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d'honneur que vous leur avez confié; mais ils vous demandent les moyens de ne pas exposer leur vie sans fruit, et de vous occuper de déterminer le régime des prisons de la haute Cour nationale. Suivent deux cents signatures. (On applaudit. )

Les pétitionnaires sont admis aux honneurs de la séance.

M. Rouyer. Je demande le renvoi de cette pétition au comité de législation, pour en faire son rapport sous trois jours.

M. Tarbé. C'est aux grands procurateurs de la nation à s'occuper de la rassurer sur la crainte de voir s'échapper les prisonniers d'Orléans. Je crois que les citoyens d'Orléans, avant de s'adresser à l'assemblée, auraient dû présenter leurs sollicitudes à leurs officiers municipaux. (On murmure.)

M. Brival. Je demande qu'on entende le défenseur officieux des contre-révolutionnaires. (Quelques applaudissemens des tribunes.)

M. Tarbé. Je dis que le silence des corps administratifs et des grands procurateurs est une forte présomption contre les faits qui vous sont dénoncés. Je demande au surplus que la pétition soit renvoyée au comité de législation, pour qu'il dissipe les inquiétudes que ces messieurs conçoivent si facilement.

Le renvoi est décrété.

On fait lecture d'une lettre du colonel Blacksten, ami du commodore Paul-Jones, lequel annonce que son ami étant décédé à Paris, en conséquence d'une formalité encore existante à l'égard des protestans, on s'est adressé à M. Simonneau, commissaire de la section, pour le faire enterrer sans frais. M. Simonneau, indigné, a répondu que si on ne faisait pas les frais, il les ferait plutôt lui-même. (On applaudit.)

N...... Je demande que pour consacrer la liberté des cultes, l'assemblée envoie une députation aux funérailles de Paul-Jones. (On applaudit.)

Cette proposition est décrétée.

On introduit à la barre une députation des citoyens de la section dite des Lombards.

L'orateur de la députation. A peine avons-nous appris que vous

aviez déclaré que la patrie était en danger, que nous avons renouvelé le serment de vivre libres ou de mourir. Nous volons sur les bords du Rhin pour combattre les despotes et faire triompher l'étendard de la liberté ; mais c'est peu que des citoyens se dévouent, s'ils ont des généraux qui n'aient pas leur confiance. (On applaudit. ) La Fayette, qui divise son pays en feignant de le servir, a perdu la confiance des amis de la liberté. (Les tribunes et une partie de l'assemblée applaudissent.) Il a violé la Constitution en osant apporter une pétition coupable; il l'a violée en osant dire que c'était le vœu de son armée, comme si le vœu des courtisans était celui des hommes libres; il l'a violée en voulant faire rentrer dans l'intérieur des troupes consacrées à la défense des frontières. Chez les Romains, un consul, un général, qui eût commis ces délits, eût été puni de mort. ( On applaudit. ) Débarrassez l'armée d'un homme qui viole les lois avec tant d'audace. Dans le moment où nous nous trouvons, ой nous marchons sur un volcan, la clémence serait un crime. Tout Paris vous a déclaré que le département a perdu la confiance des bons citoyens. (On applaudit.) Pourquoi le décret qui nous a rendu le vertueux, l'incorruptible Pétion (Nouveaux applaudissemens.), n'a-t-il pas prononcé l'arrêt de mort de ce département contre-révolutionnaire? Nous demandons sa destitution; nous demandons que vous examiniez la conduite criminelle de ces juges de paix qui décernent aux Tuileries des mandats d'amener, qui sont de véritables lettres de cachet. Dans ces momens de crise, donnez-nous des magistrats, des généraux, des juges qui aient notre confiance. (On applaudit.) En déclarant les dangers de la patrie, vous n'en aviez pas déclaré les causes. (Une voix : C'est votre pétition et celles qui lui ressemblent.) Ordonnez que toutes les assemblées primaires soient permanentes, afin que le souverain en personne veille sur la liberté !

Nous apportons 8,692 liv. 10 sous pour la guerre. (Les applaudissemens recommencent.)

Les pétitionnaires obtiennent les honneurs de la séance.

M. Merlin. Je démande l'impression d'une pétition si patrioti

que et si bien accompagnée. (Les tribunes applaudissent.)

M. Mayerne. Vous ne pouvez donner votre approbation à des maximes contraires à la Constitution que vous avez jurée de maintenir. (On murmure. )

C

M. Tarbé. Je me charge de démontrer que la pétition est inconstitutionnelle.

M. Duhem. Vous le prouverez mieux quand elle sera imprimée. (On applaudit.)

La discussion est fermée, et l'impression décrétée. ]

AFFAIRE LA FAYETTE.

La discussion commença sous les auspices les plus sinistres. Les ministres démissionnaires n'étaient pas remplacés; ils signaient cependant encore par interim. Le 20, le directoire du département se démit en masse. (Gazette des 21 et 23 juillet.) Luckner était à Paris, La Fayette était douteux. Ainsi, l'état était sans ministres, Paris sans administrateurs, l'armée sans généraux.

Depuis long-temps les Jacobins avaient prononcé sur la culpabilité de l'ex-général de l'armée du centre. Plusieurs séances avaient été consacrées à l'examen de sa conduite. Billaud-Varennes, Merlin, Collot-d'Herbois, s'étaient fait remarquer par l'énergie de leurs attaques. Personne ne le défendit. Robespierre, à cette occasion, ne fit qu'insister sur la possibilité de changer nos revers en succès, en faisant un retour offensif et en envahissant la Belgique : mais pour cela, ajouta-t-il seulement, il nous faut d'autres généraux. Cependant, il croyait comme les autres à la culpabilité de La Fayette; il l'attaqua dans son Défenseur, et donna ainsi une publicité plus grande à son accusation. Nous allons en donner un extrait; nous avons préféré cette citation à toute autre, parce qu'elle nous paraît un modèle de polémique politique.

Sur la tactique du généràl La Fayette.

« Ajax, roi des Locriens, avait laissé une si haute opinion de sa valeur, que ses concitoyens conservaient toujours sa tente au

milieu de leur camp; l'ombre de ce héros gagnait encore des batailles.

› Nous avons un général qui semble avoir choisi pour modèle l'ombre d'Ajax. La tente de M. La Fayette est au milieu du camp où il commande; mais elle est souvent déserte, comme celle du roi grec ; ce général a la propriété de disparaître de son camp par intervalles, pour huit ou quinze jours, sans que ni les ennemis, ni son armée, s'en aperçoivent. La seule différence qui existe entre l'ombre d'Ajax et celle de La Fayette, c'est que celui-ci ne gagne pas de batailles. Pyrrhus apprit aux Romains l'art des campemens; La Fayette instruira les généraux qui le suivront dans l'art de voyager. Faire la guerre à la tête de son armée, est une science commune, qui appartient aux héros vulgaires : être éloigné d'elle de soixante-dix lieues, plus ou moins, et faire la guerre, voilà le talent merveilleux réservé aux êtres privilégiés, refusé à tout général qui n'a subjugué ou affranchi qu'un seul monde. Le général est-il au camp? est-il au château des Tuileries? est-il à Paris? est-il à la campagne? ce sont aujourd'hui autant de questions qui n'ont rien du tout d'oiseux, ni de ridicule, et dont la solution n'est pas même facile. Par exemple, au moment où j'écris, on regarderait comme un homme très-habile, celui qui pourrait dire, avec certitude, si M. La Fayette est enfin retourné à Maubeuge, ou si c'est Paris qui le recèle.

› Cette nouvelle méthode de faire la guerre à sans doute de grands avantages, ne fût-ce que celui de conserver le général, sinon à l'armée, du moins à la nation. Comment le battre, ou le faire prisonnier, s'il n'est pas même possible de le découvrir?

› Au reste, qu'on examine bien ce système; il est beaucoup moins extraordinaire qu'on ne pourrait le croire, au premier coup d'œil. Il est très-approprié à la nature et aux motifs de la guerre actuelle. Jamais guerre n'exigea plus d'entrevues secrètes, plus d'entretiens intimes, plus de confidences mystérieuses; or, tout cela suppose des voyages, et obligé nécessairement le général à faire plus d'usage de chevaux de poste que de chevaux de bataille.

T. XVI.

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1

› Ce n'est plus un secret aujourd'hui pour personné, que le but de la guerre n'est point de détrôner la maison d'Autriche, en Brabant, mais de rétablir son empire en France. Ce n'est point Bruxelles qu'on veut affranchir, c'est Paris que l'on veut réduirė. Il s'agit, non de dompter les factieux de Coblentz, mais de châtier les factieux de l'assemblée nationale et de la capitale. Le roi de Prusse et le roi de Hongrie, comme on sait, sont biens moins à craindre pour la France que les municipaux et les sociétés des amis de la Constitution : Léopold et La Fayette nous l'ont hautement déclaré. H faut épargner Coblentz, évacuer Courtrai, et préparer le siége du couvent des Jacobins, Le véritable théâtre de la guerre n'est donc point la Belgique, c'est Paris. Le véritable quartier-général n'est pas au camp retranché de Maubeuge, il est dans le palais des Tuileries. Le conseil de guerre, c'est le comité autrichien. A quoi servent ici la valeur et les talens militaires ? Il n'est question; que de stratagèmes politiques. M. La Fayette a donc moins besoin de conférer avec des officiers expérimentés qu'avec des intrigans habiles. Au camp, il peut être facilement remplacé; mais au conseil secret, comment pourrait-on se passer de sa présence?:

Eh! d'ailleurs, pourquoi les Autrichiens lui donneraient-ils quelque inquiétude pendant son absence? Est-il en guerre avec eux? Que dis-je? Ne sont-ils pas ses alliés? Ne sont-ils pas ligués avec lui pour rétablir en France le bon ordre, pour anéantir le règne des clubs et rétablir celui de la loi? Regardez-vous cette réflexion comme un trait d'ironie ou comme une exagération? Non, c'est la vérité toute nue, c'est l'évidence d as tout son éclat. Interrogez plutôt les faits; lisez le manifeste lettre de M. La Fayette (1)

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LEOPOLD

Léopold, et lisez la

L'empereur croit devoir, au biêtre de la France et de l'Europe entière, ainsi qu'il y est autorisé par les provocations

«(1) Je vais remettre ici sous les yeux du public les principaux passage de ce double manifeste. » (Note de Robespierre.)

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