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SIV. Des successions échues à des enfants naturels.

I. La loi refuse aux enfants naturels le titre d'héritiers. Cependant elle leur accorde un droit sur la succession de leurs père et mère, savoir, quand ils sont en concours avec des descendants légitimes, un tiers de la portion qu'ils auraient eue s'ils eussent été légitimes; avec des ascendants ou des frères et sœurs du défunt, une moitié; avec des parents plus éloignés, les trois quarts; enfin, s'il n'y a pas de parents au degré successible, la totalité des biens (Code civ., art. 757 et 758). Or, comme les enfants légitimes ont une réserve, et que la part des enfants naturels est proportionnelle à celle qu'ils auraient eue s'ils eussent été légitimes, il en résulte que les enfants naturels ont également une réserve moins forte, mais de la même nature que celle des enfants légitimes (Cour de cass., 28 juin 1831; le Juge de Paix, t. 1, p. 279). En conséquence l'enfant naturel a droit de requérir l'apposition des scellés au domicile de son père ou de sa mère décédés, malgré l'opposition d'un légataire ou d'un donataire universel.

II. Il faut même étendre ce droit aux enfants naturels incestueux et adultérins, dont un événement quelconque (Voy. au commencement de cet article, no 4) aura amené la reconnaissance forcée. En effet, les art. 762 et 763 du Code civil donnent à ces malheureux enfants le droit de réclamer des aliments sur la succession de leurs père et mère, et ces aliments doivent être réglés eu égard aux facultés du père ou de la mère, au nombre et à la quotité des héritiers légitimes. Ils sont donc créanciers de la succession. Or, tout créancier peut faire apposer les scellés, soit en vertu d'un titre exécutoire, soit en vertu d'une permission du président du tribunal civil ou du juge de paix (Code de Proc. civ., art. 90g). Ici, l'intérêt de l'enfant adultérin ou incestueux, et par conséquent son droit à l'apposition des scellés, est d'autant plus incontestable, que sa créance devant être fixée par le juge, proportionnellement aux forces de la succession, il lui importe que rien n'en soit soustrait, qu'aucune valeur ne soit dissimulée.

SV. Des enfants trouvés ou abandonnés.

I. Un décret impérial du 19 janvier 1811, inséré au Bulletin des lois, 4° série, t. 14, p. 82, contient un système complet de législation sur les enfants dont l'éducation est confiée à la charité publique, et les divise en trois classes enfants trouvės, nés de pères et mères inconnus, exposés dans un

lieu quelconque ou portés dans les hospices destinés à les recevoir; enfants abandonnés, nés de pères ou de mères connus, et d'abord élevés par eux ou par d'autres personnes à leur décharge, et délaissés ensuite, sans qu'on sache ce que les pères et mères sont devenus, et sans qu'on puisse recourir à eux; enfin, orphelins pauvres, qui n'ont ni père ni mère, ni aucun moyen d'existence. (Art. 1 à 6.)

II. Les tit. 4 et 5 de ce décret règlent l'éducation de ces enfants et les dépenses qu'elle occasione. Le titre 6 en détermine la tutelle et la seconde éducation. « Les enfants trouvés et les enfants abandonnés sont sous la tutelle des commissions administratives des hospices, conformément aux règlements existants. Un membre de cette commission est spécialement chargé de cette tutelle. » (Art. 15.)

<«<Lesdits enfants, élevés à la charge de l'état, sont entièrement à sa disposition; et quand le ministre de la marine en dispose, la tutelle des commissions administratives cesse.»> (Art. 16.)

III. « Les enfants ayant accompli l'âge de douze ans, desquels l'état n'aura pas autrement disposé, seront, autant que faire se pourra, mis en apprentissage, les garçons chez des laboureurs et artisans; les filles, chez des ménagères, des couturières et autres ouvrières, ou dans des fabriques ou manufactures.» (Art. 17.)

Quand l'enfant sort de l'hospice pour être placé comme ouvrier, serviteur ou apprenti, dans un lieu éloigné de l'établissement où il avait été placé d'abord, la commission de cet hospice peut, par un simple acte administratif, visé du sous-préfet, déférer la tutelle à la commission administrative de l'hospice le plus voisin de la résidence nouvelle de l'en

fant.

IV. « Les contrats d'apprentissage ne stipuleront aucune somme en faveur du maître ni de l'apprenti; mais ils garantiront au maître les services gratuits de l'apprenti jusqu'à un âge qui ne pourra excéder vingt-cinq ans, et à l'apprenti la nourriture, l'entretien et le logement.» (Art. 18.)

V. L'appel à l'armée, comme conscrit, fera cesser les obligations de l'apprenti. » (Art. 19.)

VI. La tutelle des enfants admis dans les hospices dure jusqu'à leur majorité ou à leur émancipation par mariage ou autrement. (Voy. Emancipation, no 6.)

COIN-DELISLE, avocat à la cour royale de Paris.

ENGAGEMENT. C'est une obligation que l'on contracte envers autrui. (Voy. Obligation, Quasi-contrat et Quasi-délit.)

ENQUÊTE. Opération qui consiste à recueillir et constater, dans les formes légales, des dépositions de témoins sur des faits contestés entre des parties et douteux pour les juges.

I. Les juges de paix y procèdent, soit après l'avoir ordonnée dans les causes qui leur sont soumises, soit comme délégués d'une cour royale ou d'un tribunal, dans des affaires non pendantes devant eux.

II. Les règles qu'ils ont à suivre ne sont pas les mêmes dans le premier cas que dans le second. Nous allons les exposer séparément, en faisant remarquer que ces règles ne sont relatives qu'à la manière de procéder, et en renvoyant pour le fond du droit, c'est-à-dire pour l'admissibilité de la par témoins, à l'article Preuve testimoniale.

preuve

SECTION Ire. Enquêtes ordonnées et reçues par le juge de paix.

I. Il est de toute évidence que les juges de paix peuvent autoriser l'enquête dans toutes les causes de leur compétence, car les actions personnelles dont la connaissance leur est attribuée, ne peuvent excéder cent francs, et la preuve par témoins est permise jusqu'à cent cinquante francs (Code civ., art. 1341). Quant aux actions possessoires, le Code de Procédure porte formellement (art. 24) qu'ils ordonneront une enquête si la possession ou le trouble sont déniés; et, en matière de contrefaçon, la loi du 14-25 mai 1791 déclare ( tit. 2, art. 11) que le juge de paix entendra les parties et leurs témoins.

II. Mais lorsqu'un juge de paix est saisi d'une action hors de sa compétence, et que lui soumettent des parties en prorogeant sa juridiction, pourra-t-il ordonner une enquête si l'objet litigieux s'élève au-dessus de cent cinquante francs? Non, dit M. Carré; car la prorogation de juridiction ne saurait faire présumer, de la part des parties, le droit de renoncer à l'application des dispositions de la loi relatives au fond du droit et aux diverses manières de le prouver. Le juge de paix ne peut donc pas ordonner une enquête, lors même que les parties seraient convenues de s'en rapporter à sa décision dans une affaire personnelle, si la valeur en excède cent cinquante francs.

III. D'après le texte du Code de Procédure, il semble qu'un juge de paix n'a le droit d'ordonner une enquête qu'autant que les parties sont contraires en fait. L'art. 24 porte : << Si la possession ou le trouble sont déniés, l'enquête sera or

donnée. » On lit dans l'art. 34 : « Si les parties sont contraires en faits, il (le juge) en ordonnera la preuve. » Néanmoins, M. Carré pense que l'enquête peut être ordonnée sur des faits non contestés entre les parties. En effet, il est du devoir du magistrat de ne rien négliger de ce qui peut éclairer sa conscience. Il a donc nécessairement le droit de prescrire aux parties d'informer par témoins (Discours de l'orateur du gouvernement). Cette doctrine est d'autant plus juste que, le plus souvent, les parties qui comparaissent en personne devant le juge de paix, oublient ou ignorent les règles de la défense, en sorte qu'elles omettent quelquefois de dénier le fait qu'on leur oppose, sans penser que cette omission peut être considérée comme une reconnaissance de ce fait. Il importe donc que le juge de paix puisse vérifier si, malgré l'absence d'une dénégation formelle de leur part, le fait allégué est réel ou ne l'est pas.

D'ailleurs, en donnant aux tribunaux ordinaires la faculté d'ordonner des enquêtes d'office, le Code de Procédure (article 254) n'exige ni littéralement ni implicitement que ce soit sur des faits relativement auxquels les parties soient contraires. Pourquoi en serait-il autrement pour les juges de paix ? Enfin, ce qui nous détermine complétement à embrasser la doctrine que nous venons d'exposer, c'est que la loi de 1790 leur imposait, avant d'ordonner une enquête, l'obligation d'avertir les parties qu'il y avait lieu d'y procéder, et de les interpeller si elles voulaient faire preuve par témoins, afin qu'elles ne fussent exposées que sciemment à cette preuve souvent dangereuse. La loi voulait de plus que les parties demandassent l'admission à la preuve. Or, le Code ne prescrit ni l'avertissement, ni l'interpellation, ni la réquisition.

Nous allons même plus loin. Le juge de paix, à notre avis, pourrait non-seulement ordonner la preuve de faits avancés par une partie et non contestés par l'autre, mais encore prescrire une enquête sur des faits qui n'auraient pas été allégués, s'il pensait qu'ils peuvent servir à la solution des difficultés qui lui sont soumises. Inutile de donner des exemples de cette hypothèse, qui peut souvent se présenter.

IV. Mais en tout cas, le juge ne devra prescrire l'enquête qu'autant qu'elle sera nécessaire autrement il occasionerait des frais frustratoires.

V. Il faut, en outre, que les faits soient pertinents, c'est-àdire que, la preuve en étant faite, le juge puisse en tirer des conséquences décisives pour le jugement à intervenir. Frustrà probatur quod probatum non relevat. Ainsi décidé par la cour de cassation, le 24 décembre 1833, en matière de con

que

trefaçon. Le demandeur en cassation prétendait que le juge de paix aurait dû prescrire l'enquête à lui demandée, parce l'art. 11 de la loi du 14-25 mai 1791 porte impérativement: « Le juge de paix entendra les parties et leurs témoins, et ordonnera les vérifications qui pourront être nécessaires. » Cette prétention a été repoussée, « attendu que l'art. 11 de la loi du 14 mai 1791, en disposant que le juge de paix entendra les parties et leurs témoins, n'a point dérogé aux principes du droit commun, qui laissent aux magistrats la faculté de rejeter les preuves offertes, dans tous les cas où ces preuves ne leur paraissent ni utiles ni pertinentes. » (Voyez aussi le Juge de Paix, t. 1, p. 20.)

VI. M. Carré se demande si, lorsqu'un tribunal a ordonné, dans l'intérêt d'une partie, la preuve de faits qu'elle a avancés dans ses plaidoiries, mais sans en offrir la preuve, cette partie pourrait se dispenser de la faire, et demander que la cause fût jugée en l'état. Cette difficulté peut se présenter également devant le tribunal de paix. Or, le savant auteur la résout d'une manière péremptoire : « Nous ne posons, dit-il, la question que pour prévenir les suites d'une allégation, faite inconsidérément, de faits dont les parties n'auraient pas la certitude de fournir la preuve. Lorsque de semblables faits sont avancés, et que le tribunal en ordonne la preuve d'office, elle doit être faite, sinon la partie adverse peut tirer ses inductions du défaut d'enquête, et le tribunal peut les adopter. Vainement celle qui aurait argumenté de ces faits croirait-elle se soustraire à ce résultat, en donnant pour prétexte qu'elle serait dénuée des moyens nécessaires pour faire recevoir son enquête : cette ruse retomberait sur elle-même si l'adversaire offrait d'avancer les frais; car on sent quelle impression défavorable laisserait le défaut d'acceptation de ses offres. (Lois de la Procéd., t. 1, p. 630.)

VII. Le Code de Procédure ne renferme aucune disposition qui indique d'une manière spéciale la forme et le contenu du jugement par lequel un juge de paix permet de faire enquête. Mais cette lacune est facile à remplir. Si l'on se reporte au titre des enquêtes ordonnées par un tribunal civil, on y voit que le jugement doit préciser les faits à prouver (Code de Procéd., art. 255). Cette précision est nécessaire pour préveuir toute divagation des témoins, et pour que leur audition ne porte que sur les faits admis. Il est, du reste, évident que le juge de paix n'a point à désigner, dans son jugement, le nom du juge devant qui l'enquête sera faite. Cette obligation ne peut être exigée que pour un tribunal ordinaire, composé de plusieurs magistrats.

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