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surpris, ôta le chapeau du roi de dessus sa tête, et le mit sous

le bras qui portait son fusil.

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Lorsque nous fûmes sous le péristyle, au bas du grand escalier, le roi, que je précédais immédiatement, me dit: Que vont devenir toutes les personnes qui sont restées là-haut? — Sire, elles sont en habits de couleur, à ce qu'il m'a paru. Celles qui ont des épées n'auront qu'à les quitter, vous suivre, et sortir par le jardin. C'est vrai, dit le roi. ›

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Un peu plus loin, dans le vestibule, il me dit de nouveau : Mais il n'y a pourtant pas grand monde au Carrousel. - Sire, mais les faubourgs sont près d'arriver, toutes les sections sont armées, elles ont été réunies à la municipalité; et puis, il n'y a ici ni un nombre d'hommes suffisant, ni une volonté assez forte pour résister même au rassemblement actuel du Carrousel. Il y a là douze pièces de canon. »

*

Arrivés sous les arbres des Tuileries, vis-à-vis le café de la terrasse des Feuillans, nous marchions sur des feuilles qui étaient tombées dans la nuit, et que les jardiniers venaient de rassembler en différens tas, sur lesquels la marche du cortége faisait passer le roi; on y enfonçait jusqu'aux jambes. « Voilà bien des feuilles, dit le roi, elles tombent de bonne heure cette année. »

Quelques jours avant, Manuel avait écrit dans un journal que le roi n'iraït que jusqu'à la chute des feuilles. Un de mes collègues m'a dit que le prince royal, en cet endroit, s'amusait à pousser avec ses pieds les feuilles dans les jambes des personnes qui marchaient devant lui.

-Je fis observer au roi que la reine et la famille royale, n'ayant pas de place marquée à l'assemblée nationale, il était nécessaire de la faire prévenir des circonstances qui leur rendaient cet asile nécessaire, et je proposai que le président du département prît les devans et allåt remplir cette mission à la barre."

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Je remarquai ensuite que la garde du roi ne pouvait monter sur la terrasse, parce que là commençait le territoire de l'assemblée nationale, et je fis aller en avant quelqu'un qui ordonna à

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la tête de la colonne de s'arrêter au bas de l'escalier qui conduit au passage des Feuillans.

Comme la marche était fort lente, une députation de l'assemblée nationale arriva vers le roi, dans le jardin, à environ vingtcinq pas de la terrasse. « Sire, dit à peu près le président, l'assembée, empressée de concourir à votre sûreté, vous offre, et à votre famille, un asile dans son sein.»

Alors je cessai de précéder le roi. Les députés l'environnèrent, et je passai derrière le groupe que formaient la famille royale et les ministres, et je fis quelques pas avec le département.

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Parvenu à quelques toises de l'escalier de la terrasse, je vis lė perron couvert d'hommes et de femmes fort animés. Un de ces hommes portait une perche de huit à dix pieds environ de longueur. Il était fort emporté contre le roi. Il avait à côté de lui un citoyen encore plus échauffé. « Non, criaient-ils, ils n'entreront pas à l'assemblée nationale, Ils sont la cause de tous nos malheurs ; il faut que cela finisse! A bas! à bas ! » Les gestes les plus menaçans accompagnaient ses paroles. Je m'avançai, et montant sur la quatrième marche de l'escalier, je dis : « Citoyens, je vous demande du silence au nom de la loi. J'obtins du silence. « Citoyens,vous paraissez disposés à empêcher l'entrée du roi et de sa famille à l'assemblée nationale; vous n'êtes pas fondés à y mettre obstacle. Le roi y a sa plaće en vertu de la Constitution ; et sa famille qui n'en a point par la loi, vient d'être autorisée par un décret à s'y rendre. Voilà les députés de l'assemblée envoyés au devant du roi ; ils vous attestent que le décret existe. » — « Nous attestons que le décret existe, dit un député. L'opposition géné rale parut céder. Mais l'homme à la grande perche la brandissait en criant toujours: A bas! à bas! Je montai sur la terrasse, la lui arrachai des mains et la jetai dans le jardin. L'étonnement l'empêcha de crier davantage. Il se jeta dans la foule. Cependant comme il fallait traverser la terrasse, et la foule qui la couvrait, et que la garde de l'assemblée ne commençait qu'à la porte du passage, je demandai à MM. les députés la permission de faire monter, jusqu'à ce passage, la garde nationale qui escortait le roi.

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Les députés le permirent, et l'on forma deux haies jusqu'à la porte du passage. Le roi et sa famille y arrivèrent sans obstacle. Arrivés à la porte du passage, il s'y trouva quelques hommes de la garde de l'assemblée, entre autres un garde national provençal, lequel dit au roi, avec l'accent de son pays, en marchant à sa gauche: Sire, n'ayez pas peur, nous sommes de bonnes gens; mais nous ne voulons pas qu'on nous trahisse davantage. Soyez un bon citoyen, sire... et n'oubliez pas de chasser vos calotins du Château. N'oubliez pas ! Il était bien temps d'en prendre note! Le roi répondit quelques mots sans humeur. It entra le premier dans l'assemblée: Je le suivais. Il y eut de l'engorgement dans le couloir, qui empêcha la reine et son fils qu'elle ne voulait pas quitter, d'avancer et de suivre le roi. J'entrai dans la salle. Je demandai à l'assemblée la permission d'y faire monter un moment les gardes nationaux qui bouchaient l'entrée; la foule empêchant de les faire rétrograder. Ils étaient presque tous de la garde de l'assemblée elle-même. Alors s'éleva un vif mouvement de mécontentement dans la partie qu'on appelle la Montagne.

J'entendis qu'on supposait une conspiration contre l'assemblée, et que c'était pour l'exécution de quelque dessein funeste que je voulais y introduire des hommes de la garde du roi. Je remarquai M. Thuriot parmi les plus échauffés et M. Cambon.

On parla de me mettre en état d'accusation. M. Cambon me cria Qu'il me rendrait responsable de tout attentat qui se pourrait commettre sur l'assemblée nationale. » Au lieu de répondre, je fis au plus vite rentrer cinq ou six gardes nationaux sans armes, qui étaient montés dans la salle, pour déboucher le passage.

Au même instant un grenadier ayant pris le prince royal dans ses bras, entra et alla poser cet enfant sur le bureau des secrétaires, ce qui excita des applaudissemens. La reine suivit avec le reste de la famille royale et s'avança devant le bureau. Le roi, la famille royale et les ministres se placèrent sur les siéges destinés aux ministres.

Le roi dit à l'assemblée: Je suis venu ici pour éviter un grand 30

T. XVI.

crime; et je pense que je ne saurais être plus en sûreté qu'au milieu' de vous, messieurs.

Le président répondit au roi: Vous pouvez, Sire, compter sur la fermeté de l'assemblée nationale; ses membres ont juré de mourir en soutenant les droits du peuple et les autorités constituées.

Le roi s'assit alors à côté du président. Un membre observe que la Constitution défend de délibérer en présence du roi. La loge du logographe est désignée pour le recevoir avec sa famille; il s'y place.

Je me présentai alors... (Ici, Roederer transcrit le discours qu'il prononça, et que nous avons laissé à sa place dans la séance permanente du 10 août. Cette séance commencera le volume suivant.)

FIN DU SEIZIÈME VOLUME.

TABLE DES MATIÈRES

DU SEIZIÈME VOLUME.

PRÉFACE. La morale est le critérium suprême; invariable quant à
ses bases fondamentales, elle a été seulement rendue applicable par des
révélations successives, à de plus grandes masses d'individus ; formule
chrétienne de la morale; histoire de ses tendances dans l'ordre social et
dans les sciences naturelles; conclusion. — Quel pouvoir nouveau a été
fondé par Jésus-Christ.

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