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tactique due à l'inimitié du parti opposé à l'alliance autrichienne, résolut de demander le rappel du prince Louis.

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Nous ne pouvons nous prononcer aussi catégoriquement sur ces allégations que sur les précédentes. Il nous paraît bien improbable que l'ambassadeur, malgré sa légèreté connue, ait pu tenir une conduite aussi inconsidérée ; mais ce qui ne peut être mis en doute comme conclusion de ce rapide tableau de son ambassade, c'est qu'il faut rayer d'un grand nombre d'histoires de France, qui passent pour sérieuses, de celle de Lacretelle en particulier 2, l'assertion étrange que grâce à l'imprévoyance du prince Louis le

1 Soulavie confirme cependant en partie les assertions de MTM Campan, mais en leur donnant une couleur politique. . On a attribué exclusivement, dit-il, la haine de la reine pour le cardinal de Rohan, à une lettre de lui peu favorable à l'impératrice. Le cardinal de Rohan encourut sa disgrâce, non seulement à cause de cette fameuse dépêche, mais encore parce qu'il avait appris lui-même, par les interceptions ou les infidélités des commis autrichiens, que Marie-Antoinette ne cessait pas d'être à Versailles archiduchesse dans le cœur et la haine de la reine pour le duc d'Aiguillon vint surtout de l'aveu qu'il en fit au jeune roi dans un travail ministériel. Le roi se trouva par le fait dans de perpétuelles défiances de son épouse, qui jamais ne le pardonna ni au cardinal de Rohan, ni au duc d'Aiguillon.» III. 281. Louis XVI aurait toujours conservé, paraît-il, les documents relatifs à la correspondance secrète de Louis XV et aux affaires d'Autriche dans un cabinet particulier situé au-dessous de son atelier de serrurerie et dont Marie-Antoinette n'eut jamais l'accès.

2 Dans ses Souvenirs et Portraits, le duc de Lévis, qui crayonne un cardinal de Rohan très ressemblant, et qui le juge avec beaucoup d'impartialité, commet aussi cette grave erreur au sujet de l'ambassade de Vienne. Une ambition fort au-dessus de sa capacité, dit-il, lui avoit fait désirer cette ambassade et le crédit de M de Marsan la lui avoit fait donner à l'exclusion du baron de Breteuil qui étoit déjà nommé. (Nous avons vu au contraire quelles instances fit près de lui le duc d'Aiguillon.) Pendant que le cardinal de Rohan, qui s'appeloit alors le prince Louis, remplissoit ce poste important et qu'il étoit plus occupé d'étaler un grand faste et de jouir de la société de Vienne, une des plus aimables de l'Europe, que des affaires diplomatiques, le partage de la Pologne se tramoit à son insu. Je ne sais si le cabinet de Versailles auroit eu la fermeté de s'y opposer; mais cela n'excuse point l'ambassadeur qui devoit avertir d'un pareil événement. Il eut encore la maladresse d'écrire d'une manière défavorable sur le compte de la jeune princesse destinée à régner sur la France: elle le sut, ne lui pardonna point, et ce fut une des causes de l'infortune du cardinal... › (Souvenirs et Portraits, par M. de Lévis. Paris, F. Buisson, 1813, 8°, p. 54.) — Il y a beaucoup d'erreurs dans ce passage. Les dépêches publiées par l'abbé Georgel prouvent que le prince Louis avait fait son devoir en prévenant à temps

ministère ne connut pas à temps le scandaleux partage de la Pologne. Que le duc d'Aiguillon, honteux d'avoir été la dupe de l'astuce autrichienne, ait cherché à en rejeter sourdement la cause sur l'ambassadeur, cela ne nous étonne guère d'un ministre aussi peu scrupuleux que l'ancien gouverneur de Bretagne; mais l'histoire a le droit d'abord de demander des comptes à notre ambassadeur à Pétersbourg où s'était conclu le traité, bien autrement coupable que n'eût été le prince Louis, puisque cela se passait dans la sphère directe de sa surveillance; ensuite, de constater que l'ambassadeur à Vienne n'avait cessé de faire part au ministre de ses idées et de ses découvertes sur ce projet si funeste aux intérêts de la France. La cour de Vienne, instruite par ses espions de sa clairvoyance, le hait pour l'avoir pénétrée, et poursuivi par elle, il tomba l'année suivante « victime d'une conduite patriotique, a dit M. de Saint-Priest, et d'autant plus à plaindre en cela que la postérité elle-même, trompée par ses ennemis, lui a voué dès lors un mépris qu'il n'a mérité que plus tard 1. »

RENÉ KERVILER.

(A suivre).

et plusieurs fois le ministère. De plus, ce n'est pas sur la Dauphine qu'il eut la maladresse d'écrire d'une manière défavorable, mais sur l'impératrice, sa mère, l'instigatrice du partage de la Pologne.

1 M. de Saint-Priest. Études diplomatiques, I, 265.

1529-1800

II *

FONDATION DU COUVENT DE L'ERMITAGE

1622-1636

M. Guépin, dans son Histoire de Nantes, parle, en trois endroits différents, de l'établissement des Capucins dans cette ville. Nous y lisons: 1o page 267: Le premier établissement des Capucins à Nantes date de 1593. Cependant, les Révérends Pères s'y trouvaient depuis plusieurs années; car ils firent, en 1591, une procession qui eut lieu à dix heures du soir, et dans laquelle tous les assistants se trouvaient en chemise (in albis), nu-pieds et la torche à la main. Nos chroniques ne nous disent point que les femmes et les filles se soient dispensées d'assister à cette scandaleuse cérémonie. > 2o Page 311 « Les États de Bretagne se tinrent à Nantes en 1622... Les Capucins s'établirent à Nantes la même année. »> 3o Page 313 « La fondation de l'hospice de l'Ermitage par les Capucins est de l'année 1629. »

Il y a ici une contradiction et une grossière erreur. La contradiction se trouve entre le premier et le second passage que nous citons. Si les Capucins s'établirent à Nantes, à la date de 1593, ce ne fut pas en 1622; si leur établissement dans cette ville date de 1622, ce n'est pas de 1593. La contradiction est évidente.

L'erreur est au troisième passage. Ce n'est pas, comme nous le prouverons tout à l'heure, en 1629, mais bien en 1622, que les Capucins fondèrent l'hospice de l'Ermitage'.

* Voir la livraison de décembre 1880, p. 403-408.

▲ Chez les Pères Capucins, on appelle hospice un petit couvent qui n'est pas encore complètement et régulièrement organisé.

La vérité est que les Capucins vinrent à Nantes en 1593. C'est la date que portent toutes les pièces que nous avons sous les yeux. Le duc de Mercœur les établit alors au Marchix. En 1622, ils occupèrent l'hospice ou petit couvent de l'Ermitage. En 1629, ils commencèrent la construction de leur couvent de la Fosse. Le 30 avril 1630, ils vendirent leur couvent du Marchix aux Cordelières de Sainte-Élisabeth, et, le 24 juin 1631, ils occupèrent leur couvent de la Fosse nouvellement bâti.

On ne comprend vraiment pas que M. Guépin, prétendant écrire l'Histoire de Nantes, ait ainsi tout confondu. S'il fût remonté aux sources, au lieu de se contenter des documents qu'il recevait de troisième ou de quatrième main, il eût évité toutes ces inexactitudes.

La procession de 1591, organisée par les Capucins, ne prouve pas que ces religieux fussent déjà établis à Nantes à cette époque. Les Capucins avaient pu venir, en 1591, prêcher dans cette ville, comme ils vont encore prêcher des missions dans les villes et dans les paroisses où on les appelle. Enfin, quant à cette procession, au sujet de laquelle M. Guépin se permet de faire une réflexion d'un goût plus que douteux, nous ferons observer que ce genre de cérémonie était fort en usage à cette époque. Un véritable historien devrait le savoir, et un écrivain impartial n'oublierait point qu'il ne faut pas juger les événements des temps passés d'après les mœurs de l'époque où il écrit, mais bien d'après celles de l'époque où les faits sont arrivés 1.

Établis à Nantes en 1593, par la libéralité du duc de Mercœur, qui leur donna le couvent du Marchix, les Capucins y furent accueillis avec la plus grande faveur par tous les habitants. La ville s'engagea même, par une délibération du 13 octobre 1593, à leur fournir gratuitement tous les remèdes dont ils pourraient

1 Travers, Histoire de Nantes, T. III, p. 53, fixe cette procession au 24 mai 1591. Il en fait suivre le récit d'une réflexion analogue à celle de M. Guépin, tout en reconnaissant que ce genre de cérémonie était fort en usage à cette époque. Ce que nous disons ici, au sujet de la réflexion de M. Guépin, s'applique également à celle de Travers, dont elle n'est, pour ainsi dire, que la copie.

avoir besoin dans leurs maladies. L'austérité de leur vie et leur ferveur exemplaire attirèrent bientôt à leur Ordre de nombreux sujets, même des plus hauts rangs de la société nantaise. Le frère de Françoise Dachon, épouse de Michel Ragaud, sieur de la Hautière, était déjà religieux Capucin depuis plusieurs années en 1622, et un des fils de Michel Ragaud et de Françoise Dachon fit profession chez les Capucins, sous le nom de VALÉRIEN de Nantes, au mois de juin de cette même année 1622.

Ce fut à cette époque, le 12 juin 1622, comme nous l'avons dit précédemment, que Guy Chapelet, en religion frère Bruno, mourut et fut enterré chez les Capucins du Marchix. Le sieur de la Hautière, dont le beau-frère était déjà Capucin, et dont le fils faisait profession dans ces jours au couvent du Marchix, résolut de donner l'Ermitage aux Pères Capucins, pour leur servir de maison de solitude, en même temps que de lieu de repos pour leurs malades et leurs infirmes. Voici l'acte de donation, daté du 13 juin 1622, lendemain de la mort du frère Bruno 1:

IN NOMINE PATRIS ET FILII ET SPIRITUS SANCTI.

«En nostre cour royalle de Nantes, devant les notaires héréditaires d'icelle soubz signez, aveq deue submission de personnes et biens, et prorogation de juridiction, y juré par sermant, ont esté présent Maistre Michel Ragaud, controlleur général pour le roy, en sa provosté dudict Nantes, et Françoise Dachon, son espouze et compaigne, sieur et dame de la maison et terre noble de la Haultière, ladicte femme suffisamment auctorizée en sa requeste dudict sieur de la Haultière, son mari, demeu

1 Nous lisons dans Ogée, Dictionnaire de Bretagne, loc. citat. En 1622, le dernier ermite étant mort, les Récollets firent leur possible pour obtenir ce terrain des Seigneurs de la Hautière; mais ils furent refusés. Les Capucins qui le demandérent furent plus heureux; le terrain leur fut donné le 13 juin de cette année. » Il nous est impossible d'admettre ce qui est affirmé ici, sans preuve, par Ogée. Une semblable compétition, entre les Récollets et les Capucins, eût demandé plus de vingt-quatre heures, et ce fut vingt-quatre heures après la mort du dernier ermite que le sieur de la Hautière donna l'Ermitage aux Capucins. Les Récollets n'ignoraient pas que le beau-frère de Michel Ragaud était Capucin, et que son propre fils faisait, dans ces jours-là, profession chez les Capucins. Il n'est pas croyable qu'ils se soient hasardés à demander 1 Ermitage au sieur de la Hautière. Ils devaient bien savoir d'avance que si Michel Ragaud le donnait à des religieux, ce ne pourrait être qu'aux Capucins.

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