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stances terribles où nous nous trouvons, cette adresse au roi, proposée par M. Vergniaud? combien est impolitique cette adresse au peuple français, pour le prémunir contre les mesures qui paraissaient à M. Brissot devoir causer la ruine de la liberté?..... Mais, si je suis dispensé de prouver le danger de cet ajournement, je dois dire mon opinion sur quelques bases de la théorie de M. Brissot; je la dirai franchement, parce que j'aime, parce que j'estime M. Brissot, parce qu'il rendra de grands services à la chose, publique, parce qu'il est digne d'entendre la vérité.

› Lors du retour de Louis XVI, au mois de juin 1791, lorsqu'on agitait à l'assemblée constituante la question de savoir si Louis XVI serait jugé; un homme, bien connu aujourd'hui, Dandré, soutenait qu'un voile de pudeur politique, ce sont ses termes, s'opposait à cette mesure; et l'assemblée constituante, noyée dans l'or de la liste civile, sacrifia sans pudeur la raison, les principes, la liberté, à cette pudeur politique qui tourmentait M. Dandré. Quel a été mon étonnement d'entendre M. Brissot, le 26 juillet dernier, parler dans le même sens et presque dans les mêmes termes que ce Dandré, noyé depuis long-temps dans le ridicule et le mépris. Vous devez, dit-il, non pas seulement yous abstenir de toute violation de la Constitution, mais écar> ter jusqu'au soupçon de cette violation; or, continue-t-il, vous > exciteriez ce soupçon si vous décrétiez avec précipitation, sans › une discussion solennelle, la déchéance du roi; car, quoique la › Constitution vous délègue le droit de la prononcer, cependant > tant de personnes l'ignorent encore, un si grand nombre effrayé de ce pouvoir, nous en verront toujours user avec effroi, parce qu'ils attachent au titre de roi une vertu magique » qui préserve leurs propriétés, qu'il sera toujours nécessaire de › prendre les plus grandes précautions, etc. Certes, cette vertu magique de M. Brissot vaut bien la pudeur politique de M. Dandré.

› Je réponds, moi, qu'il faut déchirer la loi, déchirer la Constitution, déchirer la déclaration des droits, si, lorsque la loi a

prononcé, il faut, pour son application, plus de précautions quand il s'agit d'un roi, que quand il s'agit d'un simple citoyen. Je dis que la contre-révolution est faite, si de pareilles idées, d'aussi vieux préjugés conduisent encore nos législateurs. Je suis loin de demander de la précipitation, mais je demande de la promptitude; car, pour me servir d'une expression de M. Brissot, le feu est à la maison, et s'il est instant, comme il en convient, d'éteindre l'incendie, il est également instant d'écarter l'incendiaire, d'arracher de ses mains la torche qu'il agite pour embraser l'empire. (Journal du Club, n° CCXLV.)

ASSEMBLÉE NATIONALE.

SÉANCE DU MERCREDI, 6 aqut.

[ M. Charles Brunot, citoyen de la section de Mauconseil, écrit que l'adresse de cette section pour la déchéance du roi, a été briguée par l'intrigue. Il dit, qu'initié dans un comité particulier d'une société populaire, il a la certitude de ce fait, il ajoute qu'il sait que beaucoup de signatures, qui sont au bas de la pétition signée au Champ-de-Mars, sont fausses. Il en cite particulièrement deux, l'une de M. Malin, tabletier, demeurant rue des Arcis; l'autre de M. Coussin, tapissier, rue Coquillère. Il prend l'engagement de ne plus aller dans aucune société populaire.

M. Vaublanc. Je demande qu'il soit ordonné une information sur ce fait et sur tous les moyens qu'on emploie pour égarer l'opinion publique. Le moment de la lumière arrive, le faible sera bientôt désabusé; bientôt le peuple saura distinguer ses amis et ses ennemis. Le voile ne tardera pas à être déchiré. ( Il s'élève quelques applaudissemens dans différentes parties de l'assemblée.)

M. Gamont. Je suis d'accord avec M. Vaublanc, que le voile sera bientôt déchiré; que bientôt le peuple saura distinguer ses amis et ses ennemis. Mais je réclame l'exécution du décret qui interdit toute discussion sur les pétitions.

-Plusieurs membres insistent avec chaleur sur la proposition de M. Vaublanc, et demandent qu'un comité soit chargé de la vérification des faits dénoncés.

M. Lacroix. Je m'oppose à cette proposition parce que, 1o vos

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comités n'ont aucun moyen de vérifier des faits semblables; 2o parce que ce fait est indifférent en lui-même: car sans doute l'assemblée ne se déterminera pas, pour juger du mérite de la pétition dont il s'agit, sur le nombre des signataires. Je demande donc le renvoi pur et simple à la commission extraordinaire. M. Vaublanc demande le renvoi au pouvoir exécutif.

Cette proposition est rejetée; celle de M. Lacroix est adoptée. Sur le rapport de M. Coustard, au nom du comité militaire, l'assemblée rend un décret pour la formation d'une légion d'Allobroges ou de Savoisiens.

Cette légion sera composée comme celle des Belges. Il y aura quatorze compagnies légères de cent vingt hommes chacune; dont sept de fusiliers et sept de carabiniers, un bataillon de cavalerie légère et une compagnie d'artillerie; au total elle sera de deux mille cent cinquante-neuf hommes. La paie et l'engagement seront les mêmes que dans les autres troupes françaises. Les Savoisiens; Piémontais et habitans du Valais seront seuls admis dans ce corps; ils choisiront leurs officiers.

La parole est accordée au rapporteur de la commission extraordinaire sur l'affaire de M. La Fayette.

Quelques membres demandent que le rapport n'ait pas lieu, attendu que trois membres qui sont parties dans l'affaire comme accusateurs, ont voté dans la commission. 197

M. Merlin. Le fait en lui même n'est pas exact; mais, quand il le serait, je n'en demanderais pas moins que les préopinans fussent rappelés à l'ordre, parce que des législateurs qui n'ont que l'intérêt public en vue quand ils dénoncent les traîtres, font leur devoir et ne sont jamais parties.

L'assemblée passe à l'ordre du jour.

کے

·M. Debry, au nom de la commission extraordinaire. Vous avez renvoyé à votre commission l'examen des nouvelles pièces relatives à M. La Fayette et déposées sur le bureau par M. Puzy, lors de sa comparution à votre barre. La gravité de l'inculpátion, la place qu'occupe le citoyen accusé, la dangereuse influence d'une indulgence coupable, la nature des circonstances, tout nous fait

un devoir de mettre au plus grand jour les faits qui ont donné lieu à cette accusation. Nous n'avons pu voir avec indifférence un homme investi d'un grade de haute confiance, dont le devoir, comme militaire, était uniquement de vaincre les ennemis; comme citoyen armé, de s'interdire toutes délibérations; comme général, de maintenir la discipline et le respect pour les organes de la volonté nationale, provoquer un concert avec le maréchal Luckner, et l'engager à joindre à son armée les troupes qu'il a à ses ordres pour combattre non les Prussiens, les Autrichiens, mais les prétendus factieux du dedans, qui, dit-il, font sortir l'assemblée de la ligne constitutionnelle et menacent l'existence civile et politique du roi d'une destruction prochaine. Nous vous rappellerons les faits et les diverses démarches qui ont précédé le fait particulier qui a déterminé l'ajournement de cette discussion, vous verrez que sans vous charger d'une responsabilité terrible aux yeux de la nation, vous ne pouviez vous empêcher d'être justes et sévères.

L'exposé textuel des faits joint à quelques réflexions qui en dérivent naturellement, vont justifier la mesure de rigueur que nous vous proposons.

(M. le rapporteur fait lecture de la lettre adressée le 22 juin par M. La Fayette au maréchal Luckner, et des explications données sur l'objet de cette lettre par M. Bureaux-Puzy.) Vous vous rappelez la dénonciation qui vous fut faite par six de vos membres d'un propos dont M. Luckner accusa M. La Fayette dans une conférence qu'il eut avec plusieurs députés chez l'évêque de Paris. Aucun homme fait pour apprécier la véracité des représentans du peuple ne peut révoquer en doute que ce propós n'ait été effectivement tenu par le maréchal aux six députés qui l'ont attesté par leurs signatures. Si M. Luckner l'a désavoué dans une lettre du 25 juillet, l'inconsidération qu'on reproche à ce vieux général et qu'il faut attribuer à la difficulté qu'il a de se faire entendre dans la langue nationale, ne doit-elle pas atténuer le poids de cette dénégation?..... Mais toute incertitude cesse et bientôt la lettre de M. La Fayette au maréchal Luckner et la déposition

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de M. Bureaux-Puzy jettent un jour effrayant sur cette affaire.... On est forcé de se dire à soi-même : celui qui abandonna son armée pour venir à la barre faire des pétitions impératives; celui qui fit délibérer son armée ou du moins qui le toléra; celui qui souffrit que des soldats abusés lui déclarassent dans des adresses, qu'il pouvait les conduire avec confiance contre les factieux du dedans; celui qui écrivit de Ténières au maréchal Luckner, et qui chargea un agent de négocier un concert entre les deux généraux; qui vint une seconde fois à votre barre usurper la faculté de délibérer; celui qui osa faire croire aux troupes que ce n'était pas pour la Constitution qu'elles combattaient; celui-là peut-il vous faire oublier par un simple désaveu qui ne prouve rien, les nombreuses traces du projet d'avoir voulu marcher avec son armée contre la capitale. Ce projet est exécrable sans doute; mais l'ambition ne calcule pas les moyens et on n'avoue un pareil crime que quand le succès l'a couvert. La lettre du 22 juin, elle seule, est un véritable crime, elle dévoile La Fayette: « Je ne puis me soumettre en silence, dit-il, à la tyrannie que des factieux exercent sur l'assemblée nationale et le roi, en faisant sortir l'une de la Constitution que nous avons tous jurée, en mettant l'autre en danger de sa destruction politique et physique. Voilà ma profession de foi; c'est celle des dix-neuf vingtièmes du royaume....

On se demande: où donc est la faction qui vous conduit? Depuis quand est-il vrai de dire que vous soyez sortis de la ligne constitutionnelle? Le roi est-il en danger lorsque soixante mille citoyens, se dévouent à la défense de sa personne? Est-il permis de calomnier jusqu'à un tel point et le peuple et ses représentans? Quelle preuve a-t-on de la non liberté du roi? Quel est le décret qu'il ait été obligé de sanctionner sans sa volonté? Quel ministre patriote a-t-il été obligé de conserver? A quel général réfractaire l'a-t-on, forcé de retirer le commandement ? Certes, c'est moins du défaut de liberté du roi que de l'exercice de sa liberté que nous avons à gémir. Les émigrés ne parlent pas autrement dans leurs lamentations sur la captivité du roi et sur l'influence des factieux. Ils disent aussi que des factions vous tyrannisent et qu'ils viennent en

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