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Capucins n'avaient qu'une chose à faire, protester, et rétablir la vérité des faits.

Mais, ni le Sénéchal de Nantes, ni le Vicaire général n'avaient fixé de date aux Capucins de l'Ermitage, pour l'évacuation et la fermeture de leur couvent. Ceux-ci profitèrent du répit qui leur était accordé pour adresser leurs représentations au sieur de la Falluère, faire des démarches auprès du roi, et prendre les ordres de leurs Supérieurs Majeurs,

Ils rappelaient au sieur de la Falluère l'origine première de l'établissement des Capucins à Nantes, et spécialement celle des Capucins de l'Ermitage, telle que nous l'avons précédemment indiquée, les donations qui leur avaient été faites, les procès qu'ils avaient soutenus et gagnés contre les héritiers du sieur de la Hautière, leur fondateur, et contre le Présidial de Nantes, et la visite que le roi avait faite à l'Ermitage, en 1661. Ils y ajoutaient :

"( Monseigneur, les pièces dont on vous a parlé ci-dessus, feront connaistre que l'établissement du couvent de l'Hermitage de Nantes n'a pas été fait en 1679, mais plus de cinquante ans auparavant.

Elles vous feront voir que l'opposition que le Procureur du Roy de Nantes forma, en 1683, à leurs bastiments, fut condemnée par un arrest du Parlement de cette province. Enfin les mêmes pièces vous feront connaistre que le couvent de l'Hermitage est indépendant du Grand-Couvent de la ville de Nantes, y aiant toujours eu dans l'un et dans l'autre des Supérieurs différents et que la seule relation qu'il y a eu et qu'il y a encore actuellement, entre les deux maisons, n'est que pour le temporel et par la subsistance que le Grand Couvent fournit à celui de l'Hermitage, affin que la ville de Nantes ne soit pas chargée des questes de deux différentes maisons, les religieux du couvent de l'Hermitage ne faisant aucunes questes dans ladite ville.

Il est donc vray, Monseigneur, que ce qu'on expose à Sa Majesté est directement opposé aux actes dont on vous a parlé, et qu'on a raison de croire que, sur le rapport que vous aurez la bonté de lui faire, Sa Majesté révoquera son ordre, et conservera cette maison dans l'estat où elle a esté depuis plus de soixante ans.

En effet, Monseigneur, quelle aparance il y a-t-il qu'un Roy, qui

donne aux religieux Capucins de son royaume des marques si sensibles de sa royalle bonté et des témoignages si publics de sa protection et de son estime, veuille renverser une communauté qu'il a honorée de sa présence, où l'on sacriffie tous les jours le corps et le sang du Fils de Dieu, pour la conservation de sa sacrée personne, la prospérité et les heureux succès de ses armes, et où l'on gémit incessamment au pied des autels, pour attirer sur sa personne et sur toute sa famille royalle les bénédictions du ciel.

Sy le Roy n'eust pas lui-même approuvé cette communauté de l'Hermitage de Nantes, ne l'eust-il pas supprimée, lors qu'il honora cette maison de sa royalle présence, en 1661, y estant reçu par le Supérieur dudit lieu, à la teste de sa communauté, avec les cérémonies accoutumées en pareille occasion. Cependant Sa Majesté, bien loin de la supprimer, y donna mille marques de ses bontés, y entendit la sainte Messe, se promena dans l'enclos. Serait-il donc juste après cela que, sur de simples suppositions, on privât les religieux Capucins d'une maison qui leur est d'autant plus chère et plus prétieuse, qu'elle est demeurée plus illustre, par l'honneur que le plus grand Roy de la terre lui a faict de la visiter? ›

Ici les Capucins mentionnent les grâces, faveurs et privilèges qui leur ont été accordés par les rois Charles IX, Henri III, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, et l'arrêt du Conseil d'État, du 23 septembre 1668, confirmé par le Roi. Ils terminent ainsi leurs représentations :

«

Des grâces si essentielles d'un grand Roy, des priviléges si authentiques deviendront-ils inutiles aux exposans, dans le temps qu'ils redoublent la ferveur de leurs prières et de leurs vœux pour la conservation d'un Roy, qui faict le bonheur de son Etat et de tous ses sujets, comme il est l'exemple le plus parfait d'un grand monarque.

vie

La soumission que les exposans ont toujours eue et auront toute leur pour la volonté de Sa Majesté, les a portés à exécuter ses ordres et les vôtres, Monseigneur. Ils ont quitté cette première solitude, où ils vivaient en repos, en prières et oraisons, mais ils expèrent que la justice du Roy, qui éclate dans toutes ses actions, les conservera dans une maison où ils ne se sont pas établiz comme des usurpateurs, et que Vous, Monseigneur, qui protégez, avec tant de générosité, les malheureux opprimés, voudrez bien faire entendre, jusqu'au Throsne du Roi, les raisons qu'on vient de vous exposer, pendant que les exposans de leur part, feront des vœux et des prières, pour la conservation de votre personne et de toute votre illustre famille. >

Ce n'est pas l'original de cette pièce que nous avons sous les yeux, mais seulement une copie, sans date et sans signature. Cependant, il nous paraît certain qu'elle devait être signée du Père GABRIEL de la Roche-Bernard, gardien de l'Ermitage, et datée du 24 ou du 25 avril. En effet, au moment de la notification de l'ordre du Roy, le 17 avril, les Capucins avaient demandé à en reférer à leurs Supérieurs Majeurs. Il leur avait bien fallu six ou sept jours pour écrire et recevoir une réponse. D'un autre côté, ce fut après avoir reçu ces représentations, que le sieur de la Falluère donna

Sénéchal de Nantes l'ordre d'aller s'assurer, par lui-même, que les Capucins avaient réellement évacué l'Ermitage. Le Sénéchal s'acquitta de cette commission le 1er mai, et il en rapporta le procès-verbal suivant :

‹ Advenant le samedy, premier jour de may mil six cent quatre vingt huit, sur les neuf heures du matin, nous, Louis Charete, Escuyer, Seigneur de la Gascherie, Conseiller du Roy, Sénéchal et Président au Présidial, sommé de se rendre à l'hospice de l'Hermitage, situé au Miséry de Chantenay, occupé par les religieux Capucins, en compagnie de André Boussineau, Escuyer, sieur de la Patissière, Conseiller et Procureur du Roy, audit Présidial, et de nous, greffier, pour sçavoir si lesdits religieux ont obéi aux ordres du Roy, ainsi qu'ils s'y estaient obligés par notre procès-verbal ci devant existants, nous y avons rencontré deux frères religieux, qui nous ont dit que, dès lundi dernier, le Père Gardien et toute sa famille s'est retirée au Grand Couvent, et y ont emporté et faict emporter tous les meubles qui se peuvent transporter facilement, et y sont restés, par l'ordre de leur Gardien, pour la conservation de la maison, attendu que plusieurs gens mécaniques se sont présentés pour faire du désordre. Et, à l'instant, ils ont envoyé advertir le Gardien, nous priant de vouloir attendre sa venue. Et estant arrivé, accompagné de quatre religieux, il nous a dit qu'il a obéi aux ordres de Sa Majesté, aussitôt qu'il a reçu les ordres de ses Supérieurs Majeurs, et s'est retiré dans le Grand Couvent, avecq sa famille, n'ayant laissé que trois religieux, pour la garde de la maison, a faict dégarnir l'autel de la chapelle, et osté tout ce qui lui estait nécessaire pour l'usage de ses religieux, dans leur communauté, de sorte qu'il n'est resté aucune marque de communauté, et néant. Il nous a requis, sy cela ne contrevient point aux ordres de Sa Majesté, d'y lais ser trois religieux, soit du Grand Couvent, ou de cette communauté,

pour empescher qu'il soit commis quelques désordres dans la maison. Et a sigué:

< Ainsy signé : FRÈRE GABRIEL de la Roche-Bernard, gardien indigne des Capucins de l'Hermitage.

"

Desquelles déclarations nous avons décerné acte; et estant entrez dans la maison, et après l'avoir visitée, nous avons vu que les sellules, au nombre de dix huit, sont toutes vuides, n'estant restés que les paillasses dans les lits quy sont de bois de sapin, que les livres de la bibliothèque ont esté emportés, et qu'il est seullement dans le réfectoire six tables attachées sur les tréteaux avecq clous, que l'autel de la chapelle est tout dégarni, tous les ornements ayant esté emportés. Et considérant que, sy la maison estait abandonnée, plusieurs personnes y pourraient entrer par sus les murailles du jardin et y faire du désordre, commettre des impiétez, nous, du consentement du Procureur du Roy, avons permis audit Père Gardien d'y envoyer trois frères, religieux du Grand Couvent, pour la conserver. Après quoi, nous avons faict apposer le scellé sur les deux bouts d'une bande de papier, à chacune des portes desdites sellules, au nombre de quinze et laissé trois, et aussi faict apposer le scellé, sur la porte du dehors de ladite chapelle, et faict deffense, audit Père Gardien, de faire entrer autres religieux que les trois, qui seront par lui commis, ni de lever les scellez, par nous faict apposer, à peine d'estre déclaré désobéissant aux ordres de Sa Majesté, sans que neantmoings les religieux, qui resteront pour la conservation de la maison, se puissent dire estre de la famille dudit Hermitage.

« Signé LOUIS CHARÈTE, A. BOUSSINEAU, LE BOUCHER.

On le voit, les agents du Roi n'avaient tenu aucun compte des réclamations des Capucins, sur leur droit à rester tous dans leur couvent. Les religieux avaient quitté leur couvent, le lundi, 26 avril, ne laissant dans la maison aucune marque de communauté. Trois seulement étaient autorisés à rester à l'Ermitage, pour garder la propriété; les scellés étaient mis sur les portes des cellules et sur la porte extérieure de la chapelle. Ceux qui voulaient faire supprimer le couvent de l'Ermitage, comme non autorisé, y avaient réussi, mais leur triomphe devait être de courte durée. Voici comment Ogée raconte la chose.

(A suivre.)

Fr. FLAVIEN, capucin.

NOS POÈTES

A MON AMI M. DE LA SICOTIÈRE, SÉNATEUR

Ah! qu'il est loin de nous ce bon temps, où Boileau, Juge sévère, mais ayant le sens du beau,

Des poètes guidait la nature choisie

En montrant que dans l'art tout n'est pas fantaisie,
Que sa voie est étroite, et qu'on court un danger
A vouloir l'élargir et surtout la changer,
Qu'il a ses lois, un code et presque un évangile,
Qu'on modèle les vers comme on pétrit l'argile,
Qu'il faut, les retouchant, les retouchant encor,
En bannir la scorie et n'y laisser que l'or,

Qu'on ne peut soigner trop et le style et la rime,
Que ne pas observer la césure est un crime,
Que, l'horrible cheville exclue absolument,
On ne saurait non plus souffrir l'enjambement,
Ni l'hiatus, enfin qu'on doit sur toute chose
Éviter dans les vers les formes de la prose.

Ainsi pensait Boileau deux siècles avant nous,
Alors qu'on écoutait ses arrêts à genoux.
Déjà chez les anciens la route du Parnasse
N'avait-elle pas eu son guide dans Horace ?
Si bien que Despréaux ne fit sur ce chemin
Que suivre, en l'égalant, le critique romain.

Mais que sont devenus aujourd'hui ces préceptes, Dont la France a compté tant d'illustres adeptes?

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