Page images
PDF
EPUB

au directoire et au corps municipal. Les pétitionnaires ne se tinrent pas pour condamnés, et dirent hautement qu'ils ne s'en réuniraient pas moins. Le maire Pétion ne fit que le 18 les communications ordonnées le 16; de plus il ne les fit qu'au département et point au corps municipal.

Le 19, le directoire du département qu'on a vu se signaler dans toutes les occasions contre les agitateurs, prit un arrêté qui défendait les attroupemens armés, et qui enjoignait au commandant général et au maire d'employer les mesures nécessaires pour les dissiper. Cet arrêté fut signifié à l'assemblée par le ministre de l'intérieur, et on y agita aussitôt la question de savoir si la lecture en serait écoutée.

Vergniaud s'opposait à ce qu'on l'entendît; cependant il ne réussit point; la lecture fut faite, et immédiatement suivie de l'ordre du jour.

Deux évènemens assez importans venaient de se passer à l'assemblée. Le roi avait signifié son opposition aux deux décrets, dont l'un était relatif aux prêtres insermentés, et l'autre à l'établissement d'un camp de vingt mille hommes. Cette communication avait été entendue avec un profond silence. En même temps des Marseillais s'étaient présentés à la barre pour y lire une pétition. On vient de voir quelles relations

Barbaroux entretenait avec eux. Excités par ses conseils, ils avaient écrit à Pétion pour lui offrir toutes leurs forces, et à cet offre ils avaient joint une pétition destinée à l'assemblée. Ils y

[ocr errors]

disaient entre autres choses :

<< La liberté française est en danger, mais le « patriotisme du Midi sauvera la France.... Le jour de la colère du peuple est arrivé.... Légis<«<lateurs! la force du peuple est en vos mains; << faites-en usage; le patriotisme français yous << demande à marcher avec des forces plus im<< posantes vers la capitale et les frontières..... « Vous ne refuserez pas l'autorisation de la loi << à ceux qui veulent périr pour la défendre. »

Cette lecture avait excité de longs débats dans l'assemblée. Les membres du côté droit soutenaient qu'envoyer cette pétition aux départemens, c'était les inviter à l'insurrection. Néanmoins, l'envoi avait été décrété, malgré ces réflexions fort justes sans doute, mais inutiles depuis qu'on s'était persuadé qu'une révolution nouvelle pouvait seule sauver la France et la liberté.

Tels avaient été les événemens pendant la journée du 19. Malgré l'arrêté du directoire, les mouvemens continuaient dans les faubourgs, et Santerre, à ce qu'on prétend, disait à ses affidés un peu intimidés par l'arrêté du

directoire : Que craignez-vous? La garde nationale n'aura pas ordre de tirer, et M. Pétion sera là.

A minuit le maire, soit qu'il crût le mouvement irrésistible, soit qu'il crût devoir le favoriser, comme il fit pour celui du 10 août, écrivit au directoire, et lui demanda de légitimer l'attroupement, en permettant à la garde nationale de recevoir les citoyens des faubourgs dans ses rangs. Ce moyen remplissait parfaitement les vues de ceux qui, sans désirer aucun désordre, voulaient cependant imposer au roi; et tout prouve que c'étaient en effet les vues de Pétion et des chefs populaires. Le directoire répondit à cinq heures du matin, 20 juin, qu'il persistait dans ses arrêtés précédens. Pétion alors ordonna au commandant général de service de tenir les postes au complet, et de doubler la garde des Tuileries; mais il ne fit rien de plus; et ne voulant ni renouveler la scène du Champde-Mars, ni dissiper l'attroupement, il attendit jusqu'à neuf heures du matin la réunion du corps municipal. Dès cette réunion, il laissa prendre une décision contraire à celle du directoire, et il fut enjoint à la garde nationale d'ouvrir ses rangs aux pétitionnaires armés. Pétion ne s'opposa pas à un arrêté qui violait la hiérarchie administrative, et se mit par là dans

une espèce de contravention, qui lui fut plus tard reprochée. Mais, quel que fût le caractère de cet arrêté, ses dispositions devinrent inutiles, car la garde nationale n'eut pas le temps de se former, et l'attroupement devint bientôt si considérable qu'il ne fut plus possible d'en changer ni la forme ni la direction.

Il était onze heures du matin. L'assemblée venait de se réunir dans l'attente d'un grand événement. Les membres du département se rendent dans son sein pour lui faire connaître l'inutilité de leurs efforts. Le procureur syndic Roederer obtient la parole; il expose qu'un rassemblement extraordinaire de citoyens s'est formé malgré la loi, et malgré diverses injonctions des autorités; que ce rassemblement paraît avoir pour objet de célébrer l'anniversaire du 20 juin, et de porter un nouveau tribut d'hommaà l'assemblée; mais ges que si tel est le but du plus grand nombre, il est à craindre que des malintentionnés veuillent profiter de cette multitude pour appuyer une adresse au roi, qui ne doit en recevoir que sous la forme paisible de simple pétition.

Rappelant ensuite les arrêtés du directoire et du conseil général de la commune, les lois décrétées contre les attroupemens armés, et celles qui fixent à vingt le nombre des citoyens

pouvant présenter une pétition, il exhorte l'assemblée à les faire exécuter; « car, ajoute-t-il,

[ocr errors]

aujourd'hui des pétitionnaires armés se por<< tent ici par un mouvement civique, mais de<< main il peut se réunir une foule de malveillans, «<et alors je vous le demande, messieurs, qu'au<< rions-nous à leur dire?... >>

Au milieu des applaudissemens de la droite et des murmures de la gauche, qui, en improuvant les alarmes et la prévoyance du département, approuvait évidemment l'insurrection, Vergniaud monte à la tribune, et fait observer que l'abus dont le procureur syndic s'effraie pour l'avenir, est déjà établi, que plusieurs fois on a reçu des pétitionnaires armés, qu'on leur a permis de défiler dans la salle; qu'on a eu tort peut-être, mais que les pétitionnaires d'aujourd'hui auraient raison de se plaindre si on les traitait différemment des autres; que si, comme on le disait, ils voulaient présenter une adresse au roi, sans doute ils lui enverraient des pétitionnaires sans armes; et qu'au reste, si on redoutait quelque danger pour le roi, on n'avait qu'à l'entourer et à lui envoyer une députation de soixante membres.

Dumolard admet tout ce qu'a soutenu Vergniaud, avoue l'abus établi, mais soutient qu'il faut l'arrêter, dans cette occasion surtout, si

« PreviousContinue »