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et les menées du parti des Jacobins, de démasquer et de dénoncer publiquement une secte pernicieuse, comme les vrais ennemis du roi très-chrétien, et des principes fondamentaux de la Constitution actuelle, comme les perturbateurs de la paix et du repos général (4). ›

LA FAYETTE.

Pouvez-vous vous dissimuler qu'une faction, et pour éviter les dénominations vagues, que la faction jacobite a causé tous les désordres? C'est elle que j'en accuse hautement. (Lettre de La Fayette à l'assemblée.)

LÉOPOLD.

L'empereur est loin d'attribuer de tels procédés à la majeure partie de la nation, qui, ou gémit des maux que lui cause un parti fanatique, ou participe involontairement aux erreurs et aux préventions dans lesquelles on cherche à l'entretenir sur la conduite de sa majesté impériale. Découvrir les desseins véritables de sa conduite vis-à-vis de la France, voilà la seule arme à laquelle l'empereur souhaite pouvoir se borner de recourir, pour déjouer les artifices d'une cabale qui, faisant état dans l'État, et fondant son ascendant réprouvé par la loi sur le trouble et la confusion, n'a d'autre ressource pour se soustraire au reproche des embarras inextricables qu'elle a déjà préparés à la nation, que de la précipiter dans des embarras plus grands encore..

LA FAYETTE.

. C'est moi qui vous dénonce cette secte, organisée comme un empire à part, qui forme une corporation distincte au milieu du peuple français, dont elle usurpe les pouvoirs en subjuguant ses représentans et ses mandataires. »

LÉOPOLD.

Ils (les Jacobins ) nourrissent avec soin les dissensions religieuses, anéantissent l'effet des vues tolérantes de la Constitu

(4) Note officielle du prince de Kaunitz à l'ambassaḍleur de France.

tion, par l'alliage d'une intolérance d'exécution directement contraire. C'est à ce but qu'ils tâchent de rendre impossible la réconciliation des partis opposés et le ramènement d'une classe qu'on s'est aliénée par les plus rudes épreuves auxquelles le cœur humain puisse être soumis, en lui enlevant tout espoir d'adoucissement et d'égards concilians...

› Ce sont les moteurs de ce parti qui, depuis que la nouvelle Constitution a prononcé l'inviolabilité du gouvernement monarchique..., entraînent l'assemblée législative à s'attribuer les fonctions essentielles du pouvoir exécutif, forcent le roi à céder à leurs désirs par les explosions qu'ils excitent, et par les soupçons et les reproches que leurs manœuvres font retomber sur le roi. ›

LA FAYETTE.

«Que la liberté religieuse jouisse de l'entière application des vrais principes, que le pouvoir royal soit intact, car il est garanti par la Constitution; qu'il soit indépendant, car cette indépendance est un des ressorts de notre liberté; que le roi soit révéré, car il est investi de la majesté nationale; enfin, que le règne des clubs, anéanti par vous, fasse place au règne des lois. » (Lettre de La Fayette à l'assemblée nationale, du 16 juin 1792.) ‹ Poursuivez, comme criminels de lèse-nation, les instigateurs des violences commises aux Tuileries, le 20 juin ; détruisez une secte qui envahit la souveraineté, tyrannise les citoyens; DONnez a l'arMÉE L'ASSURANCE que la Constitution ne recevra aucune atteinte. » (Discours de La Fayette à l'assemblée nationale, du 28 juin.)

M. le président, j'emporte un regret vif et profond de ne pouvoir apprendre à l'armée que l'assemblée nationale a déjà statué sur ma pétition... Tant qu'il existera une secte perni cieuse.... (Lettre de La Fayette à l'assemblée nationale, du 30 juin.)

⚫ Quelle conformité de vues et de langage, entre les ennemis du dedans et ceux du dehors! Est-ce notre liberté que M. La Fayette veut attaquer? Point du tout; il veut rétablir l'ordre et la tranquillité; il veut anéantir la tyrannie des sociétés patriotiques,

et faire respecter l'autorité royale. Pourquoi les monarques autrichiens nous ont-ils menacés ? Pourquoi nous font-ils la guerre? Est-ce pour renverser notre Constitution, et pour nous donner des fers? Non, c'est pour notre bien; c'est pour protéger l'autorité constitutionnelle du roi, la nation elle-même contre ces mêmes factieux, contre ces clubs que M. La Fayette vous dénonce, avec eux, comme les auteurs de tous les désordres. Détruisez les clubs, réprimez les factieux, respectez et perfectionnez la Constitution, selon les vues de M. La Fayette et des princes autrichiens, et vous aurez la paix. Et vous voulez que M. La Fayette fasse la guerre aux Autrichiens! Et pour quel motif? Avons-nous de meilleurs amis, des précepteurs plus sages que les rois de Bohême et de Hongrie ? La Fayette dira-t-il qu'ils attentent à notre indépendance, et qu'ils ne doivent pas vouloir notre bien malgré nous-mêmes? Mais quand on est d'accord au fond, peut-on être si scrupuleux sur les formes? Eh! lui-même ne s'est-il pas élevé au-dessus de toutes les lois? Et ne donne-t-il pas des ordres au nom de l'armée? Ne foule-t-il pas 'ouvertement aux pieds, et l'indépendance de l'assemblée nationale, et la liberté du peuple, et la Constitution? Il est donc parfaitement d'accord avec la maison d'Autriche sur la forme autant que sur le fond. Léopold, dans son manifeste, paraissait seulement désirer un changement dans les accessoires de la Constitution; La Fayette la renverse tout entière. Léopold semblait exprimer modestement le vœu de la destruction des clubs patriotiques : La Fayette demande impérieusement, itérativement, en personne et par écrit, à l'assemblée nationale elle-même, l'anéantissement de ce droit sacré de s'assembler paisiblement, que nos lois nouvelles garantissent à tous les Français, comme le palladium de notre liberté; il la demande au nom de la force armée dont il prétend disposer. Léopold, prince étranger, allié de Louis XVI, n'avait blessé nos droits que dans un écrit, et d'une manière indirecte et conditionnelle; La Fayette, Français, armé pour défendre le peuple français, les a ouvertement attaqués. La nation s'est levée pour châtier Léopold ; laissera-t-elle La Fayette impuni? Ou,

ce qui est la même chose, le reconnaîtra-t-elle pour maître? › Léopold n'était que le précurseur de La Fayette. François, Frédéric-Guillaume, ne sont que des auxiliaires; tous ne sont que les agens de la cour des Tuileries.

Le manifeste même que je viens de citer, et que La Fayette ose citer dans sa lettre à l'assemblée nationale, ne fut-il pas évidemment l'ouvrage de cette même cour, dont La Fayette est depuis long-temps le conseiller intime, et dont il se déclare aujour d'hui le champion contre l'assemblée nationale ? C'est un des crimes de cette lâche coalition de nobles et d'intrigans, déshonorée par le rôle hypocrite qu'elle joua dans l'assemblée constituante, liguée avec la cour pour trahir la nation, et dont La Fayette est le chef. En voulez-vous une démonstration complète? Rapprochez des faits qui sont des époques dans notre révolution. Dans la lettre écrite le 15 mars 1791, par le roi, à l'assemblée nationale, ponr annoncer qu'il accepte la Constitution, il insinue très-clairement qu'il la prend en quelque sorte à l'essai, et déclaré nettement qu'il doute si elle ponrra marcher sans quelques modifications. Aucun homme, à portée d'observer les ressorts des opérations politiques, n'a douté, dans le temps, que cette lettre n'ût été dictée par cette coalition qui, depuis le départ du roi, dirigeait toutes ces démarches; on a vu, dans cette espèce de restriction de Louis XVI, le germe de ce système des deux chambres, et du rétablissement d'une caste privilégiée, auquel la faction dominante à la cour aspirait visiblement. Mais remarquez maintenant comment cet acte d'acceptation est combiné avec le manifeste de Léopold. Ce prince rappelle expressément l'acte d'acceptation de Louis XVI, en ces termes: «Sa majesté très• chrétienne, dit-il, déclara, par sa lettre à l'assemblée nationale, ⚫ du 15 septembre, qu'elle acceptait la Constitution; qu'à la vé› rité elle n'apercevait point, dans les moyens d'administration, › toute l'énergie qui serait nécessaire pour imprimer le mouve› ment dans toutes les parties d'un si vaste empire. » Il reproche amèrement dans le même manifeste, avec une naïveté `qu'on n'aurait pas attendue d'une majesté impériale et autrichienne,

à tous les Français patriotes, qu'il nomme jacobins, de compromettre le salut de la France par leur inflexibilité à repousser tout changement, même dans les accessoires de la Constitution.

Léopold préparait les esprits à tous les projets des ennemis de la révolution; La Fayette les exécute. Le manifeste de Léopold fut l'occasion de la déclaration de guerre; la guerre est, entre les mains de La Fayette, un moyen d'allumer la guerre civile et d'anéantir la liberté. Elle est le lien qui unit tous les ennemis cachés et publics, intérieurs et extérieurs du peuple français, pour l'exécution de cette coupable entreprise. Dans cette exécrable société, le roi de Prusse, celui de Hongrie, mettent leurs armées, l'appareil de leur puissance; La Fayette, son hypocrisie, sa faction, sa popularité expirante, ses infâmes liaisons, ses abominables intrigues, l'art de la calomnie et de la séduction, qu'il épuise vainement sans doute pour égarer les fidèles défenseurs de la patrie.

› Le moment était enfin arrivé où cette conspiration générale devait éclater. Pour s'élancer dans sa carrière criminelle, La Fayette n'attendait plus qu'une occasion favorable à ses vues. Il fallait un prétexte pour pallier une démarche audacieuse qui le prononcât comme le chef du parti de la cour. Il s'est appliqué à le faire naître, et il prétend l'avoir trouvé dans les événemens du 20 juin. Je puis m'expliquer librement sur ce rassemblement : j'ai assez prouvé mon opposition à cette démarche par des faits aussi publics que multipliés. Je l'ai regardée comme impolitique et sujette à de graves inconvéniens. Je n'ai pas besoin de dire que l'extravagance aristocratique a pu seule concevoir l'idée de la présenter comme un crime populaire, comme un attentat contre la liberté et contre les droits du peuple. Ce qu'il importe d'ob server ici, ce qui est démontré à mes yeux et à ceux de quiconque connaît ce qui s'est passé, c'est que la cour et La Fayette ont fait tout ce qui était en eux pour la provoquer, pour la favoriser en paráissant l'improuver; c'est que ce dessein est trop clairement indiqué par l'étrange affectation avec laquelle ils cherchèrent, dans les jours qui le précédèrent, et où il était déjà ap

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