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J'ai hâte d'arriver à ce qui est pour moi le plus éclatant mérite de M. Laurent Tailhade, je veux dire son style, qui réunit deux qualités souvent séparées, rarement unies, l'ampleur et la précision. Comme Baudelaire, comme Gautier, comme Hugo lui-même, notre poète a pensé que la langue, fort belle, mais un peu appauvrie, du dix-septième siècle, ne suffisait plus à traduire nos élans et nos rêveries; tout en s'appropriant les légitimes conquêtes de notre idiome moderne, il est allé s'abreuver aux sources de ce merveilleux seizième siècle, appelé à recueillir si tard la palme acquise à ses vaillants efforts. Mais la richesse de la forme n'exclut que bien rarement, dans les vers de M. Tailhade, la propriété des termes ; il a, en maintes rencontres, ce bonheur d'expression que Quintilien qualifie de curiosa felicitas. On sera de mon avis, on trouvera partout, unie à la splendeur de la forme, cette netteté que Vauvenargues a appelée « le vernis des maîtres, » en lisant ces vers que je prends au hasard dans la Ruine :

Sous les arceaux déserts que des parfums emplissent,

Avec ses gerbes d'or qui tremblent sur les fûts,
Le soleil est entré; des couleuvres se glissent
Harmonieusement sur les débris confus,

Et leurs croupes d'azur de plaisir s'assouplissent
Dans le bain radieux des rayons d'or diffus.

-

Après la part et si grande - faite à l'éloge, j'aurai le courage de dire à M. Tailhade qu'il pêche parfois par l'excès même de ses qualités; que la richesse de son style ne va pas toujours sans la diffusion, la précision sans la sécheresse. Il emploie des expressions qui étonnent un peu par leur étrangeté, telles que « antiphonaire, » << stercoraire, » « robe de byssus; » enfin l'adjectif « chapé » 1, que je relève au passage dans la pièce, si remarquable d'ailleurs, le Psaume d'amour, me semble plus pittoresque que vraiment français. Mais ce sont là des querelles de mots, et en m'y attardant je laisserais vite percer le bout de l'oreille du pédant.

En somme, le premier recueil de vers publié par M. Laurent Tailhade est plein de talent, plein aussi de promesses. Que le poèle ne s'arrête pas en aussi beau chemin; le talent oblige, comme la 1 Les diacres chapés d'épaisses dalmatiques.

noblesse. Ils sont si rares aujourd'hui ceux qui ont gardé

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comme

le dit Banville, l'auteur de la belle préface du volume, l'amour du vert laurier!

NOBODY.

M. MILN

La science archéologique vient de faire une perte considérable. M. James Miln est mort à Edimbourg, le 26 janvier dernier, à l'âge de 62 ans, emporté en moins d'une semaine par une maladie aussi violente qu'imprévue.

Tous ceux qui s'occupent des questions relatives à l'existence des monuments mégalithiques connaissaient son nom, et suivaient avec intérêt les résultats des fouilles qu'il pratiquait sans relâche. Depuis sept ans, il s'était fixé à Carnac ; et le récit de son établissement dans le « pays des menhirs, » comme il l'appelait, n'est pas la page la moins curieuse de cette existence mouvementée.

Passionné pour l'archéologie, en sa qualité de compatriote des Schliemann et des Fergusson; attiré, comme beaucoup de touristes, par la renommée des Alignements de Carnac, il vint les visiter un beau matin, les revit avec un enthousiasme croissant de jour en jour, et finit par ne plus pouvoir les quitter. Les paysans bretons s'arrêtaient, étonnés, en présence de ce vieillard étrange, à la taille colossale, aux traits énergiques, à l'œil rêveur et lumineux, qui parcourait en tous sens leurs landes arides, s'arrêtant devant chaque pierre pour l'examiner et la dessiner sous ses différents aspects. Ils se demandaient, avec leur défiance native, quel était cet étranger et ce qu'il voulait faire. Un beau jour, il embaucha des ouvriers et commença ses fouilles. Sa vie était désormais consacrée aux travaux de l'archéologie militante.

Il découvrit successivement, sur le territoire de la commune de Carnac, plusieurs dolmens, deux sépultures circulaires datant du moyen âge, une léproserie, et enfin un ensemble de constructions gallo-romaines dont la présence, à côté des alignements, donne lieu à des rapprochements curieux. Le récit de ses dernières fouilles, dites du Bossenno, fut publié par lui dans un ouvrage édité avec un luxe et un soin inouïs. Puis M. Miln se remit au travail. Il creusa au pied d'un grand nombre de menhirs et retrouva,

parmi les pierres mêmes des alignements de Kermario, les murs de circonvallation d'un camp romain. Il entreprit encore d'autres fouilles à Saint-Philibert, en Locmariaquer. La mort est venue le surprendre au moment où il publiait dans un nouvel ouvrage le résultat de ses récentes découvertes. Travailleur infatigable, il aurait ensuite repris la pioche et poursuivi le plan qu'il s'était tracé. En lui, comme en beaucoup d'autres, il fallait distinguer l'homme du savant. Le savant était toujours sur la brèche, luttant contre l'inconnu. C'était un de ces esprits d'avant-garde pour qui s'arrêter c'est reculer. Aucun sacrifice ne lui coûtait quand il s'agissait d'archéologie; il avait mis avec un dévouement admirable sa grande fortune au service de la science. Laborieux comme un bénédictin, il classait pendant l'hiver les produits de ses fouilles de l'été ; il les dessinait, il reconstituait, avec une patience et une habileté rares, les objets primitifs dont il ne possédait que les débris; il augmentait chaque jour sa collection, qui prenait, peu à peu, les proportions d'un véritable musée; puis il rédigeait ses notes avec une exactitude scrupuleuse. Le printemps venu, il se délassait par quelque voyage. Encore suivait-il en cela ses goûts scientifiques et prenait pour but de ses excursions des lieux comme le musée de Saint-Germain-en-Laye ou les villes mortes d'Italie.

Quant à l'homme, le plus bel éloge qu'on pourrait en faire consisterait à raconter sa vie. Sa main était toujours ouverte, et les pauvres gens du pays qu'il habitait seraient ses meilleurs panégyristes. Polyglotte accompli, il avait recueilli dans le cours de ses voyages à travers le inonde une quantité prodigieuse de faits de toutes espèces dont le récit, en passant par sa bouche, prenait une saveur toute particulière. On ne lui connaissait qu'une haine, celle de l'ignorance. Il fallait l'entendre railler avec une verve impitoyable les touristes, malheureusement trop communs, dont la suffisance intrépide tranche, en un quart d'heure, des questions que vingt siècles d'études n'éclaireront peut-être pas. En cela encore, il rendait service à la science.

Et maintenant le voilà mort, tombé en pleine possession de ses puissantes facultés, mort au moment où les Compagnies savantes du monde entier se disputaient l'honneur de l'admettre dans leur sein, quelques mois après que la Société royale d'archéologie danoise lui avait envoyé dérision funèbre un brevet de correspondant à

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vie! Dans sa dernière réunion, la Société polymathique du Morbihan l'avait, par un juste hommage rendu à sa généreuse initiative, élevé au poste de vice-président. Ce n'est, hélas ! qu'une couronne de plus sur son cercueil.

(Journal de Rennes.)

HENRI FINISTÈRE.

M. L'ABBÉ DE GESLIN

M. l'abbé de Geslin, curé de Notre-Dame de Paris, est mort le 17 janvier. Le vénérable chef du clergé de la métropole était né à SaintBrieuc en 1816 et avait fait ses études au séminaire de Saint-Sulpice, sous la direction de Mer Dupanloup.

Après avoir reçu l'ordination, il devint professeur au couvent des Carmes, puis vicaire, en 1848, à Saint-Jacques du Haut-Pas, puis curé de Saint-Médard en 1862. Nommé archiprêtre, puis curé de Notre Dame en 1875, M. de Geslin fonda l'orphelinat de Montsouris, où environ 150 petits garçons et filles sont élevés par ses soins.

M. le curé de Geslin, depuis plusieurs années déjà, était atteint d'une paralysie partielle. Le 29 décembre dernier, il dut se mettre au lit et ne se releva plus. Le 7 janvier, M. l'abbé Dedoue, doyen du chapitre, vint le voir au presbytère et lui donna le sacrement de l'extrême onction, en présence de S. Em. le cardinal Guibert et de tous les membres du chapitre métropolitain. Le lundi, 17, après une agonie de douze heures, le digne curé de Notre-Dame de Paris rendit son âme à Dieu.

Il était cousin de l'ancien gouverneur de Paris.

Le corps a été transféré à Saint-Brieuc pour y être inhumé.

LE DÉSASTRE DES SABLES ET DU CROISIC

Le 27 janvier, une effroyable tempête s'est déchaînée sur nos côtes. Aux Sables-d'Olonne, dont le port n'avait jamais été si éprouvé, une cinquantaine de pêcheurs, parmi lesquels une trentaine étaient mariés et pères de famille, ont péri dans la tourmente. Au Croisic, le désastre a été grand aussi.

Les sénateurs et les députés de Vendée et de Bretagne se sont mis à la tête d'une œuvre de secours, pour venir en aide aux veuves et aux orphelins. Des souscriptions se sont partout ouvertes. M. le comte de Chambord a envoyé mille francs.

Mer l'archevêque de Paris a invité les prédicateurs les plus éloquents à faire, pendant le carême, un sermon de charité, qui sera suivi d'une quête au profit de nos infortunés compatriotes. Mer l'évêque de Luçon a célébré aux Sables, le 23 février, un service funèbre à la mémoire des malheureux naufragés.

BIBLIOGRAPHIE BRETONNE ET VENDÉENNE

ANNUAIRE HISTORIQUE, STATISTIQUE, ADMINISTRATIF ET COMMERCIAL DE LA VILLE ET DE L'ARRONDISSEMENT DE BREST. 1880 (16° année). In-18, 426 p. Brest, lib. Lefournier; tous les libraires.

ETAPES (LES) D'UNE CONVERSION; par Paul Féval. 19e éd. In-18 jésus, 321 p. Paris, lib. Palmé....

3 fr.

ETUDES SUR LE DROIT DE TESTER; par le comte Ernest de CornulierLucinière, ancien officier de la marine. 7o éd. 2 vol. in-8o, t. I, XVI595 p.; t. II, 655 p. Orléans, lib. Herluison. 24 fr. les 2 vol.

....

FEU DE PAILLE; par Mme Colomb. In-8o, 327 p. et 98 grav. par Tofani. Paris, lib. Hachette.. 5 fr. FRANÇOIS ARAGO, SON GÉNIE ET SON INFLUENCE. Caractères de la science au XIXe siècle; par A. Audiganne. 3e éd. In-12, 124 p. Paris, lib. Capelle. 1 fr. 25 HÉROS (LES) DU DÉVOUMENT, poème; par Mme F.-L. Lemaître, dame hospitalière bretonne. In-8°, 12 p. Paris, lib. Gervais.

JERUSALEM! SI JAMAIS JE T'OUBLIE!! Pèlerinage français en Terre Sainte (septembre 1879). Souvenirs d'une pèlerine bretonne. In-16, x-222 p. Sarlat, imp. Michelet......

1 fr. 75

KANTIKOU BREZOUNEK ESKOPTI KEMPER HA LEON, renket a nevez dre urs an aoutrow'n escop Nouvel. In-18, 141 p. Quimper, imp. De Kerangal. LITTÉRATURES (LES) POPULAIRES DE TOUTES LES NATIONS. Traditions, légendes, contes, chansons, proverbes, devinettes, superstitions. T. I. Littérature orale de la Haute-Bretagne, par Paul Sébillot. Paris, Maisonneuve, 25, quai Voltaire. 1 vol. in-12 broché, x11-400 p.

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MARGA; par Mlle Zénaïde Fleuriot. 7e éd. In-18 jésus, 291 p. Paris et Lyon, libr. Lecoffre.

PHILOSOPHIA; par Alfred de Courcy. In-8°, 113 p. Paris, lib. Gervais.

Extrait du Correspondant.

PROGRAMME DE LA FACULTÉ DE DROIT DE RENNES, 1880-1881; par Un docteur en droit. In-12, 36 pages. Paris, libr. Larose...

50 c.

SOUVENIRS DE SAINT-MICHEL (29 septembre 1880). Avant-propos par M. Adrien Maggiolo. Discours du général Barry, du général baron de Charette, de M. Ernoul, de M. André Barbes. Epilogue. In-18, 72 p. Paris, lib. Forestier.

VALENTIN CONRART, premier secrétaire perpétuel de l'Académie française. Sa vie et sa correspondance. Etude biographique et littéraire, suivie de Lettres et de Mémoires inédits, par René Kerviler et Ed. de Barthélemy. Paris, Didier. In-8°, vi-672 p..

8 fr.

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