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LE CONCOURS DE LA SOCIÉTÉ LA POMME.

La Société bretonne la Pomme organise, pour 1881, un concours littéraire auquel peuvent prendre part tous les littérateurs sans exception. Le concours comprend cinq parties :

1° (Objet d'art et deux mentions): Duguesclin au Tournoi de Rennes, poésie ne pouvant excéder 150 vers.

2o (Médaille d'argent grand module et deux mentions): - Etude en prose sur le Connétable de Richemont.

3° (Médaille d'argent petit module et deux mentions): Chanson sur les Fromages normands.

4. (Médaille d'argent grand module et deux mentions): sonnet, ballade ou villanelle sur un sujet libre normand.

50 (Médaille d'argent grand module et deux mentions): Etude en prose sur les moyens d'améliorer la condition matérielle et morale des marins bretons et normands.

En outre, des dispositions seront prises pour qu'il soit donné une publicité totale ou partielle aux œuvres couronnées. Les manuscrits devront parvenir à M. Émile Asse, secrétaire de « La Pomme », à Paris, 14, rue de Maubeuge, avant le 15 Août 1881, terme de rigueur.

Chaque envoi portera une devise, qui sera reproduite à l'extérieur d'un billet cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur.

CHRONIQUE

LES FÊTES DES 8 ET 9 MAI A SAINT-NAZAIRE

C'est avec intention que nous ne donnons pas pour titre à cet article celui d'Inauguration du bassin de Penhouët, que portaient les grandes affiches vertes, apposées depuis quelques semaines sur tous les murs des principales villes de Bretagne. Il a été en effet convenu, au dernier moment, que l'inauguration officielle serait remise au mois de juin, lorsque M. Grévy pourrait venir la célébrer lui-même avec tous ses ministres; c'est seulement pour ne pas rendre inutiles tant de préparatifs que M. Sadi-Carnot, ministre des Travaux publics, a consenti à venir inspecter les travaux, afin de donner un prétexte aux fêtes. Il est vrai qu'on ne persuadera pas facilement aux vingt ou trente mille personnes qui se pressaient, le 8 mai, dans les rues et sur les quais de Saint-Nazaire, qu'elles n'ont pas assisté à l'inauguration du bassin de Penhouët; mais l'histoire a de ces fantaisies et ne doit s'écrire que sur des titres officiels. On nous a cité un bon mot, fait à cette occasion: - « Ce sera aujourd'hui l'ondoiement, aurait dit le maire de Saint-Nazaire, un peu déçu par le retard du voyage présidentiel; à un mois le baptême. Cela est fort bien, monsieur le maire, mais on ne paie, en général, les dragées qu'au baptême : vous les paierez deux fois. Et puis ne faudrait-il pas un peu la bénédiction de M. le curé, même pour un ondoiement? Il ne paraît pas que vous y ayez songé !...

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Quoi qu'il en soit, inauguration ou simple visite, ondoiement ou baptême, le premier grand navire est entré, le 8 mai, dans le gigantesque bassin de Penhouët, le plus grand qui soit au monde d'une seule pièce, car il mesure 1,100 mètres de longueur, 23 hectares de superficie, et peut recevoir des navires tirant 7 mètres 30 en morte eau et 9 mètres en vive eau. Aussi, l'un des journaux de la localité, le Courrier de Saint-Nazaire, a-t-il fort justement remarqué que, si les villes comme les peuples ont leurs grandes journées, qui viennent jalonner les différentes phases de

leurs transformations et constituent leur histoire, le 8 mai pourra à juste titre, pour Saint-Nazaire, prendre rang parmi elles.

Le voyage de Napoléon for à Saint-Nazaire, le vote du premier bassin, son achèvement, l'ouverture de la ligne d'Orléans, la sortie du premier transatlantique et, enfin, l'inauguration du bassin de Penhouët, sont autant de points de repères qui indiquent que les phases de Saint-Nazaire ont été constamment des phases de progrès et de progrès rapides; car, en moins d'un siècle, le petit port de pilotes du 10 août 1808 ouvre, à la date du 8 mai 1881, « un nouveau grand port au commerce du monde.>

Le samedi, 7 mai, M. le ministre des Travaux publics arrivait à Nantes, et assistait d'abord à un dîner offert par la Chambre de commerce de cette ville, puis à une soirée à la préfecture. Le lendemain, à 7 heures du matim, il quittait Nantes et s'embarquait à bord du pyroscaphe no 4, conduit par M. Guérin, doyen des pilotes de la Loire. M. Sadi-Carnot était accompagné de M. Picard, directeur du personnel de son ministère, de M. Lagrange, inspecteur général des ponts et chaussées, de M. Rousseau, directeur de la navigation, de MM. les ingénieurs attachés au département, et d'un certain nombre de sénateurs, députés, conseillers généraux, maires, etc., parmi lesquels on remarquait MM. de Lareinty, Espivent de la Villeboisnet, Gaudin, de la Biliais, Simon, Babin, Lechat, etc.

On avait mal calculé, paraît-il, l'heure de l'arrivée du ministre; on avait compté sans le vent, et tous les préparatifs avaient été faits sur le môle, pour 11 heures seulement. A 10 h. 1/2, il débarquait aux estacades, et nul cortège officiel ne se trouvait à sa rencontre. Il fut reçu par notre ami et collaborateur M. René Kerviler, ingénieur du bassin de Penhouët, et par M. Atys Goy, conseiller municipal, qui se trouvait là par hasard.

Après un court séjour à la mairie, le cortège se dirigeait, à 11 heures, vers le bassin de Penhouêt, escorté par la gendarmerie, la douane, les pompiers et la musique municipale.

Le garde-pêche l'Euménide, capitaine Cosmao, qui devait avoir le ministre à son bord, était en tête, dans l'écluse de communication des deux bassins; venaient ensuite les gardes côtes l'Elan et l'Oriflamme, et enfin le navire de la Cie Générale Transatlantique, la Ville-de-Saint-Nazaire, capitaine Le Barzic.

Les musiques de Saint-Nazaire, de Saumur et de Savenay se placerent sur l'avant de l'Euménide, pendant que M. le ministre et sa suite se plaçaient à l'arrière.

On tire 21 coups de canon à bord de l'Euménide, et lenavire de l'État fait son entrée dans l'immense bassin de Penhouët. Un officier du bord crie trois fois, suivant le réglement : Vive la République; les mousses pla.

cés dans les vergues répondent par le même cri. Mais, dans ces moments solennels, qu'importe la république, l'empire ou la royauté. L'émotion avait gagné les spectateurs, et l'on peut dire que, dans cet instant, la même pensée étreignait tous les cœurs, le même cri était sur toutes les lèvres Vive la France !

Le bassin s'ouvrait, immense, resplendissant de lumière, et l'on voyait là-bas, bien loin, les quais opposés noyés par une légère vapeur à travers laquelle tous les hommes, même les ministres, apparaissent gros comme des mouches. Que de places ouvertes au travail dans le développement de ces quais qui s'étendent à perte de vue ! Que de sources de prospérité sur cette énorme masse d'eau ! Le calme et la tempête la richesse et la lutte, l'histoire de tous les ports: voilà à quoi nous fait songer le soleil qui dore l'horizon, le vent qui soulève des vagues assez fortes dans le bassin même.

L'Elan et l'Oriflamme suivent de près l'Euménide, dont la longue flamme se tient droite, avec son étoile éclatante à l'extrémité. La Ville de Saint-Nazaire arrive ensuite. Le colosse entre, majestueux, évitant sans amarres ces quais qui le touchent presque. Il est allège, toutes ses tentes sont en place; il entre, évolue, malgré la forte brise, avec autant de faci lité qu'une chaloupe à vapeur, à travers les bouées dont les chaînes pouvaient briser ses hélices.

L'Euménide entre dans la forme de radoub no 1; M. le ministre débarque, visite les machines qui font mouvoir les pompes d'épuisement; il s'achemine vers la Loire, au débouché de l'aqueduc, reste un instant dans les bureaux des ponts et chaussées, où il félicite MM. les conducteurs qui ont surveillé l'exécution du travail. M. Kerviler lui montre le curieux musée préhistorique formé avec les objets trouvés dans les fouilles du bassin, et le cortège s'achemine vers la Ville de Saint-Nazaire qui s'est présentée tribord à quai devant les bureaux. MM. Laurent et Cloquemin reçoivent M. Sadi-Carnot à la coupée, et bientôt le paquebot de la Compagnie transatlantique est transformé en vaste fourmilière à travers laquelle on circule difficilement. La Ville de Saint-Nazaire évolue sur place, pivote sur ses hélices, et entre à toute vapeur dans les écluses de communication, laissant les trois navires de l'Etat mouillés dans l'angle nord, car la violence du vent ne leur permet pas d'accoster le long des quais du bassin dégarni.

Le ministre descend au quai de la Compagnie transatlantique pour se rembarquer sur le Belle-Isle, qui le transporte, avec les invités, au banquet devant les entrepôts dont la salle a été richement décorée : de nombreux écussons représentant les armes de Nantes et celles de SaintNazaire ornent les murs. Le banquet commence. M. Sadi-Carnot, appelé

à Paris pour des affaires très urgentes, désire partir à 3 heures; aussi M. Desanges, maire de Saint-Nazaire, se lève-t-il à 2 h. 1/2 et porte un toast au président de la République.

M. Croizet, président de la Chambre de commerce de Saint-Nazaire, ensuite M. Fidèle Simon, M. de Lareinty, M. le préfet Herbette, prononcent successivement des discours, que le défaut d'espace ne nous permet pas de reproduire.

M. Sadi-Carnot a pris le dernier la parole. Voici le résumé de son toast, très flatteur pour notre ami M. Kerviler :

Messieurs,

En entendant vos paroles de respectueuse sympathie à l'adresse de M. le Président de la République, je me dois de vous exprimer les regrets qu'il a éprouvés de ne pouvoir répondre en ce moment à votre invitation: il le regrettera plus encore, j'en suis persuadé, quand il connaîtra l'expression de vos sentiments de déférence pour lui.

Il aurait voulu assister à l'inauguration de ces magnifiques travaux et, comme il m'a été donné de le faire, applaudir à cette œuvre gigantesque dont je dois reporter l'honneur aux ingénieurs qui ont contribué à leur achèvement, à tous sans exception, depuis M. Leferme jusqu'à notre camarade Pocard-Kerviler, (Applaudissements unanimes), à qui je suis heureux d'adresser publiquement mes félicitations.

Vous avez là, messieurs, un cadre superbe il s'agit maintenant d'y mettre une toile qui en soit digne. Le cadre, c'est le bassin de Penhouët lui-même; la toile, ce seront ces bâtiments nombreux, de toutes grandeurs, de tous pays, qui viendront y aborder, et s'il vous faut un outillage nouveau, que déjà vous réclamez, pour compléter l'importance de votre bassin, vous pourrez compter, afin de l'obtenir, sur le concours du gouvernement.

Vous savez en effet, messieurs, qu'il ne ménage pas sa sollicitude au développement de la marine française. Vous avez visité tout à l'heure un navire de commerce et un bâtiment de l'Etat : le gouvernement ne distingue pas entre eux, quand il s'agit d'assurer la grandeur et la prospérité du pays.

Je bois, messieurs, à la marine de guerre et à la marine de paix ; je bois à notre marine nationale et à notre marine commerciale. (Applaudissements).

Enfin, je porte un dernier toast qui ne saurait être ici l'objet d'aucune contradiction je bois au département de la Loire-Inférieure.

Aprés avoir traversé le bassin sur le Belle-Isle, M. le ministre des Travaux publics se rendit à pied à la gare et quitta Saint-Nazaire vers 3 heures, laissant une nouvelle qui fera certainement plaisir à tous les habitants de Saint-Nazaire, et à tous les lecteurs de notre Revue : il a annoncé à M. Kerviler, en lui serrant la main, qu'il était nommé ingénieur en chef, en résidence à Saint-Nazaire.

De brillantes régates ont eu lieu pendant le reste de la journée sur le

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