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LA COMMANDERIE

DU

TEMPLE DE LA GUERCHE

Notions préliminaires sur les Ordres du Temple et de Saint-Jean de Jérusalem et sur leurs possessions en Bretagne. Origines du Temple de la Guerche. Etendue de cette commanderie au XVIIe siècle. Membres de la Guerche: Vitré, Venèfles, la Violette, Dol, Rennes, la Nouée, Créhac, la Caillibotière, Plumaugat et Romillé. Revenus et armoiries. Chapelle et manoir du Temple de la Guerche. logue des commandeurs de la Guerche.

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Pour l'intelligence de cette étude, il nous faut d'abord dire quelques mots de la situation générale des Templiers et des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem en Bretagne.

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« L'origine de ces deux Ordres militaires offre une différence sensible. Les Templiers furent, dès leur naissance, une association guerrière, instituée pour la conservation et la défense des Lieux Saints, conquis par les Francs en Palestine. Fondé en 1118, par quelques chevaliers croisés, dont Hugues des Payens était le chef, installé par Baudouin II, dans une maison sur l'emplacement du temple de Salomon, d'où il prit son nom, l'Ordre du Temple reçut sa confirmation solennelle au concile de Troyes, en 1128, et ce ne fut qu'après cette date qu'il commença à s'étendre et à acquérir des domaines dans les états occidentaux. On sait qu'au moment de sa suppression, il possédait en Europe neuf mille couvents ou seigneuries. »

1 M. Paul de la Bigne Villeneuve, Bull. de l'Assoc. bret., IV, 189.

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Il existe une charte datée de 1182 et attribuée au duc de Bretagne Conan IV, par laquelle ce prince confirme aux Templiers tous les biens qu'ils possédaient en Bretagne. Cette charte est apocryphe, le duc Conan IV étant mort dès 1161 : elle a cependant une certaine valeur, car elle doit être de la fin du XIIIe siècle, et, ayant été composée au profit des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, héritiers des Templiers, elle a tout au moins la force d'une vieille tradition relatant les possessions du Temple, devenues la propriété des chevaliers Hospitaliers. A ce titre, elle est intéressante pour nous et nous ne devons pas la dédaigner. Un siècle après la fondation de leur ordre, les Templiers reçurent, en 1217, du duc Pierre Mauclerc et de la duchesse Alix de Bretagne, sa femme, des lettres confirmatives touchant leurs biens en Bretagne. « Dans ces lettres, Pierre Mauclerc relate les noms des princes, ses prédécesseurs, qui avaient successivement enrichi l'Ordre du Temple de leurs largesses; c'est d'abord Conan III, dit le Gros, fils d'Alain Fergent, «< comes Conanus pie memorie; » ensuite le comte Hoël, fils désavoué du même Conan; le comte Alain-le-Noir et son fils Conan IV; le comte Geoffroy et la comtesse Constance. Pierre ratifie tous leurs dons et énumère ensuite les concessions qui lui sont propres, prenant soin de les distinguer de celles qu'il vient de ratifier 1 »

Parlons maintenant de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, appelé successivement Ordre de Rhodes et de Malte.

Les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem ont une origine plus humble mais plus ancienne que les Templiers. Ce fut d'abord au milieu du XIe siècle, une société de frères servants, d'oblats, employés par les Bénédictins de Sainte-Marie de la Latine à Jérusalem, pour servir les malades et les pèlerins dans un hôpital dédié sous le vocable de Saint-Jean. On les appela: Fratres Sancti Joannis in Jerusalem, - Fratres Jerosolimitani Hospitales Hospitalarii. C'est par une cause accidentelle, pour protéger les pèlerius et les malades, qu'ils devinrent ordre militaire et firent un

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▲ Bull. de l'Assoc. bret. IV, 195. — D. Morice, Preuv. de l'Hist. de Bret., I, 836.

corps à part, commandé par un chef indépendant des moines leurs supérieurs primitifs. En 1113, une bulle de Pascal II adressée à Gérard, prévôt de l'hôpital de Saint-Jean-Baptiste de Jérusalem, énumère les possessions déjà nombreuses de la nouvelle religion, tant en deçà qu'au delà de la mer, el organise définitivement la constitution des Frères Hospitaliers. Il est tout naturel de croire que, dès lors, ils reçurent quelques libéralités des princes et des seigneurs bretons qui allaient aux croisades 2.

En 1160, en effet, le duc Conan IV confirma solennellement les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem dans la possession de tous leurs biens en Bretagne. D. Morice, en publiant cette charte, a cru mal à propos qu'il s'y agissait des commanderies du Temple; c'est une erreur, comme l'a fort bien prouvé M. de la Bigne-Villeneuve 3.

On connaît la déplorable fin de l'ordre du Temple. Le roi Philippe le Bel, ayant pris la résolution de faire disparaître les Templiers accusés de crimes nombreux et de s'emparer de leur fortune, envoya ordre à tous ses baillis de s'assurer des chevaliers de leur ressort. « Les mesures furent si bien prises que, le 13 octobre de l'an 1307, tous les Templiers qui étaient dans le royaume furent arrêtés. Le roi fit aussi saisir tous leurs biens et nomma des commissaires pour les administrer. Pierre de Bailleux et Jean Robert, chevaliers, furent envoyés en Bretagne pour y recueillir tous les biens meubles et immeubles des Templiers. A peine ces deux commissaires furent-ils arrivés à Nantes, qu'ils se mirent en devoir de faire l'inventaire des effets qui étaient dans le Temple, en présence d'un notaire et de plusieurs témoins. Mais les bourgeois les chassèrent, en leur déclarant que le roi n'avait aucun droit sur ces effets, et que tous les biens des Templiers en Bretagne appartenaient au duc *. »

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Peu de temps après, en 1312, le concile de Vienne prononça la dissolution définitive de l'Ordre du Temple, et donna tous les biens de cette importante congrégation aux chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Cette décision du concile fit loi en Bretagne, et c'est une opinion fort bien autorisée, dit M. de Blois, que nos ducs ne cherchèrent pas à profiter du malheur des chevaliers du Temple, et que leurs biens en général passèrent à ceux de Saint-Jean de Jérusalem '.

Lorsqu'on parle des commanderies bretonnes qui appartinrent depuis le XIVe siècle aux Hospitaliers connus plus tard sous le nom de chevaliers de Malte, il faut donc distinguer la double provenance des dotations de cet ordre l'une a pour principe les libéralités faites directement aux Hospitaliers eux-mêmes, l'autre se rapporte à l'arrêt de confiscation lancé par le roi Philippe le Bel contre les Templiers.

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« C'est ici l'occasion, dit encore M. de la Bigne-Villeneuve, de remarquer que, parmi les possessions des chevaliers de Malte, tous les lieux qui portent le nom de Temple (et ils sont nombreux), dénotent habituellement que là fut un établissement primitif de Templiers; de même que tous les lieux, villages, chapelles isolées, auxquels est affecté le titre d'Hôpital, le vocable de Saint-Jean, doivent être rangés au nombre des propriétés originaires des Hospitaliers; je crois que cette régle souffre peu d'exceptions, s'il en existe ". >>>

Tout ce qui formait la dotation de l'Ordre de Malte dans notre province, relevait du grand prieuré d'Aquitaine, l'un des plus considérables de la Langue de France 3. Il y avait en Bretagne quatre grandes commanderies, composées chacune de plusieurs membres qui avaient été eux-mêmes jadis bénéfices séparés en titre de commanderie, puis avec le temps, réunis pour former des dotations plus importantes.

Bull. de l'Assoc. bret. I. 48.

2 Bull. de l'Assoc. bret, I, 191.

3 On appelait Langues les différentes nations dont se composait l'Ordre de Malte. Il y en avait huit, savoir : Provence, Auvergne, France, Italie, Aragon, Allemagne, Castille et Angleterre (avant le schisme de Henri VIII.)

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Ces grandes commanderies bretonnes étaient celle de la Feuillée, située en Cornouailles; - le Temple de Carentoir, ayant son siège dans l'évêché de Vannes, le Temple de Nantes, s'étendant dans le Comté nantais, - et enfin le Temple de la Guerche dont nous allons nous occuper.

La commanderie du Temple de la Guerche avait son chef-lieu dans la paroisse de Rannée, évêché de Rennes, au manoir du Temple, situé près de la petite ville de la Guerche. Cette commanderie s'étendait dans le diocèse de Rennes, Saint-Malo, Nantes, Dol et Saint-Brieuc, et comprenait, en 1681, onze membres, savoir : la Guerche, - Vitré, Venèfles, la Violette, - Dol, Rennes, la Nouée, - Créhac, la Caillibotière, Plumaugat,

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et Romillé. Nous étudierons successivement chacun de ces établissements, en commençant par celui de la Guerche qui donnait son nom à toute la commanderie.

1o Le membre du Temple de la Guerche. Nous savons malheureusement peu de chose de ce qu'était le Temple de la Guerche entre les mains des Templiers; la charte apocryphe de Conan IV ne le mentionne point, et cependant il devait certainement exister au XIIe siècle. Il est permis de croire que ce pieux établissement fut une fondation des sires de la Guerche; peut-être fut-ce l'œuvre de Guillaume, seigneur de la Guerche qui, en 1156, prit la croix et gagna Jérusalem 1.

En 1245, il est toutefois fait mention de ce temple: nous voyons alors frère Pierre de Langan, précepteur des maisons du Temple en Bretagne, faire un accord avec Bonabes de Rougé. Par cet acte, les Templiers renoncèrent à une dîme qu'ils levaient à Rougé et le seigneur du lieu donna en échange soixante-dix sols de rente sur le passage de Soulvache au précepteur et aux frères du Temple de Notre-Dame de la Guerche, « preceptori et fratribus domus Beate Marie Virginis de Guirchia "».

Un peu plus tard, en 1254, un homme nommé Durand du Temple « Durandus de Templo légua aux frères du Temple de la D. Morice, Preuv. de l'Hist. de Bret., I, 624.

• Anciens évêchés de Bret. VI. 176.

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