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à l'étude, et des documents nombreux puisés dans les législations étrangères avaient été recueillis pour éclairer la solution annoncée par le projet de loi présenté sur cet important sujet 1.

La Commission d'assistance avait aussi élaboré un projet d'organisation générale de l'assistance publique.

A côté du ministre de l'intérieur, chargé de veiller à l'ensemble de l'administration publique, devait siéger un conseil supérieur analogue au conseil supérieur d'instruction publique.

Ce conseil, composé de vingt membres, dix nommés par le chef de l'État, dix pris dans le clergé, dans la magistrature, dans les administrations électives, tous rééligibles de trois ans en trois ans, devait être présidé par le ministre de l'intérieur, et à défaut par un vice-président élu dans son sein. Il devait donner son avis sur les projets de loi et les actes du gouvernement relatifs à l'assistance, répartir les secours, exercer sur les établissements de bienfaisance une surveillance supérieure, émettre les vœux et faire les propositions commandées par les besoins de la charité publique et privée. Il eût balancé ainsi, dans ses rapports avec le ministre de l'intérieur, les influences des bureaux, et eût été un encouragement permanent aux bonnes œuvres, en même temps qu'un puissant moyen de les coordonner entre elles.

Dans chaque département devait être aussi organisé un comité d'assistance analogue au comité aca

1 Des institutions de crédit foncier et agricole dans les divers États de l'Europe. Paris, Imprimerie nationale.

démique départemental. Ce comité devait être présidé par le préfet et compter dans son sein l'évêque ou un ecclésiastique désigné par lui, un délégué de la Cour d'appel ou du tribunal, quatre ou six membres, suivant l'importance du département, du conseil général; un membre du clergé protestant partout où il y a une église reconnue. Les membres de ce conseil devaient être renouvelés tous les six ans et rééligibles.

Les attributions du comité d'assistance départemental devaient être : 1° la surveillance des établissements départementaux d'assistance; 2° l'accomplissement des actes spécialement délégués par l'autorité supérieure; 3° la tutelle et le patronage déférés par les lois et les règlements; 4° la répartition des fonds généraux et des crédits départementaux affectés à l'assistance publique; 5° un rapport annuel sur l'état des établissements de bienfaisance du département; 6° l'avis sur les demandes dont le comité serait saisi; 7° l'avis sur le choix des fonctionnaires des établissements départementaux de bienfaisance.

Les conseils cantonaux, les conseils municipaux et les commissions permanentes nommées dans leur propre sein ou parmi des auxiliaires étrangers, auraient complété l'ensemble des institutions administratives ayant spécialement pour objet le soulagement des infirmités et des misères humaines.

L'assemblée nationale n'était pas, on le voit, insensible aux souffrances des pauvres, et peut-être, dans ce projet d'organisation générale comme dans la loi sur l'assistance judiciaire, avait-elle dépassé le but. Rendons-lui cependant cette justice, que, dans ses lois sur la prévoyance et l'assistance publique,

elle s'est rarement écartée des véritables principes; elle ne s'est pas laissé séduire par les utopies des entrepreneurs d'idées nouvelles; elle n'a pas couru après une vaine popularité; elle n'a pas cherché en dehors des lois éternelles et de l'histoire du monde les conditions du rétablissement de l'ordre matériel et moral.

Elle a peu favorisé, il est vrai, certaines associations ouvrières qui croyaient avoir puisé dans le double fait de la destitution de leurs patrons et d'une organisation égalitaire le droit de suppléer au capital qui leur manquait, par de larges saignées faites au budget de l'État, et qui avaient gaspillé en pure perte les fonds considérables mis à leur disposition; mais en proscrivant un privilége ruineux et corrupteur, elle n'a pas condamné l'opinion des économistes et des publicistes qui pensent que, pour conjurer le double péril du socialisme et de l'individualisme, il faut respecter la liberté d'association des classes ouvrières, et développer dans leur sein des institutions disciplinaires analogues à celles qui existent dans les professions libérales.

Elle a refusé d'empiéter sur le domaine de l'industrie privée, de s'emparer des assurances, des chemins de fer, des banques, de s'immiscer dans les relations entre le patron et l'ouvrier, de réglementer les salaires; mais elle s'est toujours montrée animée d'une vive sollicitude pour les véritables intérêts des classes laborieuses.

Elle a condamné la taxe des pauvres, l'impôt sur le capital, l'impôt progressif, toutes les formules de ce faux principe de l'assistance socialiste, dont Munzer se fit, il y a trois siècles, un levier pour soulever les

paysans de la Bohême; qui fut pour Henri VIII, en Angleterre, un instrument de persécution et de tyrannie, dont Barrère et Babeuf se servirent à leur tour pour consolider en France un despotisme sanguinaire. Mais elle n'a cessé de faire appel à la charité chrétienne, et de venir en aide à la bienfaisance des particuliers par des institutions publiques marquées d'un double caractère de prudence et d'humanité.

L'Assemblée nationale avait déjà beaucoup fait en démolissant pièce à pièce le faux système qui prend sa source dans les erreurs philosophiques du XVIe siècle, et dont le socialisme contemporain a déduit les conséquences pratiques; le système qui, en Angleterre, débuta en 1535 par la spoliation des couvents, et qui y aboutit, à l'heure qu'il est, aux conventions chartistes et aux coalitions d'ouvriers; le système qui commença en France, en 1789, par les rapports philanthropiques de M. de La Rochefoucauld-Liancourt, et qui, suivi peu après de ceux du communiste Barrère, a produit de nos jours les utopies socialistes et les insurrections de barbares.

Mais ce n'était encore là qu'une partie de sa tâche, le temps lui a manqué pour l'accomplir tout entière... Un nouveau pouvoir a surgi, c'est à lui qu'il appartient de reprendre l'œuvre interrompue et de la mener à boune fin. Ce serait peu d'avoir vaincu les bandes du socialisme, si l'on ne mettait ce triomphe à profit pour détruire ses faux principes; ce serait peu d'avoir décrété le suffrage universel, si l'on ne recherchait les moyens d'augmenter le bien-être, l'instruction, la moralité des masses.

C'est au moment même où le vulgaire, délivré à l'improviste d'une date qu'il appréhendait, croyait

tout terminé par la victoire des rues, que s'est levé de toute sa hauteur devant le pouvoir nouveau le double et redoutable problème du travail et de la misère. Ce problème ne cessera de grandir et de menacer, peut-être, jusqu'à ce qu'il ait été résolu.

[14] Quel est le principe qui doit prévaloir dans la législation nouvelle ?

A en juger par le préambule de quelques décrets récents, le chef de l'État s'est inspiré d'une double pensée : il a voulu, d'une part, relever le principe d'autorité, miné par les abus du régime parlementaire, et rétablir, d'un autre côté, à défaut de libertés politiques, ce que les franchises municipales peuvent recouvrer sans péril pour l'ordre, et avec de grands avantages pour les classes laborieuses.

Nous aimons, nous bénissons ce principe d'autorité, dont la source est pour chaque peuple dans ses traditions historiques.

Fortement attaché au principe de la centralisation politique, mais adversaire des abus de la centralisation administrative, nous approuvons la pensée du décret qui a transféré aux préfets une partie considérable des attributions ministérielles, tout en regrettant que cette pensée ait été incomplétement formulée.

Mais ce qui nous frappe dans quelques décrets relatifs aux classes laborieuses, c'est l'idée qu'ils semblent manifester d'une centralisation économique, charitable, qui, loin de corriger les abus de la centralisation administrative, viendrait, au contraire, les aggraver.

Or, s'il y a, parmi les sujets de tristesse qui nous environnent, quelque motif de consolation et d'espérance, c'est assurément le progrès incessant des œu

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