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-applaudit.) Mes collègues ne peuvent oublier que ceux qui ont terrassé la Bastille et le despotisme, ne peuvent pas cesser d'aimer la liberté. Si le corps législatif avait de la défiance ou des soupçons sur le civisme de ces régimens, il ne les aurait pas gardés si longtemps à Paris; ou, pour mieux dire, il les y retiendrait pour les surveiller; car, s'ils étaient inciviques, ces soldats qu'on calomnie, ils seraient moins dangereux ici qu'aux frontières.

Je ne vois donc aucun inconvénient à envoyer ces troupes pour renforcer nos armées; il faut au contraire se hâter de rendre le décret qui les autorise à marcher à la défense de la patrie. Je réponds maintenant à ce qui a été dit à l'occasion des dépôts. Ce n'est point une raison de laisser ces dépôts à Paris parce que leurs bagages y resteraient, comme l'a dit M. Girardin. Les dépôts des régimens sont très-utiles dans les garnisons aux environs de l'armée; ils y font un service très-actif. Pour augmenter, on laisse à ceux qui sont convalescens le soin de la garde des équipages. On instruit les recrues pour leur faire monter la garde sur les remparts de la ville. Il est donc inutile de conserver ici ces cinq régimens. Je demande que la discussion soit fermée, et que l'on mette aux voix la proposition de M. Choudieu.

L'assemblée ferme la discussion.

Après quelques débats, la rédaction suivante proposée par M. Choudieu est adoptée :

« L'assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que le pouvoir exécutif sera tenu de faire sortir, sous trois jours, les troupes de ligne qui sont actuellement en garnison à Paris, et de les employer à trente mille toises au-delà de la résidence du corps législatif, aux termes de la Constitution; décrète en outre que le pouvoir exécutif rendra compte aussi, sous trois jours, des autres mesures qu'il a prises pour renforcer les armées qui sont aux frontières.

N..... J'observe que les gardes suisses ont trois drapeaux; un de ces trois est blanc. Je demande que tous soient tricolores, afin qu'on ne voie nulle part des drapeaux blancs dans l'armée.

M. Brunch. L'assemblée ne peut rien statuer à cet égard. Les

régimens suisses peuvent mettre à leurs drapeaux les cravates tricolores mais les drapeaux sont une affaire de capitulation; il faut que l'assemblée ait connaissance de la capitulation des Suis

ses avec nous.

M. Gensonné. Puisqu'on a parlé des capitulations de la France avec les Suisses, je dirai qu'il y a plus d'un mois et demi que j'ai pressé, au comité diplomatique, M. Ramond chargé de faire ce rapport, de le présenter à l'assemblée, et je crois qu'il est trèsintéressant de finir cette affaire. Je me proposais aussi de demander à l'assemblée, lorsqu'il en serait question, d'examiner la suppression de la place de colonel-général des Suisses et Grisons. Il est très-intéressant de s'occuper de cet objet. Les Suisses sont encore sous la direction de M. d'Artois, quoique M. d'Artois soit à Coblentz, et soit poursuivi comme criminel de lèse-nation. Il est encore de fait que M. Degosse, aide-de-camp de M. d'Artois, capitainecommandant la compagnie, colonel, est encore payé de ses appointemens. Je demande que l'assemblée nationale veuille bien enjoindre au comité diplomatique de faire sous trois jours son rapport, soit sur les capitulations, soit sur la suppression du colonel-général.

La proposition de M. Gensonné est adoptée. ]

La séance fut terminée par des lectures et une discussion, qui ne doivent être citées par l'histoire que comme preuves de la situation pressante où se trouvait la législative et la France; comme preuves du concert d'un certain nombre de membres de l'assemblée avec La Fayette.

On donna, au nom du ministre de la guerre, communication d'une lettre de M. Lamorlière, général de l'armée du Rhin, qui demandait l'extension de son pouvoir, soit pour les réquisitions nécessaires au service militaire, soit pour la direction des gardes nationaux; il demandait enfin qu'on légalisât les droits que le zèle des Alsaciens lui avait donnés jusqu'à ce jour. A cette occasion, M. Laporte dénonça que soixante-quinze communes dụ Haut-Rhin, dans une alerte, avaient fourni sept mille hommes; mais que, dans ce nombre, il n'y avait guère que mille hommes

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armés de fusils. L'assemblée ordonna que des armes leur fussent délivrées, et renvoya la demande du général Lamorlière à son comité diplomatique.

M. Lemontey monta ensuite à la tribune, et il lut un long rapport sur le droit de pétition de la part des généraux commandans d'armée. Il concluait que ce droit devait leur être retiré, et présentait un projet de loi rédigé selon cette opinion.

[M. Guérin. Je demande que la discussion s'ouvre sur-lechamp, et j'observe qu'il y a ici un général d'armée qui se dispose à faire une pétition.

M. Girardin. Je savais, comme M. Guérin vous l'a dit, que M. Luckner est ici. Malgré sa présence, je ne pense pas que l'assemblée doive prendre une mesure précipitée. Je demande l'ajournement.

་་༢།

M. Bazire. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de faire de nouvelles lois; la conduite de M. La Fayette peut se juger par les anciennes; car elles disent que la force publique est essentiellement obéissante, et je regarde la proposition qui vous est faite de faire une nouvelle loi, comme un moyen employé pour sauver M. La Fayette, et j'ajoute que ce moyen est sûr; car yous nous direz, quand vous aurez fait votre loi : vous avez donc senti qu'il n'en existait pas. Personne de vous ne niera ce principe, que la force publique est essentiellement obéissante; personne ne me nierą qu'un général ne fasse essentiellement partie de la force publique; il est le directeur et le centre de tous ses mouvemens. Or, n'est-il pas évident que M. La Fayette a fait autre chose que d'obéir, quand il est venu nous faire une pétition, que, pour aggraver encore şes torts, il nous donnait comme les sentimens de son armée; expression qui se trouve encore dans l'ordre du 2 au 3 juillet, qu'il a fait publier. Par cet acte, il a violé cette partie de la Constitution, qui porte : que la force publique est essentiellement obéissante. Vous devez le punir, et je demande contre lui le décret d'accusation. (Il s'élève dans les tribunes de vifs applaudissemens.)

M. Dumolard, Je conviens avec M. Bazire que le projet de

votre commission extraordinaire ferait préjuger la question relative à M. La Fayette. Je désire, comme lui, que la commission extraordinaire vous soumette successivement son rapport sur la conduite de M. La Fayette : il est temps que ce rapport soit fait, et au lieu de provoquer le décret d'accusation, j'espère y puiser et la justification de M. La Fayette et la honte éternelle de ses calomniateurs. (Une partie de l'assemblée applaudit. )

M. Quinette. Je demande que la discussion ne s'ouvre que lorsque le rapport sur la conduite de M. La Fayette aura été discuté. Si, en étudiant les lois faites, vous reconnaissez que M. La Fayette les a violées, vous n'aurez aucune loi à faire. Si vous décidez, au contraire, que les lois anciennes ne sont pas assez précises, alors vous en prononcerez une nouvelle.

L'ajournement est décrété. ]

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La séance du 16 fut occupée par divers détails administratifs ou circonstanciels. Choudieu dénonça Guillaume, l'ex-constituant, comme ayant adressé sa pétition sur les événemens du 20 juin à ses ex-collègues, et notamment à Lareveillère-Lépaux, pour la faire signer dans leurs départemens. Le ministre des affaires étrangères transmit une notice officielle du ministre danois, contenant des assurances pacifiques, mais confirmant la disposition des cabinets de Berlin et de Vienne à tenir un congrès armé pour imposer un gouvernement à la France. Sur le rapport de Delmas, l'assemblée régularisa l'organisation en divisions de gendarmerie, des gardes françaises, des cent-suisses, des suisses licenciés et de tous les militaires qui avaient fait partie de la force militaire de Paris, et coopéré à la révolution. - Dans cette séance, Manuel vint, dans un discours ampoulé, justifier sa conduite, comme procureur-général de la commune au 20 juin. Il fut très-applaudi par les tribunes, et reçut les honneurs de la séance. La suspension prononcée contre lui par le département fut levée par un décret porté dans la séance du 23, demandé par Merlin, appuyé par Robbecourt, Lasource, Guadet et LecointePuyraveau, et combattue par Tronchon et Delfau.

De toute cette séance nous ne croyons devoir citer qu'un rap

port diplomatique de M. Charles-André Pozzo-di-Borgo, aussi curieux à cause du nom, que pour les principes qui y sont professés.

[M. Pozzo-di-Borgo. Les Autrichiens et les Prussiens se sont établis sur le territoire de l'empire; déjà leurs magasins y sont formés, et ils font des préparatifs pour envahir vos provinces frontières. Par une fatalité inexplicable, nos armées sont retenues en deçà de nos frontières; elles voient avec inquiétude tous ces préparatifs se former sous leurs yeux; mais jusqu'ici ni le roi ni les généraux n'ont pensé à attaquer ces noyaux d'armée, ni à détruire ces magasins, sous le vain prétexte de la neutralité de l'empire. Votre commission a senti qu'il était nécessaire d'une explication de la part du corps législatif, pour donner aux opérations de l'armée toute la latitude possible; qu'il n'était plus permis, sans compromettre le succès de vos armes, de laisser occuper les postes, établir les garnisons et les campemens sur un territoire dont la neutralité est ouvertement violée par nos ennemis. La mesure qu'ils m'ont chargé de vous proposer n'est qu'un moyen de défense qui donnera toute la latitude nécessaire aux opérations militaires ; et quelques observations suffiront pour la justifier aux yeux du monde impartial.

La nation française avait cru assurer la paix à l'Europe, en renonçant par un article de sa Constitution, à la guerre offensive et aux conquêtes; elle se promettait sans doute de mettre un terme aux malheurs des peuples, et de détruire les jalousies et les haines que les gouvernemens surent si bien exciter entre les nations pour les rendre l'instrument de leur ambition ou de leur avarice; mais cette doctrine fondée sur la justice, réclamée par l'humanité et l'intérêt de tous, ne pouvait s'accorder avec la fureur sanguinaire des despotes. A peine on a parlé des droits du peuple, que ceux qui le tiennent dans les fers, depuis les bords glacés de la Baltique jusqu'à la Méditerranée, ont conspiré contre les Français, par cela même qu'ils avaient déclaré de ne point usurper le territoire de leur voisin, et de n'armer leurs bras que dans le cas d'une défense légitime. L'Autriche ambi

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