Capet, puisque le jugement en est prononcé; mais il faut aussi anéantir les factions. Pourquoi, lorsqu'un décret avoit été porté, qui expulsoit les Bourbons du territoire de la république, pourquoi nous a-t-on forcés de le rapporter? La seule démarche des sections de Paris, et leurs agitations au moment où vous l'eûtes rendu ce décret salutaire, ne vous en ont-elles pas démontré la nécessité? Pourquoi nous a-t-on parlé de la qualité de représentant que le peuple a conférée à Philippe d'Orléans? Ne sommesnous donc pas soumis, comme représentans, aux lois de police et aux lois criminelles? Pourquoi Philippe d'Orléans ne seroit-il pas soumis à une loi politique qui exclut les Bourbons du territoire de la république? Il me semble avoir encore entendu cette singulière raison, les ci-devant princes font vivre une quantité d'ouvriers. Il faudroit donc, dans ce système, rappeler la cour; la cour faisoit vivre de sa corruption un nombre d'hommes bien plus considérable. Paris a beaucoup perdu à la révolution, je le sais; mais est-ce avec des princes, et par l'argent des princes, que cette ville réparera ses maux? Non......... c'est par la paix intérieure, c'est par l'industrie et le commerce qu'il faut y vivifier, en les encourageant. D'autres ont présenté aux Parisiens des cadavres et des poignards. Il faut aussi creuser des canaux pour cette ville, et y amener les vaisseaux de l'Océan. Un jour, je développerai ce plan, auquel je travaillois lorsqu'on me proclamoit l'ennemi de Paris; mais dans les circonstances où nous sommes, il faut que l'expulsion des Bourbons tranquillise l'Empire.

Je vote donc pour que la convention nationale décrète que son jugement contre Louis Capet sera inces

samment exécuté; mais que l'ordre définitif n'en sera donné qu'après que la convention nationale aura prononcé sur le sort des Bourbons. Citoyens nos collègues, c'est à vous de prouver que vous voulez et la mort du ci-devant roi, et la mort de la royauté. Rendez-vous au vœu fortement exprimé de tous les départemens; et dans les vingt-quatre heures nous n'aurons plus devant les yeux l'homme qui fut roi, et l'homme qui travailla constamment à le devenir.

Je parlerai sur cette question; car je veux qu'on donne à Philippe d'Orléans, exilé par la raison d'Etat, toutes les consolations, toutes les sûretés qui lui sont nécessaires, et qu'une grande nation doit lui prodiguer avec générosité; mais je veux surtout que les factions cessent, et je demande avec la mort du tyran, l'exil des hommes de son sang.

No. 429. Buzot, dép. de l'Eure.

Citoyens représentans, la question que vous avez à examiner, est de la plus haute importance; je vous prie d'entendre mon opinion dans le silence : j'ai besoin de dire toute la vérité. J'ai reconnu que Louis XVI étoit convaincu de conspiration contre l'Etat. Lorsque vous êtes allé aux voix sur la question de l'appel au peuple, j'ai voté pour l'affirmative, parce que j'ai cru que le peuple devoit participer à ce jugement, parce que j'ai eru que cette mesure étoit la seule qui pût sauver la république, et faire finir toutes les factions qui nous dévorent: vous en avez jugé autrement; je respecte votre décret, je m'y soumets. On a mis ensuite aux voix quelle peine méritoit Louis; j'ai cru qu'il méritoit la mort je l'ai dit, mais avec la réserve expresse de m'expliquer sur le sursis.

Ici, citoyens, si je n'écoutais que mon intérêt per

sonnel, que ma sûreté individuelle, je voterois constamment contre le sursis; mais au moment où je dois concourir avec vous au salut de l'Etat, je dois conserver ma mémoire intacte et exempte de tout reproche. Je me soucie peu de ma vie, j'en ai fait le sacrifice : demandez-le à mes concitoyens. Je serai assassiné peutêtre, mais un jour on me rendra justice. Je ne me dissimule pas que ceux qui voteront ici pour un sursis, seront accusés de royalisme : c'est le noment où les passions les plus violentes ne respectent pas même l'opinion des représentans de la nation; on peut toujours les couvrir de toutes sortes de reproches; et, citoyens, si vous prononcez le sursis, qu'il me soit permis de dire cette vérité encore : il est très-possible que ceux que j'appelle royalistes, veuillent le faire sortir des prisons où il est détenu, et qu'ils vous en accusent vous-mêmes; car quand une fois la calomnie s'est attachée à une opinion quelconque, on ne respecte plus rien. Je l'ai dit, je dois dire la vérité, et je l'énonce avec courage.

Maintenant, citoyens, mettant à l'écart les dangers qu'on peut courir, mettant à l'écart tout ce qui peut tacher la réputation d'un homme de bien, j'examine s'il est de l'intérêt de la nation qu'il y ait un sursis au jugement de Louis XVI. Le premier motif qui me détermine en faveur du sursis, c'est le défaut des formes dont on auroit dû se servir dans un jugement d'aussi grande importance. Je mets à l'écart toutes les objections qu'on a faites contre vous, pour vous déterminer à ne pas juger ce procès; mais je dis que, dans l'opinion publique, ce sursis sera jugé un jour; que, dans l'opinion publique, ce défaut de formes vous sera reproché un jour, si vous ne mettez un intervalle quelconque entre le jugement et l'exécution. Tous ces reproches, qui ne vous paroissent rien aujourd'hui,

deviendront considérables lorsque les passions du moment auront fait place aux malheurs publics qui doivent nécessairement suivre l'exécution de votre jugement. Daignez en juger vous-mêmes, citoyens; ce jugement qui n'a été rendu que par une majorité de cinq voix..... (on murmure,) [il a été rendu à une simple majorité]: on vous le reprochera encore, si vous le faites suivre de l'exécution dans vingt-quatre heures. L'agitation, le tumulte, qui ont acccompagné ce jugement, le moment où vous l'avez rendu, le trouble même d'hier, vous seront encore reprochés; car on croira aux murmures. Citoyens, j'ose le dire, lorsque vous aurez prononcé sur cette question, personne plus que moi ne se réunira à la majorité de l'assemblée pour faire exécuter ce décret. Mais lorsque j'énonce ici mon opinion, lorsque je fais paroître les craintes, les justes inquiétudes que je peux avoir, je demande que l'on m'écoute en silence; car il s'agit du salut de l'empire. Je dis qu'on vous reprochera dans ce lieu même votre jugement. J'aurois voulu que mes concitoyens eussent sacrifié leur opinion particulière, pour donner, en se réunissant à cette majorité-là, une plus forte prépondérance; mais je le ré– pète, ce jugement rendu à une simple majorité, vous sera reproché dans un moment où l'on croit la convention elle-même est en quelque sorte commandée par des volontés partielles qui environnent cette assemblée. (Nouveaux murmures.) Permettez, citoyens, que je in'explique. (Les murmures continuent.)

que

Il vaut beaucoup mieux prendre des mesures convenables pour écarter loin de vous tous motifs, tons sujets même de calomnie, que d'interrompre continuellement un homme qui vous dit des faits que vous ne pouvez pas ignorer. Je dis, citoyens, que l'on pourroit vous reprocher encore de ne pas jouir d'une li-

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