Le droit d'y répandre l'effroi. Mais quand l'astre du jour a quitté l'horizon, C'est précisément à cette heure Une minute après, on ouït un bruit d'aile, Ainsi, jadis, André Chénier, Ce poète à la voix sublime, Tombait avec Roucher, autre noble victime, Les bourreaux ont laissé des enfants dignes d'eux; Le beau, le vrai, le bien sont en butte à leurs traits. Vainement leur bouche hypocrite Ose nous parler de progrès; Déjà la sombre nuit envahit la patrie, Et je le dis, hélas! le cœur gros de regrets LE CHÊNE ET LE LIERRE A M. DE LA CAILLÈRE. Au sein d'une forêt, à l'immense contour, Dominait de son front les arbres d'alentour, Il avait bravé les orages; A vivre il semblait destiné. Aux rayons du soleil impénétrable tente, Des laboureurs sans nombre Etaient venus chercher le frais et le repos. Construisaient leurs nids sur ses branches, Et les oiseaux chanteurs y donnaient leurs concerts. Et nul alors en lui n'aurait pu reconnaître Mais le monstre grandit. Sa tige moins timide S'allongeant vers le tronc en replis tortueux, Il enlaça bientôt l'arbre majestueux. Jusqu'au sommet poussant son œuvre, De ce roi des forêts la tête languissante Et ses bras desséchés perdirent leur verdure. Un bûcheron passant par là Aux ravages du parasite N'eut mis promptement le holà, En arrachant du sol sa racine maudite. De son ennemi délivré, Le chêne, dès que vint la saison printanière, Sous l'ardeur du soleil haletant, altéré, Les colombes encor vinrent bâtir leurs nids. Ce chêne, enraciné fortement dans la terre, Comme le lierre destructeur, La Révolution, à ses flancs attachée, A pu découronner son front: Elle n'a pas tué le tronc. Que du sol de la France elle soit arrachée, Les vieux rameaux reverdiront. ABBÉ LAMONTAGNE. CONTRE LA MUSIQUE Voilà un titre effarouchant! Qui a osé inscrire en tête du joli volume que nous avons sous les yeux, cette audacieuse déclaration de guerre à la plus séduisante des neuf Sœurs? Est-ce quelque philosophe voulant, plus austère que Platon, bannir de la République de ses rêves toutes les jouissances que procure l'harmonie, et, plus impitoyable que Lacédémone, couper toutes les cordes de la lyre? Est-ce un de ces froids positivistes de l'école scientifique contemporaine, qui ne croient pas aux vibrations immatérielles de l'âme, parce que le scepticisme a congelé la leur ? Est-ce un de ces hypocondres moroses pour qui les douces commotions que donnent les beaux-arts ne sont que fatigue et que tourment? Point du tout. Mais qui donc ? Je vous le donne en cent, je vous le donne en mille. Le coupable est un des esprits les plus délicats, une des âmes les plus sensibles de notre siècle; un de ses poètes dont l'inspiration est le plus pure, dont les vers sont le plus harmonieusement rhythmés. C'est un penseur qui a passé sa vie dans le culte du beau, dans un commerce intime avec la nature, dans la contemplation de toutes ses merveilles, dans la traduction de son sublime langage. C'est le chantre de Pernette, c'est l'auteur des Symphonies, c'est le maître qui naguère dans un adieu touchant, mais, espérons-le, non irrévocable, à la poésie, aspirait après ces concerts, Ouïs par Virgile et par Dante, Où sans nul désaccord chanteront tous les cœurs. TOME XLIX (IX DE LA 5e SÉRIE). 5 C'est lui!... Eh! quoi ! a-t-il donc trouvé tant de dissonances dans les voix de la terre, qu'il lance ainsi l'anathème contre l'art divin qui les assouplit, les discipline et les entraîne ? En vérité, il y a ici quelque énigme. Tournez la page, vous en aurez le mot « Le titre de ce volume est un titre menteur. » Spirituel badinage, trait d'ironie charmante, qui va frapper en pleine poitrine ceux qui ont calomnié Laprade, faute de le bien comprendre, et qui ont cru voir en lui un contempteur et un ennemi de la Muse de l'harmonie, parce qu'il voudrait placer sa statue sur un piédestal proportionné à sa taille, écarter d'elle la tourbe des profanateurs, et la purifier de ses souillures. Tel est en effet le triple but que doit atteindre ce livre. A vrai dire, ce n'est point un plaidoyer, c'est une étude. L'auteur répudie toute idée préconçue pour ou contre la musique. Il veut faire taire l'amour qu'il lui porte. Il veut analyser les ressorts de cet art, et se rendre compte de ses effets, avec la sérénité du moraliste, supérieure aux entraînements de l'enthousiasme et de la passion. Une douce philosophie coule à flots dans ces belles pages, mais on y entend parfois aussi retentir les coups du fouet de la satire, qui flagelle sans merci les vices et les ridicules du siècle. Partout cependant on y reconnaît le poète. Il n'a pu dépouiller sa prose des vives couleurs et du nombre harmonieux, ornements inséparables de ses vers. Non! cet homme-là ne pouvait pas écrire contre la musique. Le titre de son livre ne peut être qu'un titre menteur. La musique est le plus puissant de tous les arts de l'esprit, mais il est en même temps le plus obscur et le plus vague. En dehors des deux impressions de joie ou de douleur et de quelques autres moins nettes qui s'y rapportent, la plus mélodieuse cantilène séparée des paroles qui l'expliquent, la plus magistrale symphonie, n'éveillent chez l'auditeur aucune idée précise. C'est là assurément un chef d'infériorité sur les autres arts. La musique est le plus immatériel et le plus matérialiste d'entre Contre la musique, par Victor de Laprade, de l'Académie française. in-18. Paris, librairie académique Didier. Un vol. |