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dans les sections. Ainsi, ce jour de fête fut un jour tout occupé de mouvemens et de travaux politiques.

L'insurrection méditée par la section Mauconseil n'eut point lieu; nous verrons bientôt, par suite de quelles démarches. Mais tout le monde néanmoins était dans l'attente, le Château comme la population.

Les Tuileries avaient été dans l'éveil toute la nuit : deux ministres, de Joly et Dubouchage ne les avaient pas quittées. Voulant sans doute, dans le cas d'une attaque, avoir la garantie de magistrats du peuple, ils avaient écrit à deux officiers municipaux de Passy, de venir avec leurs écharpes. Mais la lettre ne parvint pas; elle fut arrêtée aux Champs-Élysées par une patrouille, portée à la commune, et bientôt rendue publique par toutes les voies de la presse. Ce fut l'occasion de commentaires nombreux, et une preuve à l'appui du projet de fuite que l'on attribuait au roi.

Les journaux, au reste, n'eurent aucune part à toute cette agitation; à peine même en firent-ils mention le lendemain. On comprend facilement le motif de ce silence inaccoutumé : les patriotes étaient occupés de préparatifs d'action; Brissot et ses amis se gardaient d'exciter un mouvement qui menaçait d'éclater; loin de là, ils entretenaient le public de petits succès sur les frontières, ou d'espérances du même genre. On venait, disaientils, de reprendre Bavay sur les Autrichiens; on venait de leur enlever, par surprise, un corps de chasseurs tyroliens; en un seul jour, plus de sept cents déserteurs autrichiens s'étaient rendus aux Français. Dans la grande question, la voix des clubs et celle des sectionnaires avaient remplacé la presse.

Les royalistes, au contraire, faisaient vendre dans les rues des contrefaçons du Père Duchène et de la Sentinelle. Le Journal de Paris publiait un de ses supplémens, où F. de Pange calomniait réellement, d'une manière absurde, la société des Jacobins. En voici quelques passages :

< Tantôt vous voyez la société occupée de nommer des défenseurs officieux à un meurtrier patriote... Ici, c'est Roberspierre qui

CONSPIRE.

s'avance, confiant à ses frères et amis combien il lui serait doux de faire assassiner M. de La Fayette.... L'un d'eux, désignant, selon l'usage de cette secte, ses adversaires, par le nom de conspirateurs, dit : La cour conspire; les généraux conspirent; les directoires conspirent; les tribunaux conspirent; TOUT Quand les tyrans craignent des conspirations, ils s'entourent de gardes. Il est donc très-naturel que les Jacobins pensent à s'en donner. Depuis long-temps cette idée paraît les avoir occupés. Robespierre avait senti cette difficulté, quand il proposait de faire une armée de tous les soldats chassés de leur corps avec des cartouches infamantes. Il aurait composé, sur ce principe, une troupe bien digne de sa destination. Il se flattait de trouver ainsi jusqu'à soixante mille hommes flétris... La société a fait bien des avances au maréchal Luckner; mais ce vieux guerrier n'y répond que par son mépris, et l'on conçoit aisément qu'il se trouve peu sensible aux marques d'une estime qu'il faudrait partager avec monsieur Jourdan, etc. ▾

A la suite de cette diatribe, le Journal de Paris avait imprimé le manifeste de Brunswick.

Il fallait ignorer bien complétement le rôle du club des Jacobins, ses rapports avec les fédérés, avec les sections, pour croire que de telles choses auraient la moindre influence sur la partie agissante du peuple. La cour s'abusait aussi, mais dans un autre sens : elle se croyait encore quelque puissance; en voici la preuve :

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Lettre du ministre de l'intérieur à M. Roederer, procureur-syndic

du département de Paris, du 6 août.

On répand, monsieur, avec profusion et on crie avec affectation dans Paris, un écrit ayant pour titre : Pétition de la commune de Paris à l'assemblée nationale, suivi d'une note portant: . Ce matin, sur les deux heures, le roi, en habit de paysan, est › sorti du château. Il s'est acheminé vers le Pont-Tournant, en » suivant la grande allée des Tuileries. La stature du monarque › ne permet guère de le méconnaître, pour peu qu'on l'ait vu.

› La sentinelle l'a reconnu sur-le-champ; elle a crié aux armes, › et le prince fugitif est retourné à toutes jambes vers le château. › Il a écrit aussitôt au maire, qui s'est rendu à l'instant aux Tui»leries, où le roi lui a raconté l'événement à sa manière. Sui› vant lui, il n'avait projeté qu'une simple promenade. On dit › que M. La Rochefoucault l'attendait à Chaillot, pour le con› duire en lieu de sûreté. ›

› Dans des circonstances ordinaires, monsieur, cette note ne mériterait aucune réponse; mais comme déjà le peuple a été agité hier sous le prétexte de la fuite du roi, je crois devoir un démenti formel à l'anecdote répandue; le roi n'a point quitté son appartement dans la nuit du 4 au 5, ni dans celle d'hier à aujourd'hui. Tous les ministres qui s'étaient portés auprès de sa personne, sur un bruit qui leur était parvenu, et qui était en effet fondé sur la marche pendant la nuit, et sans avis préalable, d'une troupe armée, peuvent l'attester; et à leur témoignage se joindra celui de toute la garde de service au château dans la première nuit ; pour la seconde, il paraît qu'un officier municipal s'est assuré par lui-même de la présence du roi et de ses dispositions, et qu'il a dressé un procès-verbal, que probablement on rendra public.

› Je crois cependant devoir vous dénoncer l'écrit, afin que le département et vous, monsieur, avisiez aux mesures convenables pour prévenir l'effet des impressions que la malveillance se plaît à inspirer au peuple pour le porter à des excès. Signé CHAMPION. (Journal de Paris, n. CCXX.)

ASSEMBLÉE NATIONALE. SÉANCE DU 6 Aout.

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-- Varlet, rédacteur d'une pétition signée dans le champ de Mars par des fédérés, se présente à la barre : il demande qu'on jette un voile sur la Déclaration des droits de l'homme; que Louis XVI soit censé avoir abdiqué la couronne; que les assemblées primaires soient convoquées; que tout Français payant une contribution ait le droit d'y voter ; que tous les états-majors des armées soient licenciés ; qu'aucun noble ne puisse comman

der en chef dans la guerre de la liberté ; que La Fayette soit envoyé à la haute cour; que les ministres patriotes soient réintégrés et chargés du pouvoir exécutif, par intérim; que tous les directoires de département soient renouvelés; tous les ambassadeurs dans les cours souveraines rappelés; tous les rapports de politique ou de diplomatie rompus; qu'il soit fait des lois sévères contre toute espèce d'accaparement, et que tous les commandans des places fortes ou villes frontières, nommés par le roi, reçoivent leur démission. - Malgré l'opposition de Boulanger et d'une partie de l'assemblée, les pétitionnaires reçoivent les honneurs de la séance, aux applaudissemens des tribunes. Les commissaires envoyés à Soissons font leur rapport sur ce qu'ils ont vu. Ils font le plus grand éloge des bataillons de volontaires qui y sont réunis.

SÉANCE DU SOIR.

Des grenadiers de différentes sections de Paris offrent, aux applaudissemens unanimes de l'assemblée, leurs bras et leurs armes pour la défense de la patrie. Ils demandent la suppression des compagnies de grenadiers et de chasseurs.

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SÉANCE DU 7 AOUT AU SOIR.

(Dans la séance du matin, il ne se passa rien d'important. Sur la proposition de Beauvais, on décréta que quatre commissaires, choisis par le peuple, seraient chargés de maintenir la police dans les tribunes publiques.)

[Une députation extraordinaire de Toulon, introduite à la barre, annonce les événemens désastreux qui ont affligé cette ville, où des séditieux ont massacré le procureur-général syndic du département, quatre administrateurs, l'accusateur public, un membre du conseil du district, et deux autres citoyens. - Elle dépose sur le bureau, sans les lire, les pièces qui constatent ces calamités.

La députation, invitée aux honneurs de la séance, traverse la salle au milieu des mouvemens d'indignation de l'assemblée.

Les pièces sont renvoyées à la commission des vingt-un.

Sur la proposition de M. Granet, de Marseille, l'assemblée renvoie à la même commission un procès-verbal qui constate les troubles arrivés dans cette ville, et dans lesquels M. Boyer, connu par ses projets contre-révolutionnaires, a été victime de la fureur du peuple. Il annonce en même-temps que jamais la ville n'a été plus tranquille, l'union jamais plus forte entre les citoyens.

M. le président annonce que plusieurs pétitionnaires demandent à être admis à la barré.

M. Reboul. L'assemblée, en déclarant le danger de la patrie, s'est imposé le devoir de consacrer tous ses soins, tous ses momens, à les conjurer. Je demande qu'une fois pour toutes; il soit décrété que l'assemblée n'admettra, sous aucun prétexte, aucun pétitionnaire, un autre jour que le dimanche. Je demande en outre que le président ne puisse jamais, que le dimanche, proposer d'én admettre.

La première proposition est adoptée.

M. Chabot. Je m'oppose à la seconde proposition de M. Rëboul, et je demande à la combattre.....

L'assemblée consultée décide que M. Chabot ne sera pas en

tendu.

On réclame la question préalable.

Après quelques débats, la question préalable est adoptée.]

CLUB DES JACOBINS.

SÉANCE DU 6 AOUT.

Cette séance n'offre aucun intérêt. Elle fut occupée presque tout entière par un discours de Réal, dans lequel nous n'avons rien trouvé de remarquable, sauf un passage qui exprime le profond dissentiment qui séparait déjà les Montagnards des futurs Girondins. L'orateur, après avoir décrit les dangers de toute espèce qui menacaient la France, se demande quels sont les moyens qu'on a proposés pour les dissiper. « Dois-je, dit-il, parler des mesures préparatoires proposées par MM. Vergniaud et Brissot? Dois-je proaver combien est ridicule, dans les circon

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