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nouveau bassin. Le soir, un feu d'artifice a été tiré sur les quais, au milieu d'une fête vénitienne, acompagnée de lumière électrique, et le lendemain, 9 mai, les fêtes se sont terminées par une grande cavalcade historique et allégorique qui a été remarquablement réussie. Depuis les quatre hommes d'armes authentiques qui étaient en tête, jusqu'aux quatre derniers véritables gendarmes qui fermaient la marche, vrai succès dans les détails et dans son ensemble.

Il s'agissait de reproduire un ancien fait d'armes du XIVe siècle, le siège de Saint-Nazaire par les Espagnols et le défi de l'amiral.

Vers midi et demi, le cortège historique et les chars se sont réunis sur le boulevard de l'Océan. Une galère espagnole et la flottille étaient mouillées dans le Traict, attendant avec impatience l'arrivée des seigneurs de Saint-Nazaire, cause du vent qui était assez violent. Lorsque Jehan d'Ust et ses compagnons d'armes, Jehan de Rieux, ami de Duguesclin, un des plus grands seigneurs et des plus preux chevaliers de son siècle, et son vassal Messire Jehan d'Heinlex, arrivèrent, l'amiral espagnol débarqua sur la côte et vint, en langage de l'époque, sommer Jehan d'Ust de remettre la place de Saint-Nazaire à lui représentant du roi de toutes les Espagnes; Jehan d'Ust lui répond fièrement, en vrai Breton, que tant qu'il y aura un habitant de Sainct-Nazaire en état de porter les armes, il ne reconnaîtra d'autre suzerain que le duc de Bretaigne. Il provoque l'amiral en combat singulier; celui-ci refuse le combat et accepte de visiter les fortifications de la ville et ses moyens de défense tant en hommes qu'en armes et en vivres. Le bon génie de Saint-Nazaire remercie Jehan d'Ust et le cortège s'avance, pompeux, à travers la ville.

Nous voyons en tête quatre sergents d'armes, fièrement campés sur leurs destriers, qui ouvrent la marche et dirigent la cavalcade; les rues sont pavoisées; le tumulte est grand et grande est la rumeur, quand arrivent à la suite les trompettes qui jouent à pleins poumons; puis vient la compagnie d'archers aux costumes bariolés. Ils sont suivis des musiciens de la Société musicale qui gardent très bien leurs rangs, pendant toute la cavalcade, dont les instruments modernes font seuls disparate avec l'habillement à la poulaine. Nous voyons ensuite les gens d'armes, officiers en tête, qui défilent sur leurs chevaux, parés avec goût, suivant l'usage ancien. Que dire des arquebusiers, qui arrivent ensuite avec leur casque en cuir bouilli, si ce n'est de leur demander s'il ne sont pas bien certains de ne pas être d'anciens chevaliers, sortis, pour la circonstance, armés et équipés, de leurs tombeaux? Très gothiques, ces arquebusiers, et si dans le temps jadis ils n'étaient pas comme cela, ils avaient tort.

Vient ensuite un canon de bois cerclé de fer, monté sur un affût mas

sif, qui repose sur quatre petites roues ; les maistres artilleurs doivent le faire tourner dans les rues avec des leviers placés à l'arrière. C'est le fac-similé du canon qui fit si peur aux Anglais et aux Français à la bataille de Crécy. Les servants sont très éclatants avec leur cotte de drap jaune à l'aigle noir.

Nous apercevons à quelque distance Jehan d'Ust. Sa massive armure d'or étincello au soleil et on le distingue, d'une extrémité de la rue de Nantes à l'autre. Sa gente épouse l'accompagne, ainsi que Jehan de Rieux et sa femme, Jeanne d'Harcourt, M. et Mme Jehan d'Heinlex, comme nous dirions aujourd'hui. Ils sont très brillants les cavaliers, elles sont charmantes, leurs nobles dames, sur leurs fringantes haquenées, tenues en main par de jeune pages.

Voici maintenant la suite de Jehan d'Ust, qui court, papillonne; son désordre voulu est très pittoresque et nous parierions que plus d'un a pris ce jour-là son rôle au sérieux et regrette de ne pouvoir circuler tous les jours sous le brillant costume qu'il portait à la cavalcade: varlets, écuyers, poètes, troubadours, recevez nos sincères félicitations.

Saluez maintenant, lecteur, voici venir la Charité, sous la forme d'une immense coupe antique reposant sur un socle de velours rouge ; de grandes coquilles sont pleines de cuivre, d'argent et même d'or. Elles sont surveillées par les plus ravissantes gardiennes qu'on puisse voir, et la récolte a été fructueuse, car les pèlerins et les pages se multipliaient pour la recueillir. Les pauvres n'auront pas perdu leur journée. Puis voici le char d'Amphitrite, avec ses dauphins, ses marsouins et un énorme homard, agitant très comiquement ses pinces; le char du Commerce et de l'Industrie, celui des Pilotes, représentant un navire exécutant des signaux variés, celui de l'Industrie salicole, avec des paludiers authentiques du Bourg de Batz; celui de l'Agriculture, suivi d'une noce villageoises enfin celui de la Paix, au haut duquel trône la Ville de Saint-Nazaire, appuyée sur son ancre et sur son gouvernail.

Tout cet ensemble était bien conçu et fort brillamment exécuté. Les armoiries de Jehan d'Ust et du sire de Rieux, portées par les hérauts, d'armes, étaient authentiques, et le seul reproche qu'on ait pu faire aux organisateurs de cette fête remarquable, a été de s'être tellement attachés à l'exactitude extérieure qu'ils ont oublié de veiller à leurs propres insignes. Nous ne pensons pas que ce soit par amour de Nantes que tous les cartouches aux armes de Saint-Nazaire aient été peints, ce jour-là, sur fond de gueules: comme aux armes de Nantes. La galère de Saint-Nazaire doit être portée sur fond d'azur.

Un des journaux de la rivale de Nantes a terminé son compte rendu des fêtes par cette phrase échappée à l'un des spectateurs : Aujour

d'hui une grande ville est née à la France. Nous souhaitons au nouveauné de devenir un Hercule.

Nous ne terminerons pas cette chronique sans reproduire textuellement un éloge que nous empruntons au Courrier de Saint-Nazaire:

• M. Sadi-Carnot, au moment de son départ, a nommé ingénieur en chef du port de Saint-Nazaire M. René Kerviler, ingénieur ordinaire.

« C'est la juste récompense des services considérables rendus par l'honorable ingénieur pendant la direction des immenses et difficiles travaux dont il était chargé. On n'ignore pas les difficultés de l'entreprise : quel ques-uns, moins persévérants, auraient pu se rebuter devant l'imprévu qui surgissait à chaque pas.

Quelques parties des substructions sont des œuvres d'art véritables qui aujourd'hui font école. Des modes nouveaux de construction ont été imaginés pour vaincre les impossibilités de l'œuvre. Nous pourrions citer notamment les doubles voûtes jetées par-dessus plusieurs puits, et offrant, par suite d'une ingénieuse combinaison, la résistance la plus puissante. « Aujourd'hui, cette œuvre colossale est menée à bien; il était juste, il était digne que le ministre des travaux publics reconnût les mérites exceptionnels de l'homme qui l'a conduite avec un talent, une opiniâtreté et une science au-dessus de tout éloge. Et les applaudissements répétés qui ont accueilli les compliments adressés à M. Kerviler par M. Sadi-Carnot, ont montré à ce dernier qu'il ne se trompait pas en attribuant une grande partie de l'honneur de la journée à l'ingénieur du bassin, et lui ont montré, en même temps, de quelle sympathie on entourait la personne et le caractère de M. Kerviler.

« Nous sommes d'autant plus heureux de cette nomination, que M. Kerviler, qui connaît mieux que personne les besoins de notre port, va pouvoir maintenant user de sa haute influence pour leur faire donner satisfaction; et nous pouvons ajouter que, sous ce point de vue, nos intérêts sont placés en bonnes mains.

En outre, notre ville se trouve ainsi dotée d'un service nouveau: l'ingénieur en chef, jusqu'à ce jour, était en résidence à Nantes. »

Cet éloge nous est d'autant plus sensible, que tous les succès semblent venir au devant de notre collaborateur. Nous apprenons, au moment de mettre sous presse, que l'Académie française vient d'accorder un de ses prix à l'ouvrage sur Valentin Conrart, le fondateur et premier secrétaire perpétuel de l'Académie, l'homme au silence prudent des Satires de Boileau, qu'il a publié, il y a quelques mois, en collaboration avec M. Ed. de Barthélemy. LOUIS DE KERJEAN.

Le 20 mai, on faisait, à la Cathédrale de Nantes, des obsèques très solennelles à M. Félix Martineau, maître de chapelle de Saint-Pierre depuis 1849. Il était né en 1809, et était chevalier de Saint-Sylvestre.

De toutes ses productions musicales, dit la Semaine religieuse, celle qui restera surtout populaire, et qui a fait désormais, on peut le dire, le tour du monde, grâce à nos pèlerinages nantais qui l'ont vulgarisée, c'est son célèbre cantique : CATHOLIQUE ET BRETON TOUJOURS! Il le composa en 1866, à la demande de Mgr Richard et sur les paroles écrites par ce prélat, à l'occasion des fêtes de la Bienheureuse Françoise d'Amboise. Ni l'un ni l'autre, assurément, ne se doutaient alors que leur œuvre commune dût obtenir un retentissement si général et si durable. Le succès s'explique néanmoins, car ici musique et paroles s'accordent merveilleusement pour rendre le double sentiment patriotique et religieux qui vibre au fond de tous les cœurs. >

Nous apprenons, au dernier moment, que M. Benjamin Fillon, de Fontenay-le-Comte (Vendée), est mort, le mardi 24 mai, à son habitation de Saint-Cyr en Talmondais. Ses obsèques, purement civiles, dit le Libéral, de la Roche-sur-Yon, ont eu lieu le surlendemain, jeudi, jour de l'Ascension.

Nous donnerons prochainement une notice sur M. Fillon.

- M. le général Charles-Joseph Halna du Fretay, général de division en retraite, grand officier de la Légion d'honneur, vient de mourir à Saint-Brieuc.

Le général Halna du Fretay avait eu une carrière très brillante. Il s'engagea dans un régiment de cavalerie, au moment de l'expédition d'Alger assista au siège de Constantine comme lieutenant et servit comme officier, en Afrique, sous les ordres du général de la Moricière. Il gagna ses autres grades en Crimée, prit part au début de la guerre de 1870 en qualité de général de brigade et fut nommé général de division sous Metz.

-La Société d'encouragement au bien, qui tenait sa séance, le 22 mai, au Cirque d'Hiver, a donné une médaille à Michel Marion, épisode de la guerre de l'indépendance bretonne, par notre collaborateur, M. le comte de Saint-Jean.

Le 25 mai, avait lieu au Palais de l'Industrie, à Paris, le vote pour les médailles d'honneur du Salon de 1881. Nous sommes très heureux de constater que celle de la peinture a été décernée à notre compatriote, M. Paul Baudry, pour son grand tableau exposé dans le salon carré : La Glorification de la Loi.

BIBLIOGRAPHIE BRETONNE ET VENDÉENNE

ANNALES DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE NANTES ET DU DÉPARTEMENT
DE LA LOIRE-INFÉRIEURE. 1880. Vol. I de la 6a série. In-8°, LXVIII. 316 p.
Nantes, imp. Ve Mellinet.

ANNALES ET RÉSUMÉ DES TRAVAUX DE L'ANNÉE 1880 DE LA SOCIÉTÉ
NANTAISE D'HORTICULTURE. In-8°, 346 p. Nantes, Imp. Ve Mellinet.

CLISSON JUGÉ PAR SES VISITEURS. Une broch. gr. in-8°, 60 p. avec

27 dessins et 3 eaux-fortes hors texte. Nantes, Vier, libr.-édit. passage

Pommeraye.

L'ex. sans eaux-fortes hors texte...

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Extraits choisis des registres de la Garenne et du château de Clisson (1819-

1880).

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES.— 2o série, 1871-1880, par M. Eug.

Louis. Broch. in-8°,

56 p.

SOCIÉTÉ DE SAINT-VINCENT-DE-PAUL. Conseil central de Nantes. Assem-
blée générale du 5 mars 1881.- Nantes, imp. Vincent Forest et Emile
Grimaud. Broch, in-8o, 34 p.

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