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mares, étangs, citernes, abreuvoirs, qui ne sont que les formes extérieures de la source, et dans ces divers cas, bien entendu, les principes sur les servitudes discontinues cessent d'être applicables en matière possessoire. (Cour de cass., 3 juillet 1822.)

XXV. Comme il appartient au juge de paix d'apprécier le titre dans ses rapports avec la possession invoquée, ce magistrat aurait incontestablement le droit de vérifier si la possession de la communauté rentre dans les termes de l'article 643.

XXVI. Nous avons dit qu'on pouvait encore considérer les droits d'usage sur l'eau courante comme des servitudes exercées, non plus sur les propriétés qui forment son lit, mais sur le cours d'eau lui-même, pris abstractivement.

Cette observation trouvera son application toutes les fois qu'il s'agira, soit entre les propriétaires supérieurs et inférieurs, soit entre les riverains des deux bords opposés, d'une contestation sur la jouissance des eaux, et qu'il ne sera question ni de l'obligation pour l'inférieur de recevoir ces eaux sur son terrain, ni de celle imposée au supérieur de les laisser couler sur son fonds jusqu'à la propriété inférieure. Nous ajouterons que, dans un débat possessoire entre riverains invoquant chacun de son côté la possession facultative dont nous avons parlé plus haut, il y aura nécessairement lieu, de la part du juge, à l'appréciation de leurs besoins respectifs dans les limites que déjà nous avons indiquées.

XXVII. Jusqu'à présent nous ne nous sommes occupé que des eaux qui suivent leur cours naturel; nous n'avons rien dit de celles qui, étant dérivées de leur lit primitif, coulent dans un canal artificiel. Venons à ces dernières.

Le canal, bief, béal ou béalière, fait de main d'homme, est une dépendance de l'usine ou de la propriété pour le service de laquelle il a été établi. Telle était la disposition de l'ancien droit. Elle a été confirmée par la loi nouvelle, dans l'art. 546 du Code civil. Les riverains n'ont donc pas le droit de faire des prises d'eau dans un cours d'eau artificiel. L'art. 644 ne dispose que sauf la propriété d'autrui. (Cour de cass., 28 novembre 1815, g décembre 1818, et 14 août 1827.)

XXVIII. Ce principe n'est toutefois applicable qu'en l'absence d'un titre contraire à la présomption légale qui résulte de la disposition de l'art. 546. (Cour de cass., 21 déc. 1830.) XXIX. La prise d'eau faite par un riverain, en vertu d'un titre, ne devrait donc pas être considérée comme trouble. Celle dont il aurait joui sans titre, pendant une année, de

vrait aussi, il nous semble, êtré maintenue. Elle ne constituerait pas la servitude discontinue de puisage, car elle pourrait être utilisée indépendamment du fait actuel de l'homme. (Art. 688 du Code civil.)

XXX. Quant à celui qui, à l'aide de travaux apparents, conduit l'eau vers son fonds en la faisant passer sur le fonds d'autrui, il exerce la servitude d'aqueduc, laquelle étant continue et apparente (art. 688), autorise, en cas de trouble, l'action possessoire.

XXXI. De ce fait qu'un cours d'eau est dérivé, résulte encore cette conséquence importante, que le propriétaire qui l'a dérivé n'est point obligé de le transmettre au fonds inférieur; qu'il peut en disposer à sa volonté, l'art. 644 n'étant applicable qu'au cas où l'eau suit son cours naturel; qu'ainsi le propriétaire inférieur, eût-il reçu les eaux pendant un temps immémorial, s'il n'en a pas pris possession à l'aide des oùvrages apparents voulus par l'art. 642, ne saurait être fondé à en revendiquer la possession contre le propriétaire supérieur qui les retiendrait.

XXXII. Les eaux pluviales n'ont pas d'existence permanente déterminée; elles ne sont pas susceptibles d'une possession certaine et continue. Elles ne peuvent donc être l'objet d'une action possessoire, alors même qu'elles couleraient dans un canal, ou dans des fossés ou rigoles destinés à les recevoir. (Arrêts d'Aix, des 5 mai et 18 août 1820; de cassation, des 14 janvier 1823 et 21 juillet 1825; de Colmar, du 26 mai 1831. Voy. le Juge de Paix, t. 4, p. 85.)

XXXIII. Tels sont, en général, les droits dont la possession peut devenir, en matière d'eaux courantes, l'objet d'une action possessoire. Nous rappellerons, en terminant, certaines règles qui doivent guider plus spécialement le juge de paix dans le jugement de cette action.

Un acte administratif, réglement ou concession, en ce qui touche les dispositions d'intérêt privé, n'enlève jamais aux parties le droit de faire statuer sur les questions de possession et sur leurs conséquences. Ainsi, nonobstant une concession administrative, le juge peut déclarer que le complaignant est en possession depuis une année de telle prise d'eau, et condamner l'auteur du trouble à des dommagesintérêts. En cela, il ne contrarie nullement l'acte administratif qui, d'après les principes constamment maintenus par la jurisprudence, ne préjuge jamais rien quant au droit des tiers. Mais si la sentence mettait obstacle à l'exécution de l'acte administratif, si, par exemple, elle ordonnait la suppression d'une prise d'eau autorisée, le juge commettrait un

excès de pouvoir. (Cour de cass., 13 mars 1810; ordonnance du 24 janvier 1824; Macarel, 1824, p. 30.)

XXXIV. De ce que le juge de paix ne peut ni détruire ni modifier les effets des actes administratifs, il suit qu'il n'a pas le droit de les interpréter; mais lorsqu'ils présentent un sens clair et incontestable, il lui est certainement permis d'en faire l'application.

Ainsi, lorsque l'autorité administrative a prescrit la destruction de certains ouvrages sur un cours d'eau, le juge de paix est compétent pour, en exécution de sa sentence de maintenue, en ordonner la destruction. (Conséquence d'un arrêt de Rouen, du 3 pluviôse an 10.}

XXXV. Il ne faudrait pas considérer comme acte administratif la concession faite à un particulier par un conseil municipal, avec l'approbation du préfet, du droit de dériver les eaux d'une source existant sur une propriété communale. L'approbation du préfet constitue, dans ce cas, non un acte administratif proprement dit, mais simplement un acte de surveillance tutélaire, indispensable pour rendre la commune habile à contracter.

XXXVI. Quoique, d'après des lois spéciales, la connaissance de toutes les difficultés qui s'élèvent entre acquéreurs de domaines nationaux doive être déférée aux conseils de préfecture, les juges de paix sont compétents pour statuer sur les questions possessoires qui peuvent s'agiter entre ces mêmes acquéreurs. La raison en est que leur décision ne préjugera ni du mérite du fond, ni des titres de propriété. (Arrêt de Paris, du 15 janvier 1808, et décret du 24 mai 1806.)

XXXVII. Enfin, les juges du possessoire peuvent, à l'occasion d'un litige de cette nature, et dans les limites des intérêts privés qui se débattent devant eux, ordonner le curage d'un cours d'eau, sans violer les attributions spéciales que l'autorité administrative tient de la loi du 14 floréal an 11. Ces attributions ne concernent que l'intérêt général des riverains. (Conséquence d'un arrêt de cassation du 8 mai 1832.)

S II.

I. Nous avons dit que le juge de paix pouvait être appelé à prononcer, à l'occasion des eaux, sur des actions civiles en réparation de dommages.

La loi des 16-24 août porte effectivement, tit. 2, art. 10: « Il (le juge de paix) connaîtra de même sans appel jusqu'à la valeur de cinquante livres, et à charge d'appel à quelque valeur que la demande puisse monter;

» 1o Des actions pour dommages faits soit par les hommes, soit par les animaux, aux champs, fruits et récoltes. »

II. Que les digues ou berges d'une rivière soient dégradées de manière à en faire déverser les eaux sur les terres voisines, que des héritages soient inondés par suite de l'élévation des déversoirs ou de la trop grande hauteur des écluses, il y aura lieu, dans ces divers cas, à l'action en dommages devant le juge de paix.

Peu importe que le préjudice n'ait pas été causé par le fait immédiatement personnel de l'homme. Le fait de l'homme existe, dans le sens de la loi, toutes les fois que le dommage est causé même immédiatement, et par une suite, quelque éloignée qu'elle puisse être, ou de la négligence, ou des ouvrages, ou d'un acte quelconque de l'homme. C'est ce que la cour de cassation a jugé, le 18 novembre 1817, dans les termes suivants :

« Vu l'art. 10, tit. 3, de la loi du 24 août 1790; considérant 1° qu'il résulte de l'article ci-dessus que le juge de paix est compétent pour connaître des dommages causés dans les champs, lorsqu'ils proviennent du fait de l'homme; que le jugement attaqué reconnaît lui-même que le dommage commis dans les champs des Delorme provient du fait des Vignat, puisqu'il en attribue la cause à ce que ceux-ci n'ont pas baissé leur écluse dans un temps d'orage; d'où la conséquence que le juge de paix pouvait prononcer sur l'action qui lui était soumise, etc. >>

III. Si le défendeur, prétendant que le fait qu'on lui reproche n'a été que la conséquence de son droit, se retranchait sérieusement dans cette exception, comme il s'agirait alors, non plus de la seule appréciation d'un fait, mais du jugement d'une question pétitoire, le juge de paix cesserait d'être compétent. (Voy. le Juge de Paix, t. 2, p, 102.)

IV. Mais le défendeur invoquerait vainement, pour justifier sa prétention, la concession administrative en vertu de laquelle il aurait fait, dans un cours d'eau, des travaux nuisibles à un riverain. Le juge de paix ne pourrait sans doute ordonner la destruction des travaux autorisés, mais il serait compétent pour statuer sur les dommages-intérêts. La raison en est que les concessions administratives sont toujours faites, en pareil cas, sans préjudice du droit des tiers, et aux risques et périls des concessionnaires. La loi des 28 septembre6 octobre 1791, tit. 2, art. 16, déclare que les propriétaires ou fermiers des moulins et usines construits et à construire, seront garants de tous dommages que les eaux pourraient causer aux chemins ou aux propriétés voisines, par la trop

grande élévation du déversoir ou autrement; et cette responsabilité a lieu alors même qu'il y aurait eu concession administrative, et que le concessionnaire prétendrait avoir agi dans les limites de sa concession. (Cour de cass., 2 janvier 1832.) Dans l'espèce de l'arrêt que nous venons de citer, l'action avait été portée en première instance, non devant le juge de paix, mais devant le tribunal civil, parce que le demandeur avait conclu, outre les dommages-intérêts, à ce que le défendeur fût tenu, sinon de rétablir le cours d'eau dans son premier état, au moins de modifier les travaux par lui faits. Il ne s'agissait donc plus d'une simple action en réparation de dommages. Aussi, la cour de Bourges a-t-elle jugé le 7 mai 1831 (J. P., tome 1er de 1832, p. 132), que lorsqu'une demande, tendant à obtenir des dommages-intérêts pour des ravages exercés dans les champs par la trop grande élévation des eaux de retenue d'un moulin, avait en même temps pour objet de faire ordonner qu'à l'avenir les eaux seraient tenues à une moindre élévation, ce second chef de demande était inséparable du premier, de telle sorte que le tout excédait la compétence du juge de paix.

S III.

I. La juridiction des juges de paix, comme juges de police, n'a d'autre objet que la répression des contraventions aux réglements légalement faits par l'autorité administrative. (Art. 471, n° 15, du Code pénal.)

II. La loi du 28 septembre 1791, tit. 2, art. 15, porte: << Personne ne pourra inonder l'héritage de son voisin, ni lui transmettre volontairement les eaux d'une manière nuisible, sous peine de payer le dommage et une amende qui ne pourra excéder la somme du dédommagement. »

Cette disposition a été modifiée par le Code pénal de 1810, lequel, art. 457, punit d'une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et des dommages-intérêts, ni être au-dessous de 50 francs, les propriétaires ou fermiers, ou toute personne jouissant de moulins, usines ou étangs, qui, par l'élévation du déversoir de leurs eaux au-dessus de la hauteur déterminée par l'autorité compétente, auront inondé les chemins ou les propriétés d'autrui. S'il est résulté du fait quelques dégradations, la peine sera, outre l'amende, un emprisonnement de six jours à un mois.

La loi de 1791 est toujours applicable en ce qui concerne les personnes non désignées et les faits non prévus par l'article 457.

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