Page images
PDF
EPUB

blée jugera sans doute convenable de les entendre à l'instant.

(On applaudit.)

Les commissaires de la section de la Bibliothéque, parmi lesquels se trouvent MM. André Chenier et Collot-Herbois, sont introduits.

M. Collot-Herbois. Législateurs, des faits particuliers ne sont dignes de votre attention, qu'autant qu'ils peuvent regarder une mesure d'utilité générale. Ce n'est pas de nous que nous venons vous occuper, c'est de tous les citoyens de la capitale. Pour que les assemblées de commune soient utiles, il faut qu'elles se tiennent avec une entière publicité. Tous les citoyens étant appelés à défendre la patrie, doivent au moins avoir le droit de présence aux assemblées publiques, pour n'être point tout-à-fait étrangers aux mesures prises pour le salut de tous. La liberté ne peut mûrir chez un peuple que par l'instruction. Les conspirateurs et les traîtres seuls fuient le grand jour. Une assemblée de citoyens qui se renferme et délibère sans les tribunes est par cela même suspecte. Depuis deux jours, plusieurs de nos assemblées de section sont agitées par un horrible désordre, et ce sont précisément celles qui n'ont pas encore consenti à donner de la publicité à leurs séances. Le vœu qui vient d'être émis par une majorité incontestable, composée de plus de quarante sections, fait le désespoir d'une minorité rebelle et tumultueuse. Non-seulement elle s'agite en tous sens et prépare obscurément dans de petits conciliabules d'odieuses contestations contre le vœu pressenti de la nation entière pour la déchéance du roi ;

Elle pousse le délire et l'audace jusqu'à maltraiter tous ceux qui, dans cette circonstance, ont rempli avec courage la mission qui leur avait été déléguée par l'assemblée générale de leurs sections. Avant-hier, dans l'église de Saint-Thomas, où nous tenons nos assemblées, nous avons été en butte à toutes sortes d'injures. Des hommes qui dédaignent ordinairement d'assister à nos séances, s'y étaient rendus en grand nombre ; ils nous contestèrent nos pouvoirs, nous allons les déposer sur le bureau; nous y déposerions les procès-verbaux qui constatent que c'est

en vertu du vœu de la section, légalement recueilli, que nous avons concouru à l'adresse de la commune; mais le secrétaire vient de nous instruire que ces procès-verbaux avaient été soustraits des archives. C'est ainsi que nos calomniateurs ajoutent aux mauvais traitemens les armes de la perfidie. Cependant, ne désirant que de vivre en paix avec eux, nous nous imposons un sacrifice, en ne demandant que la seule publicité de nos assemblées, lorsque nous devrions réclamer, dans ce moment de danger, pour tous les citoyens, sans distinction de fortune, le droit de délibérer sur leurs intérêts; car toute barrière nous gêne; nous voudrions toucher de plus près nos frères, parce que l'égalité la plus parfaite est la base de nos principes politiques. Tandis que les honnêtes gens se rendront dans les assemblées délibérantes, l'injure à la bouche et la violence dans leurs actions, nous autres, bonnes gens, nous n'y apporterons que les principes de la raison et de la justice, et la publicité seule peut les faire triompher. (On applaudit.)

:

-Des citoyens de la sectiom dite de l'Arsenal lisent une pétition dans laquelle ils repoussent comme inconstitutionnelle la proposition de la déchéance du roi, si elle devait être suivie de la suspension provisoire du pouvoir royal.-Ils désavouent encore comme injurieuse au patriotisme et aux lumières des citoyens de la capitale, et comme renfermant des principes destructifs de la discipline, l'adresse de la commune de Paris à l'armée française. Des citoyens députés par plusieurs sections de Paris réunies manifestent leur adhésion à la déclaration de la section de Mauconseil. Ils demandent, au nom des citoyens de ces sections, la permission de défiler dans la salle.

L'assemblée décide que les vingt députés seulement seront introduits.]

Ici, la narration du Moniteur manque d'exactitude : ce journal semble avoir voulu montrer l'assemblée plus favorable qu'elle ne l'était réellement aux demandes révolutionnaires des Parisiens. Nous allons donc compléter ce compte rendu, en emprun

tant à quelques autres journaux, au Journal de Paris et au Patriote Français.

Lorsque les députés des sections eurent achevé de lire leur discours d'adhésion à la déclaration de Mauconseil, le président les rappela au respect qu'ils devaient à la Constitution et à la loi; puis il consulta l'assemblée sur leur admission aux honneurs dits de la séance. Il y eut deux épreuves successives dans lesquelles la majorité fut douteuse. Carnot monta à la tribune;

Plaignons, dit-il, leur erreur, mais excusons-la après tant de provocations. On consentit donc à admettre la députation, en refusant de recevoir son nombreux cortège.

Ensuite, Antoine, maire de Metz, et ex-constituant, que nous avons vu si souvent parler aux Jacobins, vint se plaindre d'un mandat d'arrêt qu'un juge de paix de sa ville natale avait lancé contre lui, attendu ses motions incendiaires. Le rapport de cette affaire fut indiqué au lendemain.

Nous terminerons cette addition par la transcription de l'adresse de la section de l'Arsenal. De cette manière, le lecteur aura une idée du style des deux partis qui se disputaient Paris.

Extrait de l'adresse de la section de l'Arsenal.

Législateurs, deux projets d'adresses ont été envoyés aux sections de Paris pour en délibérer : l'une était destinée pour l'armée, l'autre pour le corps législatif.

› Les citoyens de l'Arsenal, toujours fidèles à leurs principes, toujours constans dans leur amour pour la Constitution et les lois qu'ils ont juré de maintenir, ont lu ces projets et les ont youés au mépris qu'ils leur ont paru mériter.

» Mais leur silence passerait pour un acquiescement, dans un temps surtout où l'opinion de quelques citoyens réunis, soit dans une ville, soit dans une section, est indiquée proclamée par l'esprit de parti, comme le vœu unanime de tous les citoyens de cette section, de cette ville, quelquefois même d'un départe

ment.

C'est à la faveur de cet abus qu'on cherche journellement

à vous tromper sur l'opinion publique, que le caprice d'une poignée de citoyens devient le vou d'une immense population; et c'est contre cet abus que la section de l'Arsenal veut vous prémunir à son égard.

› Une pétition adroitement, insidieusement tournée, est répandue dans toutes les sections de Paris : elle a pour but de vous proposer, au nom de cette capitale, la subversion de la Constitution, par la création d'une dictature ministérielle que vous éliriez en attendant où la déchéance du roi ou la convention nationale...

1

› Une adresse à l'armée a été rédigée et arrêtée de cette manière; déjà un assemblage ridicule de flagorneries, de mensonges impudens et d'absurdités, a été envoyé à l'armée, comme l'émission du vœu combiné des citoyens de Paris; tandis que la majeure partie rougit peut-être de voir les lumières et le patriotisme distingué de cette ville compromis par un ouvrage aussi méprisable que contraire aux lois.

› Les citoyens de l'Arsenal apprennent à l'instant, et non sans surprise, que la seconde de ces deux adresses vous a été offerte avec autant d'impudeur que d'irrégularité ;

⚫ Avec impudeur, car elle est présentée au nom des quarantehuit sections, sans attendre leur vou, puisqu'elles délibéraient encore. (Un acte d'incivisme, et qui outrage la Constitution, vous a été lu comme l'opinion des citoyens réunis dans toutes les sections.)

› Avec irrégularité, car la commune de Paris, consultée dans ses sections, n'a point émis son vœu sur la rédaction de l'adresse; et cependant elle se trouve rédigée, lue et publiée en leur nom collectif.

› La section de l'Arsenal désavoue cette adresse parce qu'elle contient des principes erronés, des faits faux, hasardés ou calomnieux; parce que de si dangereux principes, professés hautement dans un moment de danger, n'ont d'autre but, ou au moins d'autre effet, que de diviser les citoyens de l'empire, d'allumer, s'il se peut, la guerre civile, et de substituer à

lá Constitution que vous avez jurée, la plus horrible anarchie.

› La section que nous représentons désavoue l'adresse à l'armée, parce qu'elle tend à semer, parmi les soldats de la liberté, la défiance et l'indiscipline qui la suit; à les tromper sur les faits d'une journée qui sera le désespoir des vrais citoyens, tant que vous n'aurez pas dirigé le bras vengeur des lois sur ses fauteurs et ses instigateurs...

› Législateurs, la patrie est en danger!...

› La Constitution est notre seul point de ralliement, et l'on ose vous proposer de l'altérer, à vous qui avez juré de la maintenir, à vous qui avez déclaré infâme quiconque vous proposerait une modification. Maintenez-la dans sa pureté : vous serez secondés par les vrais citoyens; maintenez-la en suivant la marche qu'elle vous trace. Prononcez en législateurs sur cette question importante de la déchéance du roi, s'il est dans un cas prévu par la Constitution; prononcez, nous vous en conjurons, et d'avance nous respectons votre décision : mais jusqu'à ce qu'elle soit rendue, nous proscrivons toute atteinte à un pouvoir constitué; nous le respecterons, parce nous avons juré de le maintenir, et que nous sommes fidèles à nos sermens. Nous le respecterons, et nous vous dénoncérons les clameurs, les voies de fait, les écrits scandaleux, les propositions incendiaires qui ne tendent qu'à désorganiser l'empire et le précipiter vers sa ruine.

› Vous, nos frères d'armes; vous, dont les bras victorieux combattent au-dehors pour notre liberté, volez au champ de l'honneur et de la victoire : nous, amis fidèles et vrais de la Constitution et des lois, nous veillerons à ces dépôts précieux; nous combattrons avec le courage des hommes libres, et les tyrans et les ennemis presque aussi dangereux qui, se parant du manteau de la Constitution, ne cherchent qu'à la détruire et à nous rendre parjures. » (Journal de Paris, n. CCXXI. Supplément.)

CLUB DES JACOBINS.-6 AOUT.

Lecture du procès-verbal. Présentation des candidats.

[ocr errors]
« PreviousContinue »