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« Nous, Recteur de St Martin de Chantenay, attestons que les Pères Capucins de l'Hermitage sont situés dans notre paroisse, qui n'est ny de la ville ny des faubourgs de Nantes; que les Religieux y mènent une vie régulière et édifiante, et qu'ils sont très-utiles à notre paroisse, pour les services spirituels qu'ils y rendent.

< Chantenay, le 20 avril 1771.

« J. THOMAS DE LA PLESSE, Recteur de Chantenay. »

Et l'Evêque de Nantes écrivait :

< Pierre Mauclerc de la Muzanchère, par la miséricorde de Dieu et la grâce du Saint-Siège apostolique, Evêque de Nantes, conseiller du Roy en tous ses conseils, etc., CERTIFIONS à qui il appartiendra que le certificat ci-dessus, donné par M. Thomas de la Plesse, Recteur de la paroisse de Chantenay, en notre diocèse, est conforme à la plus exacte vérité, et que nous désirons que la maison que les Religieux Capucins occupent dansısa paroisse soit conservée, attendu les services qu'ils y ont constamment rendus depuis leur établissement, et qu'ils continuent d'y rendre.

« Donné à Nantes, 29 avril 1771.

<PIERRE, Evêque de Nantes!

Par mandement de Monseigneur :

« GIRON, chanoine, secrétaire. »

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Bien loin de se montrer hostiles aux Capucins de l'Ermitage, et de laisser percer la moindre jalousie contre le bien qu'ils faisaient, le Recteur de St-Martin de Chantenay et l'Evêque de Nantes leur rendaient justice. La Commission des Réguliers n'osa pas les supprimer; elle les laissa subsister, en attendant que la Révolution, développant logiquement les principes de cette trop fameuse Commission, supprimât toutes les communautés religieuses, et, un peu plus tard, tout le clergé séculier qui refuserait de se jeter dans le schisme. Le clergé régulier est comme le vêtement de l'Eglise. Quand une fois on a déchiré le vêtement, on ne tarde pas à s'attaquer au corps. Et le clergé séculier est le corps même de l'Eglise.

Fr. FLAVIEN, capucin.

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(A ́suivre.)

CHARLES DE CARESTIEMBLE ·

XIII

Près de trois ans s'étaient écoulés depuis la fuite de Charles de Carestiemble. Un pâle soleil d'hiver éclairait de ses rayons affaiblis la ville d'Angers. On était au mois de janvier 1871. Un vent froid sifflait tristement dans les arbres dépouillés de ses promenades. Çà et là, indice d'un rigoureux hiver, des monceaux de neige souillée encombraient la voie publique.

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La grande et belle ville n'avait point son animation accoutumée. Un voile de deuil semblait étendu sur les façades de ses riches hôtels, de ses églises, de tous ses monuments. Les passants circulaient rapidement, comme des gens uniquement occupés de leurs affaires, et sur leurs fronts assombris on lisait leurs tristes appréhensions.

De temps à autre, le son aigu du clairon, le roulement du tambour se faisaient entendre, et l'on voyait défiler de jeunes soldats qui venaient faire l'exercice sur le Champ de Mars. Puis la voix grave du canon couvrait, par moments, tous les bruits de la ville. Ces sons isolés, à intervalles égaux, étaient lugubres on eût dit le glas funèbre de la patrie renversée et vaincue.

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Mais ce n'étaient pas seulement les malheurs publics qui mettaient le deuil sur tous les visages : la mort, non contente des victimes que la mitraille prussienne étendait sur nos champs dévastés, frappait encore des coups douloureux au milieu de chaque famille.

* Voir la livraison d'avril 1881, pp. 292-308.

La petite vérole, venue on ne sait d'où, atteignait, défigurait un grand nombre de personnes. On voyait passer de fréquents convois funèbres. Riches et pauvres, jeunes et vieux, s'en allaient tour à tour prendre place dans l'étroite demeure, comme l'a dit dans un langage expressif Ossian, le barde mélancolique de l'Ecosse.

Par une froide matinée de ce cruel mois de janvier, un enterrement pompeux avait traversé les rues de la ville. Il était sorti d'un riche hôtel, maintenant fermé et solitaire.

Une longue file d'amis suivaient le char funèbre. Un homme âgé, en cheveux blancs, conduisait le deuil. Une douleur profonde se peignait sur son visage, son énergie le soutenait au milieu de la pénible cérémonie, et ce fut avec une contenance digne qu'il quitta la chapelle funéraire où l'on venait de déposer le cercueil.

Une voiture l'attendait à la sortie du cimetière; il y monta en compagnie d'un ami, et se jeta sur les coussins avec un air de souffrance et de découragement qui faisait mal.

- Voilà enfin cette triste cérémonie terminée ! dit-il avec amertume. Qui m'eût dit que j'aurais la douleur de conduire au tombeau cette nièce si aimable et si bonne ? N'était-ce pas à elle plutôt à me fermer les yeux ?

Sans doute, mon cher Varade, répondit son ami, si l'on raisonnait d'après l'âge; mais vous savez que la mort fauche ses victimes sans s'enquérir du nombre de leurs années, de la force de leur tempérament, ni de la tendresse qu'elles inspirent!

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Hélas! oui.

La mort de Mme de Carestiemble a été presque foudroyante. Il y a huit jours, j'avais encore le plaisir de la voir chez elle.

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C'est vrai, mon ami, reprit M. de Varade; la petite vérole l'a saisie à l'improviste, dans un état de santé qui paraissait florissant; mais cette apparence était trompeuse. De profonds chagrins avaient depuis longtemps miné les principes de la vie de cette pauvre femme. La conduite inexplicable de son fils, son départ pour l'Algérie, lui avaient causé une douleur que rien n'a pu calmer. Depuis ce moment, la constante gaieté qui l'avait soutenue jusque-là dans

ses épreuves, a complètement disparu: on peut bien dire qu'à partir de ce jour, elle a été frappée à mort.. Pauvre Delphine, que de fois je l'ai vue verser des larmes sur ce fils ingrat. !

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Comme tout le monde, repartit M. Perraux, j'ai entendu parler de cet événement, qui fit beaucoup de bruit il y a trois ans. La rupture du mariage de M. de Carestiemble a donné lieu à bien, des conjectures..

- Sans doute, répondit, M. de Varade, il ne pouvait en être autrement; mais personne n'a pu en pénétrer les motifs, restés un mystère, même pour sa mère et pour moi.

Serait-il vrai?

Qui, mon ami; Charles est parti sans se laisser, attendrir pat nos larmes et nos supplications. Il a emporté, son, secret avec lui. J'avoue que je ne puis oublier cette inconcevable dureté et que je ne lui ai pas encore pardonné !

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Je vous comprends, mon cher Varade; cependant, je ne puis admettre que cette étrange conduite de M. de Carestiemble n'ait pas des motifs graves, et même très graves... Il faisait, m'avezvous dit, partie de l'armée d'Afrique?

Oui, et rappelé en France par les tristes nécessités de la guerre actuelle, il suit la fortune aventureuse de l'armée de la Loire; il est aide-de-camp du général Chanzy.

Je le sais; dans le dernier rapport du général son nom est cité avec éloge,

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Oh! de ce côté il n'y a rien à dire. Charles est un brave, insouciant du danger et intrépide devant l'ennemi.

C'est beaucoup, surtout dans les jours de deuil que nous traversons. Si chaque Français, chaque soldat faisait son devoir, on pourrait peut-être arrêter cette horde de Teutons qui, comme les sauterelles d'Égypte, se sont abattus innombrables et affamés sur notre malheureuse patrie !

M. de Varade poussa un soupir et ne répondit pas; on était arrivé chez lui.

Comme il descendait de voiture, on lui remit une dépêche qu'un

exprès venait d'apporter. Il en brisa, le cachet d'une main fébrile, la lut rapidement, puis la tendit à son ami en disant :

Un malheur n'arrive jamais seul, mon cher Perraux, lisez... M, Perraux prit le papier que son ami lui présentait et lut la dépêche suivante :

‹ Blessé assez, grièvement, j'arrive à Angers ce soir; prévenir ma mère.

CHARLES DE CARESTIEMBLE. »

Le dernier espoir de la famille ! murmura, M. de Varade avec accablement; le pauvre enfant !...

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Prenez courage, cher ami; tout n'est pas désespéré. On guérit fréquemment des plus cruelles blessures. Charles est jeune, fort; l'avenir peut lui réserver encore des jours heureux.

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Je ne sais, murmura M. de Varade; je suis assailli de tristes pressentiments.

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"

La pénible cérémonie à laquelle vous venez d'assister vous livre sans défense aux idées noires, mon ami. Mais soyez homme, chassez ce découragement.

-Savez-vous à quelle heure arrivent les blessés aujourd'hui? demånda M. de Varade. Je ne m'en n'étais pas préoccupé, ne pensant pas avoir dans ce lugubre train quelqu'un qui me touchât de si près.

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Le train est annoncé pour ce soir à six heures, répondit M. Perraux, et il n'est qu'une heure encore !

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Cinq heures de douleureuse attente, murmura M. de Varade ; puis il ajouta Oh! mon cher ami, combien la froideur que je ressentais il n'y a qu'un instant encore pour ce pauvre Charles s'est tout à coup évanouie ! Je ne songe maintenant qu'à ce qu'il doit souffrir, au danger qu'il court sans doute; ne dit-il pas, blessé assez grièvement? Autant vaut dire mortellement, mon ami!

Vous exagérez, mon cher Varade; s'il était aussi gravement atteint que vous le supposez, il n'eût pu lui-même écrire et signer sa dépêche.

Qui vous prouve qu'elle ait été écrite et signée par lui ? Une

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