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de chercher et de proposer des moyens de salut.

Son plan était désiré avec impatience. En attendant, des placards menaçans couvraient tous les lieux; les feuilles publiques, aussi hardies que les affiches, ne parlaient que d'abdication forcée et de déchéance. C'était l'objet de tous les entretiens, et on semblait ne garder quelque mesure que dans l'assemblée. Là les attaques contre la royauté n'étaient encore qu'indirectes. On avait proposé, par exemple, de supprimer le veto pour les décrets de circonstance; plusieurs fois il avait été question de la liste civile, de son emploi coupable; et on avait parlé, ou de la réduire, ou de l'assujétir à des comptes publics.

Enfin la commission des douze proposa ses moyens. La cour n'avait jamais refusé de céder aux instances de l'assemblée, et d'augmenter matériellement les moyens de défense. Elle ne l'aurait pas pu, sans se compromettre trop ouvertement; et d'ailleurs elle devait peu redouter l'augmentation numérique d'armées qu'elle croyait en état complet de désorganisation.

Le parti populaire voulait au contraire de ces moyens extraordinaires qui annoncent une grande résolution, et qui souvent font triompher la cause la plus désespérée. La commission des douze les imagina, et proposa à l'assemblée le projet suivant :

Lorsque le péril deviendrait extrême, le corps législatif devait le déclarer lui-même, par cette formule solennelle: La patrie est en danger.

A cette déclaration, toutes les autorités locales, les conseils des communes, ceux des districts et des départemens, l'assemblée elle-même, comme la première des autorités, devaient être en permanence, et siéger sans interruption. Tous les citoyens, sous les peines les plus graves, devaient remettre aux autorités les armes qu'ils possédaient pour en être fait la distribution convenable.Tous les hommes, vieux et jeunes,en état de servir,devaient être enrôlés dans les gardes nationales. Les uns étaient mobilisés,et transportés au siège des diverses autorités de district et de département; les autres devaient se diriger partout où le besoin de la patrie l'exigerait, soit au dedans, soit au dehors. L'uniforme n'était pas exigé de ceux qui ne pourraient en faire les frais. La solde des volontaires était donnée à tous les gardes nationaux transportés hors de leur domicile. Les autorités étaient chargées de se pourvoir de munitions. Un signe de rébellion, arboré avec intention, était puni de mort. Toute cocarde, tout drapeau était réputé séditieux, excepté la cocarde et le drapeau tricolores.

D'après ce projet, toute la nation était en surveillance et en armes; elle avait le moyen de

délibérer, de se battre partout, et à tous les instans; elle pouvait se passer du gouvernement, et suppléer à son inaction. Cette agitation sans but des masses populaires, était régularisée et dirigée. Si enfin, après cet appel, les Français ne répondaient pas, on ne devait plus rien à une nation qui ne faisait rien pour elle-même. Une discussion des plus vives dut, comme on le pense bien, s'engager sur ce projet.

Le député Pastoret fit le rapport préliminaire. Il ne satisfit personne, en donnant à tout le monde des torts, en les compensant les uns par les autres, et en ne fixant point, d'une manière positive, les moyens de parer aux dangers publics. Après lui, le député Jean de Bry motiva nettement et avec modération le projet de la commission. La discussion, une fois ouverte, ne devint bientôt qu'un échange de reproches. Elle donna essor aux imaginations bouillantes et précoces, qui vont droit aux moyens extrêmes. La grande loi du salut public, c'est-à-dire la dictature, c'est-à-dire le moyen de tout faire, avec la chance d'en user cruellement, mais puissamment, cette loi, qui ne devait être décrétée que dans la convention, fut cependant proposée dans la législative.

M. Delaunay d'Angers proposa à l'assemblée de déclarer que, jusqu'après l'éloignement du

danger, elle ne consulterait que la loi impérieuse et suprême du salut public.

C'était, avec une formule abstraite et mystérieuse, supprimer évidemment la royauté, et déclarer l'assemblée souveraine absolue. M. Delaunay disait que la révolution n'était pas achevée, qu'on se trompait si on le croyait, et qu'il fallait garder les lois fixes pour la révolution sauvée, et non pour la révolution à sauver; il disait en un mot tout ce qu'on dit ordinairement pour la dictature, dont l'idée se présente toujours dans les momens de danger. La réponse des députés du côté droit était naturelle : On violait, disaient-ils, les sermens prêtés à la constitution, en créant une autorité qui absorbait les pouvoirs réglés et établis. Leurs adversaires répliquaient, en disant que l'exemple de la violation était donné, qu'il ne fallait pas se laisser prévenir et surprendre sans défense. - Mais prouvez donc, reprenaient les partisans de la cour, que cet exemple est donné, et qu'on a trahi la constitution. A ce défi on répondait par de nouvelles accusations contre la cour, et ces accusations étaient repoussées à leur tour par des reproches aux agitateurs. Vous êtes des factieux. Vous êtes des traîtres. Tel était le reproche réciproque et éternel, telle était la question à résoudre.

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M. de Jaucour voulait renvoyer la proposition aux Jacobins, tant il la trouvait violente. M. Isnard, à l'ardeur duquel elle convenait, demandait qu'elle fût prise en considération, et que le discours de M. Delaunay fût envoyé aux départemens pour être opposé à celui de M. Pastoret, qui n'était qu'une dose d'opium donnée à un agonisant.

M. de Vaublanc réussit à se faire écouter, en disant que la constitution pouvait se sauver par la constitution; que le projet de M. Jean de Bry en était la preuve, et qu'il fallait imprimer le discours de M. Delaunay, si l'on voulait, mais au moins ne pas l'envoyer aux départemens, et revenir à la proposition de la commission. La discussion fut en effet remise au 3 juillet.

Un député n'avait pas encore parlé, c'était Vergniaud. Membre de la Gironde, et son plus grand orateur, il en était néanmoins indépendant. Soit insouciance, soit véritable élévation, il semblait au-dessus des passions de ses amis; et en partageant leur ardeur patriotique, il ne partageait pas toujours leur préoccupation et leur emportement.Quand il se décidait dans une question, il entraînait par son éloquence et par une certaine impartialité reconnue, cette partie flottante de l'assemblée, , que Mirabeau entraîpar sa dialectique et sa véhémence.

nait autrefois

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